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Du processus d’identification à la structuration de l’identité

Culture et construction psychique : un processus de symbolisation

4. Le concept d’identité en psychologie

4.4. Du processus d’identification à la structuration de l’identité

L’identification est le processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre qui se transforme, totalement ou partiellement, sur le modèle de celui-ci. La personnalité se constitue et se différencie par une série d’identifications.

Le concept d’identification peut être pris soit dans un sens transitif, correspondant au verbe identifier, soit dans un sens réfléchi, correspondant au verbe s’identifier. C’est précisément dans le sens de s’identifier que renvoie le terme en psychanalyse. L’identification au sens de s’identifier recoupe dans l’usage courant toute une série de concepts psychologiques tels que : l’imitation, l’empathie, la sympathie, la projection, etc. Selon le sens dans lequel se fait l’identification, on peut distinguer une identification hétéropathique et centripète, où c’est le sujet qui identifie sa personne propre à une autre, et une identification idiopathique et centrifuge où le sujet identifie l’autre à sa personne propre. Dans les cas où les deux identifications viendraient à coexister, on serait alors en présence d’une forme plus complexe d’identification souvent évoquée pour rendre compte de la formation du sujet, de l’identité. Le concept d’identification a pris progressivement, dans l’œuvre de Freud la valeur centrale qui en fait, plus qu’un mécanisme psychologique parmi d’autres, l’opération par laquelle le sujet humain se constitue. Cette évolution est principalement corrélative de la mise au premier plan du Complexe d’œdipe dans ses effets structuraux, puis du remaniement apporté par la seconde théorie de l’appareil psychique où les instances qui se différencient à partir du ça sont spécifiées par les identifications dont elles dérivent. Dans Totem et tabou, Freud (1913) y dégage la notion d’incorporation orale. Il en montre notamment le rôle dans la mélancolie où le sujet s’identifie sur le mode oral à l’objet perdu, par régression à la relation d’objet caractéristique du stade oral. La notion de narcissisme sera elle aussi dégagée du concept d’identification. Dans Pour introduire le narcissisme, Freud (1913) amorce la dialectique qui relie le choix d’objet narcissique (l’objet est choisi sur le modèle de la personne propre) et l’identification (le sujet, ou telle de ses instances, est constitué sur le modèle de ses objets antérieurs : parents, personnes de l’entourage).

Pour Lacan (1938), l’homme qui sort du Complexe de l’œdipe reste malgré tout plongé dans la jouissance phallique par le biais du Complexe de castration. L’homme va ainsi craindre

pour son organe et la femme connaîtra un morceau de la jouissance au-delà de l’organe, la jouissance autre qui a à voir avec quelque chose au plus près de l’originaire. Lacan laisse ainsi apparaître l’idée que l’intelligibilité et la détermination du comportement humain se situent au- delà de chaque individu et de ses interactions avec les autres individus. Ces dernières s’inscrivent dans un ordre symbolique qu’ilnomme Autre avec un « A » majuscule afin de le différencier de l’autre de l’interaction qu’est le semblable. À partir de là, désirer devient une forme de tentatives pour l’individu de dire l’indicible, mais c’est aussi dépasser la coupure d’avec la chose, si bien que la jouissance phallique est alors partielle. Pour le dire autrement, l’individu prélève, par identifications inconscientes, sur l’objet un trait, une image, un symptôme. Étant dans l’impossibilité de posséder ledit objet, l’individu devient un peu de cet objet. C’est alors que le moi va prendre la forme d’une mosaïque des deuils successifs.

