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La rupture de l’égalité entre les créanciers par le cantonnement de leurs poursuites

C HAPITRE I L A DETERMINATION DU DROIT DE GAGE GENERAL DES CREANCIERS

L ’ EGALITE DES CREANCIERS SUR LE PATRIMOINE DE L ’ ENTREPRENEUR INDIVIDUEL

B. La rupture de l’égalité entre les créanciers par le cantonnement de leurs poursuites

58. Les créanciers de l’entrepreneur individuel disposent d’un même droit sur le patrimoine de leur débiteur, on dit que celui-ci est leur gage commun. Sous réserve des causes légitimes de préférence, les créanciers sont égaux devant les biens de l’entrepreneur individuel. Ainsi, l'article 28 de l’AUVE et l’article L. 111-1 du CPCE offrent aux créanciers poursuivants le choix entre l'exécution forcée ou les mesures conservatoires quel que soit le montant de la créance. Toutefois, le principe du droit de saisir comporte deux dérogations. L’une est stipulée à l’égard des créanciers chirographaires et l’autre s’applique aux créanciers privilégiés.

59. Les créanciers chirographaires sont tenus de saisir en premier lieu les biens mobiliers de l’entrepreneur individuel défaillant. Ce n'est qu'en cas d'insuffisance de ceux-ci que l'exécution pourra être poursuivie sur les immeubles. Tout comme les articles 28 et 251 de l’AUVE et 2192 du Code civil font obligation aux créanciers privilégiés de saisir en premier les biens immeubles affectés au paiement de leurs créances, les articles 28 de l’AUVE et L. 111-1 du CPCE posent des exigences similaires à l’égard des créanciers chirographaires qui doivent d’abord se contenter de saisir les biens meubles de l’entrepreneur individuel pour se faire payer avant de pratiquer une saisie immobilière.

Cette dérogation, nous semble, justifiée par des considérations pratiques. Lorsque la saisie des biens immobiliers suffit à désintéresser le créancier chirographaire, il n’a aucun intérêt à vouloir saisir en priorité les biens immoniliers, compte tenu de la complexité de la saisie immobilière et de sa position défavorable à l’égard des créanciers munis de sûretés réelles134.

133 M. Vasseur, Le principe de l’égalité entre les créanciers chirographaires dans la faillite, Paris, 1947, p. 17 et s. DE GENTILE M.-J. R., Le principe de l’égalité entre les créanciers chirographaires et la loi du 13 juillet 1967, éd. Sirey 1973, p. 1.

134 Généralement ce cas se rencontre lorsque le créancier chirographaire est en concours avec des créanciers

hypothécaire ou privilégiés et que le montant de l'hypothèque ou du privilège dépasse la valeur du bien saisi ou lui est d'un montant égal. Dans cette hypothèque, le créancier chirographaire, bien que titulaire du droit de saisir, n'a dans les faits, aucun intérêt à pratiquer la saisie.

60. La mise en œuvre du droit de gage général est orientée d’abord vers l’exécution forcée sur les

biens immobiliers de l’entrepreneur individuel. La loi impose aux créanciers munis d’une sûreté réelle de poursuivre l’exécution forcée, en premier lieu, sur les biens immobiliers de l’entrepreneur individuel avant de saisir les biens mobiliers en cas d’insuffisance de ces premiers. Aussi bien en droit français qu’en droit de l’OHADA, le législateur impose aux créanciers munis de sûretés des obligations dans la mise en œuvre de leur droit de gage général. En effet, les créanciers privilégiés ou hypothécaires doivent poursuivre en premier lieu le bien affecté à la garantie de leur créance et, en cas d'insuffisance de celui-ci, ils pourront poursuivre la saisie et la vente des autres biens. Cette solution est prévue par les articles 28, alinéa 2 de l'AUVE135 et 251 du même acte. Aux termes de ce

dernier article, en matière de saisie immobilière, le créancier hypothécaire ne peut poursuivre la vente des immeubles qui ne lui sont hypothéqués que dans le cas d'insuffisance des immeubles hypothéqués. En droit français ces deux dispositions sont confirmées dans l’article 2192 du Code civil qui dispose que « le créancier qui a procédé à la saisie d'un immeuble de son débiteur ne peut engager une nouvelle procédure de saisie sur un autre bien immobilier de celui-ci que dans le cas d'insuffisance du bien déjà saisi. Le créancier ne peut saisir les immeubles qui ne sont pas hypothéqués en sa faveur que dans le cas où l'hypothèque dont il bénéficie ne lui permet pas d'être rempli de ses droits ».

