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Le Cameroun : un pays caractérisé par sa diversité culturelle

4. Les caractéristiques de la culture camerounaise

4.2. Son caractère transmissible

Avant même la constitution du surmoi, l’intégration de l’enfant camerounais dans l’ordre symbolique, par un ensemble de techniques comme le maternage et/ou encore l’usage de certains rites liés à sa protection, vont constituer le premier passage qui marquera son acquisition des interdits fondamentaux et lui donnera la capacité d’entrer dans le lien social. Le moteur décisif de cette intégration étant l’intériorisation de la menace structurante de la castration. La culture camerounaise contribue ainsi à attribuer un sens au tabou de l’inceste consanguin et symbolique et contribue à son refoulement pour le maintenir à l’état de fantasme dans l’inconscient. Cet inconscient est alors composé d’un refoulé commun.

Dès sa naissance, l’enfant est au Cameroun intégré dans l’univers symbolique. Chez les Bëtis, et plus précisément chez les Ewondo, la naissance d’un petit être est un évènement d’une haute importance. Il faut par conséquent être prêt à l’accueillir. Les premières paroles prononcées à l’encontre du nouveau-né sont, selon la tradition Ewondo, de nature à influencer le destin du nouveau-né. C’est aux femmes que revient le privilège de prononcer ces premières paroles et donc celui de déterminer le destin du nouveau-né. Si ce rôle revient à la femme, c’est bien parce que c’est à elle que revient la charge de faire accoucher ses congénères. Ces paroles qu’elles disent diffèrent cependant selon qu’il s’agit de la naissance d’un garçon ou d’une fille. Lorsqu’il s’agit d’un garçon, les femmes poussent un grand cri ba bom eyengaa. Ce cri annonce que sur terre est né un guerrier. Et dans le cas où le bébé est une fille, les femmes déclaraient « elle est née, elle va partir ». Cette expression est le signe d’une prédestination au mariage. Après la naissance d’un nouveau guerrier chez les Ewondo, un rite de lavage avait lieu. Le bébé est, lors de cette cérémonie, plongé dans une marmite contenant des écorces d’arbres sacrés et des restes d’animaux tels des os de chimpanzé. Ce bain sacré est supposé endurcir ses os et le rendre aussi résistant que ceux d’un chimpanzé ; c’est-à-dire à l’abri de tout choc ou fractures physiques. Une liane avec des cauris pouvait, en plus du bain, lui être attachée aux poignets et/ou aux reins. Une fois ces rites effectués, l’enfant n’avait plus rien à craindre, mais une fois sorti de la plus tendre enfance, un autre rite était pratiqué sous forme de vaccin. Il s’agit du blindage. Cette opération est dénommée le « mvenk » dans la tradition éwondo. Ce « mvenk » consistait à scarifier soit les pieds, les mains ou les joues de l’enfant afin de le protéger contre les sorciers et de même contre certaines maladies.

Vers 1 à 4 ans et parfois jusqu’à 7, l’enfant passe le stade du sevrage. Dès ce sevrage, il côtoie déjà quelque peu les adultes et leurs activités. C’est également à partir de l’âge de 7 ans que l’on prépare le jeune garçon à la circoncision. Cette dernière se faisait en communauté, doublée d’une grande fête. Tous, quel que soit leur âge, les enfants participent aux mêmes préoccupations et appartiennent à la même sphère sociale que les adultes, chacun selon son degré de développement physique et mental. Knapen, cité par Itoua et al. affirment, parlant des Bakongo que « Le monde des adultes et celui des enfants ne sont pas séparés […], mais ils forment tous deux un ensemble communautaire où chacun contribue dans la mesure de ses possibilités et de son degré d’évolution psychologique au bien-être du groupe » (Itoua et al., 1988, p. 77). C’est ainsi que certains parents au Cameroun amènent leurs jeunes garçons à peine de 7, 8, 10 ou 14 ans à des parties de chasse de nuit, de pêche parfois longue de trois ou quatre jours. Les garçons se pourvoient très tôt des outils comme des arcs en miniature, des frondes

ou des lances pierres pour la chasse individuelle aux sauterelles, aux rats, grimpent aux arbres, ramassent du bois, gardent le petit bétail ou les troupeaux, préservent les récoltes des oiseaux pillards. Souvent, leur père leur octroie un petit champ, des poules ou autres animaux dont ils peuvent disposer à leur guise, (Itoua et al., 1988).

Toutes petites, les filles aident aux tâches domestiques. Elles accompagnent leur mère ou sœurs ainées au puits, chargées de calebasses, jouent à moudre le grain, se voient chargées du soin d’un petit-enfant de la famille. Plus encore que la mère, les amies plus âgées vont donner l’enseignement pratique jusqu’à l’âge de 12 ou 13 ans. À partir de cet âge, la jeune fille sera capable de préparer toutes les nourritures habituelles. L’organisation du travail domestique, la connaissance des règles d’hospitalité vont s’acquérir auprès des aînées. Les groupes de pairs pour les filles comme pour les garçons sont pour ainsi dire des groupements fraternels, hautement éducatifs que l’enfant intègre auprès de la communauté où il partage la quasi-totalité des activités des adultes.

À la suite des groupes de pairs, l’enfant qui commence à voir sa morphologie se transformer sera soumis à l’initiation. Celle-ci a une valeur éducative. Elle poursuit une finalité sociale qui est celle de confirmer les valeurs du groupe, intensifier la vie collective et assure la légitimité individuelle. C’est par l’initiation que ces enfants nommés adolescents ailleurs, passent du statut d’enfants à celui d’adultes à part entière. Ils arborent dès lors le statut d’hommes ou de femmes. L’adolescence peut ainsi être ce moment où apparaissent les changements physiologiques et psychologiques, le tout en rapport étroit avec la maîtrise parfaite des enseignements transmis depuis la tendre enfance. Anthropologiquement, l’adolescence correspondrait en Afrique à cette période où sont réunis tous les éléments nécessaires au déclenchement de la procédure initiatique du jeune. L’adolescence n’est liée ni à une tranche d’âge, ni à ce qui est nommé ailleurs « crise de l’adolescence ».

Au Cameroun, la transmission de la culture est ainsi adaptée à chaque catégorie d’âge et de genre. Ce processus commence à la naissance, et même avant (transmission intra utérine) et se poursuit durant toute la vie. Ce sont en premier les parents qui véhiculent cette transmission et ils le font de manière inconsciente et implicite. Ensuite, l’organisation communautaire ou la société par sa structure éducative prend le relais. Kaës (1998) parlera dans cette optique de l’existence de deux modalités de transmission de la culture. Une qui serait non-élaboratrice, passant par des « objets psychiques bruts » et l’autre une transmission transitionnelle qui permet

culturel est approprié par chaque individu de manière syncrétique. La transmission culturelle, qui d’une génération à l’autre permet de conserver l’identité ou la particularité du groupe concerne davantage les procédures et les logiques que les contenus.

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