• Aucun résultat trouvé

L’interculturel et son influence dans la construction identitaire

2. L ’interculturel entre antagonismes et concordances

Le mélange des cultures est l’élément central qui fonde l’interculturalité. C’est ce qui se passe dans le cas des grandes villes africaines comme Yaoundé où l’on peut aisément noter une très forte interpénétration des cultures celle traditionnelle africaine et celles occidentales héritées pour la plupart de la colonisation. La culture traditionnelle étant ce qui au Cameroun façonne le sujet, il reste difficile d’affirmer que, soumis aux fortes pressions des cultures étrangères, les Camerounais n’aient plus rien de leur culture traditionnelle. La culture traditionnelle continue, bien qu’ayant perdu sa force, à faire partie du vécu de l’individu. Elle est quelque chose d’intériorisée qui, même par séquelles, s’impose comme un marqueur de l’identité du sujet, tant culturelle que psychologique (Yahyaoui, 2010) ; tout comme il est

indéniable que les populations vivant dans les grandes villes africaines sont si fortement liées et parfois malgré eux, aux autres cultures présentes dans l’environnement social de ces villes que les changements qui s’y opèrent ne s’auraient être sans incidence sur leur identité culturelle d’origine. L’histoire de l’Afrique (traite des nègres, colonisation) et la récente modernisation généralisée ont ainsi la particularité de favoriser la rencontre des cultures. Une rencontre antagoniste tant les différences entre ces cultures sont souvent grandes. Le contact des cultures pour ainsi dire un élément majeur de tout processus d’adaptation pour une personne vivant à Yaoundé.

La notion d’interculturalité est très souvent associée, sans doute avec raison au processus d’acculturation, c’est-à-dire en tant que processus d’échange entre deux sociétés, impliquant un changement durable et profond. Il faut pourtant y voir aussi, comme concept étroitement lié l’interculturalité, celui d’adaptation. Autrement dit, le phénomène d’interculturation permet, dans une perspective d’appropriation des cultures en présence, non seulement de rendre compte du passage d’une culture à l’autre, mais aussi et surtout de mettre en lumière le positionnement médian du sujet. Une telle posture de l’entre-deux cultures est celle que nous retrouvons chez les adolescents camerounais. C’est bien du point de vue de la mondialisation qu’il revient de considérer cette interaction entre deux modes culturels distincts dans lesquels le besoin constant d’harmonisation et de cohérence identitaire reste essentiel (Teyssier et Denoux, 20l3). De manière générale, dans le contexte du Cameroun, les codes de la culture traditionnelle africaine sont véhiculés par des institutions secrètes et administrés par le passage de rites, mais aussi par une éducation de l’apprentissage au quotidien des choses de la vie de tous les jours. Ce que nous voulons dire ici est que pour un jeune vivant à Yaoundé, la famille est la seule instance qui va lui assurer un contact avec la culture traditionnelle africaine et l’école de la république enseigne plutôt les principes de cultures venues d’ailleurs. Pourtant, l’État est l’une des institutions culturelles représentatives de la société d’origine (Vasquez, 1992) ; nous constatons au contraire qu’en Afrique, nos États enseignent plutôt des logiques et principes culturels importés. Il n’y a qu’à voir ce que sont les langues nationales dans les pays d’Afrique. Elles sont très souvent, dans la majorité de ces pays, des langues coloniales ou héritées de la colonisation.

La rencontre des cultures est ici de nature à laisser mourir une culture au profit d’une autre ; ce qui n’est pas sans créer des tensions. Pour revenir au positionnement médian de l’adolescent camerounais, il doit parfois faire face à des injonctions contradictoires émanant de

ces deux institutions que sont d’un côté l’école et de l’autre, la famille. Ainsi, la famille reste le seul moyen qu’a l’enfant de rester rattaché à sa culture traditionnelle alors que du côté de l’institution scolaire, la socialisation qu’il y subit aura pour but de le façonner comme bon citoyen, et ce, malheureusement au détriment des valeurs culturelles et traditionnelles de l’Afrique. Ce qui conduit ici à ce que De Plaen, (2008) appelle un vrai choc de culture. En effet, les interactions dans le contexte qui est le nôtre entre l’Afrique et l’Occident conduisent généralement non pas uniquement à une simple rencontre interculturelle, mais aussi à une véritable confrontation entre valeurs le plus souvent antagonistes. C’est ici que l’expérience va s’avérer douloureuse et conflictuelle.

La notion de l’interculturation rend par ailleurs compte dans la quasi-totalité des travaux sur le sujet de la situation du migrant. Ce sujet qui débarque dans un milieu culturel inconnu doit vivre les effets d’une différence de culture et doit surtout faire en sorte de la dépasser et parfois en un laps de temps très limité. Une injonction peut littéralement fissurer l’individu qui se retrouve alors à la recherche d’une nouvelle structuration susceptible d’articuler les deux modèles. Loin d’être insurmontables, cette confrontation culturelle, lorsqu’elle est plus ou moins bien gérée par l’individu, il parvient à se stabiliser, ce qui n’est pas moins un choc culturel dans la mesure où l’individu a dû faire face aux exigences contradictoires, et c’est sur cette contradiction qu’il aura réussie à se déterminer. Parlant justement du migrant, Guerraoui (2009) pense que la confrontation dans une situation d’interculturation suppose deux réalités : d’abord, les relations entre individus ne sont pas binaires, mais ternaires. L’espace de rencontre que crée ce processus permet aux différentes identités culturelles de se situer les unes par rapport aux autres et d’établir entre elles des relations qui se construisent dans la confrontation, l’échange et la négociation. Ensuite, l’individu appartenant à la culture minoritaire ne se contente pas uniquement de s’intégrer ou de s’assimiler à la culture dominante. Il adhère à une tierce culture qu’il a lui-même contribué à façonner à partir de sa propre dynamique. La confrontation de cultures serait donc à l’origine d’une acculturation co-construite par l’individu qui jongle entre deux cultures différentes (Manço, 2006).

Outline

Documents relatifs