Dans Psychologie Collective et Analyse du Moi (1921), Freud va mieux décrire les trois formes d’identification. Dans la première, il entreprend d’interroger les origines de l’humanité, du sujet et de la culture. L’identification est dans ce cadre posée comme un processus de construction du moi par stratification (relation originaire à la scène primitive, phase d’organisation orale de la vie sexuelle, prototype oral de la vie amoureuse : cannibalisme, ambivalence irréductible). Il s’agit d’une identification « totémique » archaïque, primordiale, à un « père » préhistorique qui correspondrait à une identification à l’ancêtre Zamba chez les Bëtis du Cameroun. S’agissant de l’identification secondaire, Freud la pose comme provenant du Complexe d’œdipe. Ici, l’enfant va s’identifier soit à la mère, soit au père, mais il s’agit cette fois d’une identification à quelques traits (einziger Zug ou trait unique) de l’objet qui se refuse. Enfin, une identification au symptôme, repérée chez l’hystérique, en dehors de tout attachement libidinal. Lacan y repérera l’identification au désir de l’autre.

Freud utilisera le terme de « trait unique » pour parler de la deuxième identification. En effet, l’objet auquel on s’identifie est réduit à un trait, symbole qui émerge, s’individualise sur un fond d’absence, un fond de négation, sur un fond de « ce n’est pas ça » ; que l’objet soit perdu, abandonné, ou interdit, selon les diverses déclinaisons possibles de son manque radical. Lacan reprendra ce terme de trait unique qu’il traduira ensuite en "trait unaire". Lorsque l’objet est perdu, l’investissement qui se portait sur lui est remplacé par une identification qui est partielle, extrêmement limitée qui, de plus n’emprunte qu’un trait à la personne objet. C’est donc à partir de cette notion freudienne d’identification et en s’appuyant sur Ferdinand de Saussure que Lacan élabore le concept de trait unaire. De Saussure affirme que la langue est

constituée d’unités qui ne valent que par leur différence. « En psychanalyse, le trait unaire est le signifiant en tant qu’il est une unité en tant que son inscription réalise une trace, une marque » (Melman, 2006, p. 1). La fonction de ce trait est celle du comptage et de la différence. Lacan (1973) dira du trait unaire, qu’il est le noyau de l’idéal du moi. Autrement dit, le trait unaire en tant que le sujet s’y accroche est dans le champ du désir, lequel ne saurait se constituer que dans le règne du signifiant, qu’au niveau où il y a rapport du Sujet à l’autre.

Aujourd’hui, la notion d’identité a su pendre une telle ampleur tant et si bien que nous en sommes à nous poser de nouveau des questions sur l’identification et interroger l’identité qui s’érige en un véritable symptôme de notre société. Le symptôme d’un monde ultra-moderne et sans limites. Il est donc nécessaire, au vu de l’observation et d’une immersion dans la société camerounaise de nous interroger sur ce qui ne fonctionne plus correctement dans l’identification et qui conduit le sujet adolescent dans ce pays vers la quête de son identité ? Le monde sans limite dans lequel nous vivons, l’idée de la fabrication du bonheur et du bien-être immédiat par la quiétude de l’objet met sur le devant de la scène la perte de repères. Cette « jouissance à tout prix » nous interroge par là même sur les impasses vers lesquelles elle nous conduit. Aujourd’hui, la jouissance de l’objet semble en effet être au cœur du débat clinique. Paradoxalement, nous pouvons voir d’un côté ce désir d’en finir avec l’Autre et d’un autre côté cette recherche, ce retour vers l’Autre, cette quête d’identité que les psychanalystes constatent dans leurs cures avec les patients. L’inconscient, c’est le social disait Lacan. Le social n’est-il pas collectif ? Identification du côté du sujet et identité du côté du social, ces deux concepts nous semblent enchevêtrés l’un dans l’autre, cependant identification et identité ne seraient pas pour autant réductibles l’une à l’autre. En panne d’identification, le sujet part à la recherche d’une identité sociale. Dans le stade du miroir, l’identification du sujet à l’image (identification imaginaire) suppose le regard de l’Autre, d’un Autre auprès du sujet ; c’est cet Autre qui reconnaît l’enfant et également au sens où il lui donne signe de cette reconnaissance et c’est par là que le symbolique est requis car le sujet est là, représenté.

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