En outre, les créanciers hypothécaires disposent d’un droit de préférence136 et d’un droit de

suite137 sur les biens de l’entrepreneur individuel auxquels sont affectées leurs garanties. À cet effet,

ils peuvent poursuivre le bien, objet de leur garantie, qui serait sorti du patrimoine de leur débiteur, entre les mains des tiers. Ainsi, une saisie immobilière peut être opérée par un créancier hypothécaire contre le tiers acquéreur de l'immeuble affecté à la garantie de la créance138. En effet, aux termes de

l’article 2190 du Code civil, la saisie immobilière peut être pratiquée par un créancier hypothécaire contre le " tiers détenteur " de l'immeuble affecté à la sûreté de la créance139. Elle est pratiquée

135 En effet, l’art. 28, al. 2, AUVE dispose que « s'il s'agit d'une créance hypothécaire ou privilégiée, l'exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et, en cas d'insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles ».

136 « Le "droit de préférence" est l'avantage que détiennent certains créanciers limitativement désignés par la loi d'être

payés avant d'autres créanciers. La notion de droit préférentiel a été définie comme visant « tout droit susceptible de conférer à son titulaire une facilité plus grande dans la perception de sa créance. Le droit de préférence constitue une exception au principe de l'égalité des créanciers », S. Braudo, Dic. dr. priv. http://www.dictionnaire-juridique.com.

137 « Le "droit de suite" est la prérogative qui appartient à certains créanciers d'exercer leurs droit sur un bien en quelque

main qu'il se trouve. Ce droit appartient ainsi, au créancier hypothécaire et d'une façon générale à tout titulaire d'un privilège ». S. Braudo, Dic. du dr. privé.

138Le plus souvent les cessions d'immeubles à titre onéreux donnent généralement lieu aux formalités préalables de la

purge hypothécaire. Cette technique permet à tout acquéreur d'un immeuble hypothéqué de se libérer des garanties grevant le bien en offrant le prix d'acquisition aux créanciers privilégiés. Elle est régie par les articles 2475 et s., C. civ.

139 L’art. 2190, C. civ. dispose que « la saisie immobilière tend à la vente forcée de l'immeuble du débiteur ou, le cas échéant, du tiers détenteur en vue de la distribution de son prix ».

contre l'acquéreur à titre onéreux non personnellement obligé à la dette, du donataire, ou encore de l'héritier ayant accepté sous bénéfice d'inventaire. Toutefois, seuls les créanciers inscrits sur l'immeuble (hypothèque, privilège spécial immobilier) peuvent, en vertu du droit de suite attaché à leur droit, faire saisir l'immeuble entre les mains du tiers-acquéreur. Dans ce cas, ce dernier, dispose de deux possibilités. Il peut demander le bénéfice de discussion140 qui lui permet d’exiger du

créancier saisissant qu'il agisse d’abord sur les autres immeubles hypothéqués garantissant la même dette, à moins que l'immeuble ne soit affecté spécialement par privilège ou hypothèque à la créance du poursuivant141 ou désintéresser le créancier saisissant sur le prix de l'immeuble à concurrence de

la créance142. Le tiers détenteur143 peut enfin délaisser l'immeuble au profit du créancier poursuivant,

mais la jurisprudence lui refuse ce droit lorsqu'il est encore débiteur du prix pour un montant susceptible de désintéresser le ou les créanciers poursuivants144.

140 Le bénéfice de discussion est prévu dans le Code civil par l’art. 2298 à propos du cautionnement. En effet, selon cette disposition, « la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires ». Toutefois, comme pour la saisie pratiquée contre le tiers-acquéreur, « Le créancier n'est obligé de discuter le débiteur principal que lorsque la caution le requiert sur les premières poursuites dirigées contre elle », art. 2299, C. civ.

141 V. art. 2465 et 2466, C. civ.

142 L’article 2463 du Code civil précise, à cet effet, que « le tiers détenteur est tenu, dans le même cas, ou de payer tous les intérêts et capitaux exigibles, à quelque somme qu'ils puissent monter, ou de délaisser l'immeuble hypothéqué, sans aucune réserve ».

143 S’il ne peut remplir ces obligations, l’art. 2364 précise que « chaque créancier titulaire d'un droit de suite sur l'immeuble a le droit de poursuivre la saisie et la vente de l'immeuble dans les conditions du titre XIX du livre III ».

144 Quant au délaissement par hypothèque, il peut être fait par tous les tiers détenteurs qui ne sont pas personnellement

CHAPITRE II.

61. La mise en œuvre du droit de gage général des créanciers sur le patrimoine de l’entrepreneur individuel se fait par le recours aux voies d’exécution. En cas de défaillance de l’entrepreneur individuel dans l’exécution de ses obligations, ses créanciers peuvent saisir les biens contenus dans son patrimoine suivant les règles du droit des voies d’exécution (section 1).

62. Cependant, certains biens sont insaisissables. Leur insaisissabilité résulte de la volonté du législateur ou de l’entrepreneur individuel. En effet, pour des considérations d’ordre public, le législateur rend certains biens insaisissables dans le but de protéger l’activité économique ou les acteurs économiques. Toutefois, l’insaisissabilité de certains biens peut résulter également de la volonté des tiers ou de l’entrepreneur individuel lui-même (Section 2).

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ECTION

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