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l’indivisibilité, un moyen de responsabilisation du patrimoine de l’entrepreneur individuel

C HAPITRE I L A DETERMINATION DU DROIT DE GAGE GENERAL DES CREANCIERS

L’ ETENDUE DU DROIT DE GAGE GENERAL DES CREANCIERS

A. l’indivisibilité, un moyen de responsabilisation du patrimoine de l’entrepreneur individuel

créanciers. En effet, le patrimoine de l’entrepreneur individuel étant considéré comme l’émanation de sa personne, le reflet économique64 à travers lequel tous ses engagements sont pris, toutes ses

obligations doivent également y être supportées65. Ainsi, l’indivisibilité du droit de gage général des

créanciers qui constitue un corollaire de l’unité du patrimoine (A) constitue véritable un moyen de responsabilisation du patrimoine de l’entrepreneur individuel (B).

A. l’indivisibilité, un moyen de responsabilisation du patrimoine de

l’entrepreneur individuel

29. L’indivisibilité du droit de gage des créanciers est une conséquence de l’indivisibilité du patrimoine de l’entrepreneur individuel. Le patrimoine étant indivisible, il forme un « tout » qui ne se subdivise pas en autant d’éléments que l’entrepreneur individuel a d’activités professionnelles. Peu importe la nature des dettes que celui-ci contracte, il répond de ce passif sur son patrimoine. Cette analyse est au cœur de la sécurité des relations qu’entretiennent l’entrepreneur individuel et ses créanciers. Le patrimoine, envisagé comme le réceptacle des obligations de l’entrepreneur individuel, n’est plus considéré comme étant un « objet de droits » mais plutôt comme un véritable « sujet

64 F. Cohet-Cordey, La valeur explicative de la théorie du patrimoine, RTD civ. 1996, p. 826 et s.

65 Où tous les droits sont également exercés, v. C. Aubry et C. Rau, op. cit, p. 334, note 6 ; F. Terré et P. Simler, Droit

d’obligations »66. Ainsi, reflet de la personne, le patrimoine répond des dettes, il n’est plus envisagé

comme étant un objet (au sens propre) sur lequel va s’exercer le droit de gage général des créanciers. Mais dans l’analyse d’Aubry et Rau, le patrimoine est considéré comme un véritable sujet de droit indissociable de la personne de celui qui s’engage et qui répond de son passif67.

30. C’est à travers de cette idée d’obligation que l’indivisibilité du droit de gage général trouve son

fondement. En effet, « celui qui s’oblige, oblige tous les siens » a-t-on pour habitude de dire. Dès lors, l’entrepreneur engage ainsi tous ses biens en s’obligeant. A cet effet, le patrimoine étant une émanation de la personne, les obligations qui pèsent sur lui doivent être supportées par son patrimoine. Cette relation entre la personne, ses obligations et son patrimoine est une conséquence de l’unité du patrimoine. Elle découle de la fonction même du patrimoine qui constitue une universalité de droit représentant matériellement son titulaire.

La contrainte par corps ayant disparu, les droits des créanciers s’exercent sur les biens de celui-ci et non plus « directement sur sa personne quelle que soit la source de ses obligations »68. Qu’ils

s’agissent d’obligations contractuelles ou extracontractuelles, la responsabilité de l’entrepreneur individuel est engagée sur tout son patrimoine. La formulation de l’article 2284 du Code civil ne vise pas uniquement les obligations contractuelles mais elle renvoie à toutes les situations dans lesquelles le débiteur peut être tenu personnellement sur l’intégralité de son patrimoine69.

Ainsi, la méconnaissance de l’obligation, quelle qu’elle soit, peut entrainer l’engagement de la responsabilité de l’entrepreneur individuel sur tous ses biens, donc la mise en œuvre du droit de gage général des créanciers. En revanche, le droit de gage général des créanciers ne constitue pas un élément de l’obligation, selon Aubry et Rau, il en découle nécessairement. La mise en œuvre du droit de gage général des créanciers est une conséquence logique de l’obligation reposant sur l’idée de transitivité70 qui implique un rapport indirect entre les créanciers et les biens contenus dans le

patrimoine de leur débiteur71. Cette responsabilisation de l’entrepreneur individuel à travers son

patrimoine joue aussi bien dans sa vie professionnelle que dans sa vie personnelle. À chaque fois que l’entrepreneur individuel souscrit un engagement dans sa vie professionnelle, le patrimoine vient

66 V. à ce propos A.-L. Thomat-Raynaud, L’unité du patrimoine, Defrénois, 2007, p. 68. V. aussi J. Rochfeld, qui parle de patrimoine-personne, op. cit., p. 344.

