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L’interculturel et son influence dans la construction identitaire

3. Le phénomène d ’enculturation et d’acculturation

3.1. L’enculturation

Le terme enculturation est créé par Margaret Mead pour désigner le processus de transmission de la culture du groupe à l’enfant dès sa naissance. L’enculturation est donc la

façon dont un individu, tout au long de sa vie, s’intègre et s’approprie les normes sociales de son groupe culturel d’appartenance. Dans Les bases de lanthropologie culturelle, Herskovits (1952) définit l’enculturation, comme le processus par lequel l’individu assimile durant toute sa vie les traditions de son groupe et agit en fonction de ces traditions. Quoiqu’elle comprenne en principe le processus d’éducation, l’enculturation procède sur deux plans, le début de la vie et l’âge adulte. Dans les premières années, l’individu est conditionné à la forme fondamentale de la culture où il va vivre. Il apprend à manier les symboles verbaux qui forment sa langue, il maîtrise les formes acceptées de l’étiquette, assimile les buts de vie reconnus par le groupe et s’adapter aux institutions établies.

Vis-à-vis de la dynamique interculturelle qui atteint le processus d’éducation au Cameroun, l’enculturation, l’on constate que l’enfant est confronté dès son plus jeune âge, à la diversité des références culturelles. Ainsi, l’enculturation se décline désormais au pluriel dans un Cameroun lui-même devenu interculturel. C’est dans cette ouverture que l’enculturation se rapproche de la notion d’acculturation.

3.2. L’acculturation

Parler de l’acculturation, c’est faire référence à l’ensemble des phénomènes résultant du contact direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types de culture originaux de l’un ou des deux groupes (Redfield, 1938). Cependant, c’est aussi et surtout faire référence à l’acculturation antagoniste dont parle Devereux dans Ethnopsychanalyse complémentariste (1972). Pour Devereux, l’acculturation est ce processus à diverses facettes, utilisé par un ensemble de dominés pour s’opposer aux valeurs, aux normes et aux comportements d’un ensemble dominant.

Parti de la colonisation, ce processus d’acculturation antagoniste est aujourd’hui renforcé par la modernité. Vue sous l’angle de la colonisation, l’acculturation nous apparaît donc comme un processus qui implique la réception et l’assimilation par les peuples colonisés, d’éléments de la culture occidentale imposés par le colon. Ainsi, l’Afrique a acquis une nouvelle culture ou du moins, certains aspects de la culture occidentale, de façon souvent involontaire et au détriment de sa propre culture. C’est dans ces deux sens que nous posons ici la notion d’acculturation. Cependant, il est utile de préciser que cette acculturation antagoniste, même si elle trouve ses racines dans le système colonial, elle est aujourd’hui véhiculée et soutenue par la modernisation généralisée.

Malgré la colonisation, la société africaine est quelque peu restée isolée et relativement autosuffisante. La culture était encore très importante, les dieux étaient proches des hommes et les valeurs fondamentales comme l’autorité, le respect, la responsabilité assuraient l’harmonie de l’ensemble de la société. Dans cet univers intégré, les besoins collectifs avaient une préséance certaine sur les intérêts individuels. C’est bien la coutume qui dominait avec ses rites et ses sanctions sacralisées. Cette façon particulière de vivre n’est pas en mesure de composer avec la nouveauté, avec l’étranger, avec la modernité. Or, l’Afrique doit aujourd’hui faire face aux menaces que l’urbanisation fait désormais peser sur elle, sur sa culture. Menaces pouvant être considérée telle une conquête tant le monde urbain est radicalement différent de ce qu’on connaissait jusque-là. Il est hétérogène : les dieux, la nature n’y ont pas de place, les priorités individuelles obscurcissent les valeurs basées sur la coopération. L’antagonisme de l’acculturation est donc aujourd’hui basé sur l’affrontement entre la tradition et la modernité. La modernité se posant comme la ligne directrice et dominante d’un monde devenu planétaire et la tradition comme la ligne dominée qui subit l’influence de la modernité. Il s’en suit un phénomène de changement de culture. Les jeunes adoptent très facilement la culture de prestige, celle de l’Occident.

Le phénomène de changement culturel se manifeste dans les connaissances, les attitudes et les comportements. Il se produit par l’action de processus essentiellement psychologiques : apprentissage et oubli. À propos de l’influence psychologique que peut avoir le processus d’acculturation négative, Berry (1992) va proposer le concept d’« acculturation psychique ». Quatre stratégies d’acculturation négatives vont alors en découlent, à savoir : l’intégration, l’assimilation, la marginalisation et la séparation. L’intégration fait référence à la synthétisation des deux codes culturels en présence. Elle peut être facile lorsque les deux cultures qui se mélangent ne présentent pas de trop grandes différences et complexe dans le cas contraire. Ainsi, l’intégration traduit donc la capacité d’un sujet à « jongler » entre deux systèmes culturels différents, à s’adapter à différents environnements, en sélectionnant des aspects de son identité selon le contexte. À la suite de l’intégration, apparaît celui de l’assimilation qui est l’abandon de la culture d’origine doublée d’une resocialisation active dans la culture de la société d’accueil. La marginalisation est pour sa part le fait d’adoption une distance vis-à-vis de la culture d’origine sans pour autant investir celle de la société d’accueil. Le dernier processus en œuvre dans l’acculturation psychique est celui de la séparation. Il s’agit d’un repli total vis-à- vis de la culture d’origine et le rejet de celle de la société d’accueil, elle peut être due à une incompatibilité des deux codes culturels (Berry, 1992, p. 73-74). On notera s’agissant de ces

quatre modèles que la marginalisation est associée à un haut niveau de stress, suivie de près par la séparation, tandis que l’assimilation et l’intégration sont respectivement associées à un bas niveau de stress.

Le modèle de Berry ne prenant pas suffisamment en compte la dimension des transformations que le contact culturel peut induire. Clanet, (1993) revient sur la question de la rencontre interculturelle en tenant compte de son caractère complexe, et propose le terme d’interculturation, qui désigne « l’ensemble des processus psychiques, relationnels, groupaux et institutionnels, générés par les interactions de groupes repérés comme détenteurs de cultures différentes ou revendiquant une appartenance à des communautés culturelles différentes, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle des partenaires en relation » (Clanet, 1993, p. 21). L’auteur va ainsi désigner trois processus contraires, mais complémentaires : l’assimilation de certaines valeurs de l’autre ; la différenciation à travers la revendication de certaines spécificités ; la synthèse originale par création de nouvelles réalités culturelles englobant les apports réinterprétés des uns et des autres. Cette approche vient rassurer sur un point important qui met en évidence le fait que les groupes minoritaires ne s’assimilent pas à la culture du dominant, mais qu’ils construisent une « troisième culture » originale, façonnée à partir de leur propre subjectivité. C’est alors que de nombreuses études vont interroger ces processus d’acculturation et d’interculturation chez les sujets ayant immigré, ou en exil, les travaux de Berry (1992) tout comme ceux de Clanet (1993) ayant eux-mêmes été centrés sur le cas des migrants. Ces phénomènes se retrouvent aussi chez les personnes vivant une situation multiculturelle dans leur propre pays. L’adolescent camerounais soumis à la très forte pression que lui impose l’interculturalisme est bien dans l’obligation de créer.

4. Les stratégies d’adaptation propre au psychisme en milieu

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