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L’interculturel et son influence dans la construction identitaire

7. La clinique interculturelle de nos jours : une pratique anthropologique et psychanalytique pour tous

7.1. La clinique interculturelle de Govindama

Aussi bien dans sa pratique professionnelle de clinicienne que dans sa recherche de terrain à l’île de la Réunion, au Sénégal, au Burkina Faso et à Madagascar Govindama aura pour but de repérer les paramètres communs qui se trouvent mobilisés dans la clinique interculturelle. Entre autres paramètres mobilisés dans cette clinique, citons par exemple « la faute » liée aux transgressions culturelles (croyances) en rapport avec l’ordre symbolique du référent fondateur. Une transgression culturelle qui renvoie aux transgressions réelles ou imaginaires avec un besoin de recherche de punition tel que Freud (1915) le décrit. L’expression de la scène psychique sur la scène rituelle implique en effet des transferts archaïques qui mettent en œuvre des processus primaires sollicitant ainsi une grande disponibilité d’écoute tant du côté des intervenants que des thérapeutes traditionnels. Govindama tente donc de comprendre la fonction de la culture dans la structuration du lien social intrafamilial et intergénérationnel.

Posant d’emblée le principe animiste (croyance aux âmes et aux esprits) comme un fait général à tous les hommes au-delà même des différences de culture, car garantissant « l’unité somato-psychique, unité menacée par la pensée cartésienne dans les sociétés occidentales » (Govindama, 2002, p. 51). L’auteur va montrer que l’animisme soutient la transmission de la croyance en un mythe fondateur. Lequel incarne le père symbolique en imposant les tabous, et en liant les générations entre elles dans un ordre préétabli par l’ancêtre créateur. Cette croyance joue un rôle de tiers dans les interactions mère-bébé et parents-enfant notamment dans la préservation de l’altérité du sujet. Ceci se concrétise à travers les rites de passage qui visent, en même temps qu’une affiliation symbolique à l’ancêtre fondateur, la préservation de l’unité somato-psychique pour rappeler au sujet sa condition humaine, celle d’un être mortel par rapport au créateur considéré comme immortel. Le rite thérapeutique a donc pour Govindama deux fonctions principales que sont son aspect d’affiliation et celui de ré-affiliation symbolique.

« Dans les deux cas, le rite introduit l’absent, le fondateur de chaque civilisation, pour rappeler au sujet l’ordre symbolique associé aux principes totémiques freudiens, ainsi que sa condition mortelle afin de le soumettre à la castration symbolique » (Govindama, 2007, p. 197).

Dans son ouvrage : Le corps dans le rituel. Ethnopsychanalyse du monde hindou réunionnais, Yolande Govindama (2000) développe l’idée que le corps ritualisé est le lieu de rappel du divin, mais aussi le lieu d’interrogation sur ledit divin. Elle s’appuie sur les rites hindous, qui pour elle, souligne l’incomplétude, la faille dans le sujet et dans l’Autre, et propose une codification des actes et des gestes qui mettent en regard ces deux failles sans les combler. Ainsi, les rites remplissent le rôle d’un Tiers à travers lequel le sujet est recadré, dans ce que Govindama nomme métaphore paternelle faisant ici usage des avancées de Lacan. Le rituel constitue en fait, une abstraction qui, redoublant la marque d’un manque dans l’Autre institue un objet, cause de désir. Initialement conçu comme inséré au champ du langage, cet acte devient garant d’une absence essentielle, ordonnatrice de la structure de tout sujet. Cette opération rituelle serait alors conforme à l’opération Nom-du-Père qui limite la jouissance du sujet.

Dans sa pratique clinique, Govindama ne rencontre pas que des équilibrages et des étayages entre la symbolique du rite et le réel du sujet. C’est par exemple le cas de Vel sur lequel le rite « avait échoué du fait que le dysfonctionnement du couple était bien antérieur à la naissance, la relation entre la mère et le fils aîné ayant contribué depuis longtemps à destituer le père géniteur. C’est en grande partie à cause du déficit des croyances et d’une absence de transmission au sein de la famille que le rite s’est trouvé dénué de sens et d’efficacité » (Govindama, 2000, p. 139). Ce qu’il convient de comprendre ici est que les rites fonctionnent, le plus clair du temps, parce que les familles prennent au sérieux le rituel. Dans de telles conditions, les éléments du rituel ne sont pas détournés au profit d’une revendication œdipienne incestueuse.

La clinique proposée par Govindama donne par une théorisation particulière, une place incontournable au symptôme. Il semble que la clinicienne veuille indiquer ici la nécessité pour l’analyste de promouvoir une notion de place réservée, c’est-à-dire d’accueillir dans la clinique la façon dont les sujets prennent place dans l’histoire groupale. Autrement dit, ce n’est pas à une simple insertion du sujet dans le noyau du trauma historique que l’on a affaire dans l’expérience analytique, il y vient par le symptôme et donc « en porte-à-faux » ou « non sans discordance ». C’est bien dans ces conditions, le symptôme seul qui peut laisser une certaine

liberté par rapport au déterminisme de l’histoire. On va noter comme un double effet du symptôme. Il est ce par quoi le sujet se dégage de la structure et de la place qui lui est assignée, mais le symptôme est aussi et c’est là tout l’intérêt, ce par quoi le sujet témoigne tout de même encore de sa structure, ne serait-ce que du fait de vouloir n’y être pas. Une autre idée forte chez Govindama est l’affirmation de la situation interculturelle dans toute cure. En effet, la clinique suppose une rencontre qui elle-même implique toujours un phénomène transféro-et-contre transférentiel. Ainsi, il y aurait de façon inévitable toujours une double écoute et une double observation dans la cure. Réduire la notion d’interculturel à des sociétés non-occidentales reviendrait d’après l’auteur à considérer que la France et le monde occidental seraient sans culture.

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