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Culture et construction psychique : un processus de symbolisation

2. Le concept d’identité du point de vue de l’anthropologie culturelle

2.2. Les identités culturelles, ethniques et territoriales

L’identité culturelle est différente des autres types d’identité collective. Chaque individu appartient à au moins une culture. C’est-à-dire qu’il partage avec un groupe, une manière de penser, d’agir et de sentir dans son rapport à la nature, à l’homme, à l’absolu. Les individus « unis autour d’une même culture partagent entre autres des codes communicationnels (langue, gestuelles, etc.), des comportements, une Vision du Monde, des coutumes et des structures organisationnelles qui les distinguent des autres groupes culturels » (Bouchard, 2007, p. 17). Le sentiment d’une identité culturelle s’éclaircit dès l’instant où l’individu prend conscience des différences de son groupe culturel vis-à-vis d’autres groupes. De ce point de vue, l’identité culturelle peut se définir comme étant « la conscience fondamentale de la spécificité de son

groupe d’appartenance en termes d’habitudes de vie, de coutumes, de langues, de valeurs, etc. » (Dorais, 1994, p. 254). L’identité ethnique est quant à elle liée à l’identité culturelle de laquelle elle puise la quasi-totalité de sa substance. Si l’identité culturelle et l’identité ethnique s’entremêlent et s’influencent l’une et l’autre, elles diffèrent également sous plusieurs aspects. Parler du groupe ethnique, c’est faire référence à une unité culturelle que l’on pourrait qualifier d’isolée, mais de repérable par des traits objectifs comme la langue et d’autres réalités comme la tenue traditionnelle et la gastronomie qui au Cameroun sont des données importantes. L’apparence physique est par ailleurs aussi une autre réalité. On parlera de la petite taille des Pygmées localisés au sud du pays. Les différences entre groupes sont pour ainsi dire stables. Une autre approche de l’identité ethnique est celle qui met en relation ethnicité et inégalité. C’est-à-dire que les revendications ayant une base ethnique naissent d’une répartition inégale des ressources politiques et économiques. Elles émergent, souvent dans un contexte de colonialisme interne, d’une prise de conscience de la condition défavorable dans laquelle évoluent les membres d’un groupe. La troisième approche est liée à la seconde et est couramment désignée comme « instrumentaliste ». Le groupe ethnique est ici envisagé comme un groupe d’intérêt (Glazer et Moynihan, (1975). L’ethnicité apparaît comme un processus dynamique et une stratégie adaptative qu’utilisent certains groupes afin de préserver ou conquérir des droits, pouvoirs et privilèges. De ce point de vue, si l’ethnicité prend une telle acuité de nos jours, « c’est qu’elle combine parfaitement l’intérêt avec un fort attachement affectif » (Bell, 1975, p. 169), devenant ainsi une source de mobilisation efficace dans la poursuite d’objectifs collectifs ou individuels. La dernière approche est dite situationnelle. Elle est inspirée du paradigme de Barth (1995) et reste le modèle le plus opérationnel duquel se revendique le plus grand nombre d’auteurs.

Du point de vue interactionniste développer l’ethnicité est envisagée comme l’organisation sociale de la différence culturelle. Le trait décisif à explorer est « l’auto attribution ou l’attribution par d’autres à une catégorie ethnique » (Barth, 1995, p. 210). Cet auteur propose d’explorer les processus qui sont impliqués dans l’émergence et la persistance des groupes ethniques par le maintien de frontières. L’aspect novateur de son modèle se situe dans l’affirmation voulant que « le point crucial de la recherche devient la frontière ethnique qui définit le groupe, et non pas le matériau culturel qu’elle renferme » (Bart, 1995, p. 213). Ainsi, les frontières ethniques reposent sur quelques traits culturels interprétés par les membres et les non-membres comme des symboles distinguant le groupe ethnique des autres. (Bouchard,

2007, p. 22). Dans l’idée d’approfondir les travaux amorcés par Barth, l’anthropologue britannique Jenkins (1994) va entreprendre de démontrer que les recherches issues de ce modèle, vont centrer l’identification sur le groupe (définition interne) et peu sur la catégorisation sociale (définition externe). L’étude de ces processus de catégorisation ne doit pas être négligée puisqu’elle permet de reconnaître l’importance des relations de pouvoir et d’autorité dans la naissance, le maintien ou le déclin des groupes ethniques. En somme, l’approche situationnelle de Barth a joué un rôle déterminant dans le changement de perspective théorique survenu au cours des années 1960. La notion de groupe ethnique, caractérisant traditionnellement les tribus envisagées comme isolées, figées, prémodernes est depuis considérée dans ses dimensions interactionnelles et dynamiques et s’applique potentiellement à l’ensemble des sociétés contemporaines.

Le territoire peut aussi être à la base de la manifestation de l’identité collective. Dans une telle configuration, les membres d’un groupe sont unis par leur appartenance à un territoire qu’ils partagent et qu’ils considèrent comme patrimoine commun. Et donc considérés comme membres du groupe, les personnes nées sur le territoire ou y ayant vécu pendant une période de temps significative aux yeux des autres membres. Cette configuration laisse apparaître le regroupement sous une même structure politique exerçant un contrôle variable sur un territoire comme élément déterminant de leur vivre ensemble même si les éléments culturels restent quoi qu’on dise importants. Légaré dira dans ce sens que c’est bien « le rassemblement sous une même structure politique qui constitue l’essentiel de l’identité collective des membres du groupe » (Légaré, 2001, p. 146). Les individus s’identifiant à un groupe sur une base territoriale contrôlent généralement ou cherchent à contrôler ce territoire, à travers des institutions politiques plus ou moins autonomes (Dorais, 1994, p. 255). Le contenu définitionnel de ces types d’identité collective varie et est sujet à diverses interprétations selon les individus et les composantes de la société.

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