67 J. Rochfeld, op. cit., p. 343 et s. 68 A.-L. Thomat-Raynaud, op. cit. p. 70.

69 Le débiteur peut également être tenu « prompter rem ».

70 Le terme « transitivité » est ici entendu dans son acception mathématique qui désigne « une relation binaire pour

laquelle une suite d'objets reliés consécutivement aboutit à une relation entre le premier et le dernier ».

71 L’art. 2284, C. civ., consacre ainsi le principe de responsabilisation du patrimoine de l’entrepreneur individuel au nom de l’unicité du patrimoine.

garantir sa démarche. Il en est de même également dans sa vie personnelle, par exemple, lorsqu’il est pénalement condamné, son patrimoine est engagé72. La sanction de l’entrepreneur individuel sur son

patrimoine résume parfaitement l’idée de « patrimoine-personne » car même si la contrainte par corps, sur le plan civil, a disparu de notre système juridique, il n’en demeure pas moins que le pouvoir de contrainte des créanciers s’exerce indirectement sur la personne de celui-ci à travers « le produit de son activité juridique »73.

31. À cet effet, le patrimoine constitue le gage commun des créanciers de l’entrepreneur

individuel74. L’ensemble des biens contenus dans le patrimoine sont engagés dès la naissance de

l’obligation. Ses biens présents et à venir garantissent son engagement envers ses créanciers. Ce principe de la personnalité patrimoniale du débiteur assure une corrélation entre le patrimoine de l’entrepreneur individuel et les engagements souscrits par lui à l’égard de ses créanciers. La personnalité du débiteur joue un rôle important dans les rapports d’obligations. Le crédit consenti à l’entrepreneur individuel et la confiance des créanciers sont, dans une moindre mesure, conditionnés par la valeur patrimoniale du débiteur au point que certains auteurs ont considéré que le caractère patrimonial a pris une place centrale dans les rapports d’obligations75. Toutefois, même si la valeur

patrimoniale de l’entrepreneur individuel s’apprécie au moment de son engagement, ce n’est que lors de la mise en œuvre du droit de gage général des créanciers que la capacité réelle de celui-ci à honorer ses engagements sera établie.

32. Mais, le gage commun des créanciers étant composé des biens présents et à venir, « l’exécution forcée peut être reprise indéfiniment, au-fur-et-à mesure des nouvelles acquisitions »76

de l’entrepreneur individuel. Tant que les créanciers ne sont pas désintéressés, les biens qui entrent dans le patrimoine de leur débiteur à la suite de la première saisie peuvent être appréhendés par ceux-ci. En effet, comme le précise Comparato77, le patrimoine ne se mesure pas simplement à la

somme algébrique de tous les biens constituant le contenu du patrimoine du débiteur au moment de la mise en œuvre du droit de gage des créanciers. La responsabilité de l’entrepreneur individuel est également engagée sur son pouvoir d’acquisition de nouveaux biens fondamentalement compris dans l’obligation souscrite par ce dernier. L’aptitude de l’entrepreneur individuel à acquérir de

72 En effet, l’entrepreneur individuel peut être pénalement sanctionné sur ses biens par une amende. La sanction civile de la contrainte par corps ayant disparu en 1867, aujourd’hui on agit sur son patrimoine.

73 F. Cohet-Cordey, La valeur explicative de la théorie du patrimoine, op. cit., p. 835. 74 V. art. 2285, C. civ.

75 V. à cet effet, S. Gjidra, L’endettement et le droit, bibl. dr. priv., LGDJ, 1999, t. 316, n° 182 et s.

76 V. K. Comparato, Essai d’une analyse dualiste de l’obligation en droit privé, D. 1969, n° 40-41.

nouveaux biens ou droits à travers son activité ne constitue-t-elle pas le gage de la confiance que les créanciers lui ont manifesté dans leurs rapports78.

L’association du patrimoine à l’entrepreneur individuel se traduit par « une dimension morale » en ce sens qu’il permet d’assainir les relations entre celui-ci et ses créanciers. En effet, « l’existence d’un patrimoine assurant la corrélation entre droits et charges d’une personne est impérative dans la mesure où elle garantit la sécurité des échanges et des risques créés par l’activité de celle-ci »79. En

somme, la fonction moralisatrice du patrimoine est justifiée par son unicité car « la responsabilité serait allégé si l’on diminuait l’ampleur de la garantie financière en divisant le patrimoine en plusieurs segments »80.

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