• Aucun résultat trouvé

DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

L A SOUSTRACTION DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS PAR LA DECLARATION D ’ INSAISISSABILITE

B. La déclaration d’insaisissabilité en droit de l’OHADA

178. Le droit de l’OHADA ignore le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité (1). Cependant,

compte tenu de son importance, il serait souhaitable de le consacrer en droit de l’OHADA afin de permettre à l’entrepreneur individuel de protéger certains de ses biens en cas de difficultés (2).

1. Un mécanisme inexistant en droit de l’OHADA

179. Le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité est une spécificité du droit français. En effet,

le droit OHADA ne consacre pas le mécanisme de la déclaration notariée d’insaisissabilité dans son arsenal juridique. L’entrepreneur individuel dans l’espace OHADA, qui est soumis au même titre que l’entrepreneur individuel français au principe d’unité du patrimoine, ne peut mettre à l’abri de la poursuite de ses créanciers professionnels ses biens immobiliers personnels, ni même sa résidence principale. Les biens immobiliers personnels et professionnels dont il dispose sont compris dans le gage général de ses créanciers.

180. Les pays membres de l’OHADA, n’ont également pas consacré dans leurs législations nationales des dispositions protectrices de l’entrepreneur individuel à l’instar du droit français. En l’absence de consécration de ce mécanisme dans les textes communautaires rien n’interdit aux États membres d’aménager de tels dispositifs dans leurs ordres juridiques nationaux429. C’est d’ailleurs ce

que préconise l’article 51 de l’AUVE qui précise que « les biens et droits insaisissables sont définis

427 G. Chabot, Sources du droit en matière d’entreprise individuelle, Jcl. Entreprise individuelle, op. cit., n° 136.

428 Art. L. 526-1, al. 1, C. com.

429 L’art. 10 du Traité de l’OHADA ne vise que les dispositions qui sont contraires aux Actes uniformes. En effet, « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».

par chacun des États parties ». Ainsi, le vide juridique laissé au niveau communautaire pouvait être comblé par les États membres sur ce point afin de garantir aux entrepreneurs individuels la protection des biens personnels qui ne sont pas utilisés dans le cadre de leurs activités professionnelles. En effet, le droit OHADA renvoie aux législations nationales pour déterminer les biens et droits insaisissables dans chaque État partie430. Cependant, compte tenu de la politique

d’harmonisation et d’unification du droit des affaires dans cet espace, la consécration de la déclaration d’insaisissabilité au niveau communautaire aurait été plus opportune. En ce sens, elle favoriserait l’égalité entre tous entrepreneurs individuels évoluant dans l’espace OHADA par l’harmonisation des règles protectrices issue du mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité431. Tout

au plus l’Acte uniforme, plus précisément celui portant sur le droit commercial général puisqu’il intègre désormais le statut de l’entreprenant, pourrait poser les règles de base régissant la déclaration d’insaisissabilité afin de garantir l’harmonisation de ce mécanisme dans l’espace OHADA, tout en laissant à chaque Etat membre la possibilité de le transposer en fonction de la spécificité de son système juridique432.

2. Un mécanisme souhaitable en droit de l’OHADA

181. Une telle protection serait, en effet, salvatrice dans la mesure où elle pourrait contribuer à réduire le nombre incessant d’entrepreneurs individuels qui exercent leurs activités dans un cadre informel. Même si la lourdeur des formalités administratives constitue l’un des facteurs justifiant le taux élevé d’entrepreneurs « informels », l’absence d’une protection efficace a favorisé le maintien de cette situation433.

Ainsi, il serait souhaitable voire opportun même d’intégrer le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité dans le système juridique OHADA afin d’assurer la protection du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels évoluant dans l’espace OHADA.

182. Toutefois, le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité, ne doit pas être une copie de celui

qui a cours en droit français. En effet, ce mécanisme pourrait être simplement limité à la protection

430 Sur la question, v. M. Samb, op. cit., p. 440 et s.

431 Conformément au droit OHADA qui « pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par

l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels », art. 1, T., OHADA.

432 Comme ce fut le cas avec la consécration du statut de l’entreprenant en droit de l’OHADA. En effet l’art. 30, al. 7, AUDCG dispose que « chaque Etat partie fixe les mesures incitatives pour l’activité de l’entreprenant notamment en matière d’imposition fiscale et d’assujettissement aux charges sociales ».

433 Surtout en ce moment où dans la plupart des Etats membres de l’OHADA des politiques de réformes de la propriété foncière sont en cours. V. à cet effet, Loi n° 07-2011 du 22 février 2011 portant transformation des permis d’habiter et titres similaires en titres fonciers.

de la résidence principale de l’entrepreneur individuel et ne concerner que certaines créances. La transposition aveugle des mécanismes du droit français dans les systèmes juridiques des pays membres de l’espace OHADA ne constitue pas une solution idoine. Le législateur doit tenir en compte des réalités socio-économiques africaines et de la situation dans laquelle se meut l’entrepreneur individuel dans l’espace OHADA. Si le législateur français a étendu le champ d’application du mécanisme de la déclaration notariée d’insaisissabilité à tous les biens immobiliers de l’entrepreneur individuel qui ne sont pas affectés à son activité professionnelle par la loi du 4 aout 2008, c’est en considération de la situation économique dans laquelle se trouve les différents acteurs de ce secteur et les relations qui existent entre ces derniers et leurs créanciers. La situation est différente dans l’espace OHADA. En effet, la nécessité de protéger les entrepreneurs individuels ne doit pas aller à l’encontre de la volonté d’assurer les intérêts des créanciers.

183. En pratique, dans l’espace OHADA tout comme en droit français d’ailleurs, la confiance des

créanciers est subordonnée à la capacité patrimoniale du débiteur. Ils vérifient souvent si l’entrepreneur individuel est solvable avant d’accorder leur confiance. Et, le plus souvent, c’est la consistance du patrimoine immobilier qui est déterminante dans la capacité de celui-ci à honorer ses engagements. Ainsi, soustraire du droit de gage des créanciers de l’entrepreneur individuel dans l’espace OHADA tous les biens immobiliers qui ne sont pas affectés à son activité professionnelle pourrait conduire à une méfiance qui paralyserait d’avantage le secteur de l’entrepreneuriat individuel.

184. Fort de ce constat, l’intégration du mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité en droit de

l’OHADA doit se reposer sur une double approche qui allie, d’une part, la préservation des intérêts des créanciers et, d’autre part, la nécessité de la protection de la résidence principale de l’entrepreneur individuel. Ainsi, les créanciers professionnels qui sont postérieurs à la déclaration d’insaisissabilité434 ne pourront pas saisir la résidence principale de l’entrepreneur individuel.

Toutefois, lorsque la résidence principale sert également de lieu d’exercice d’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, les dispositions de l’article L. 526-1 du code de commerce pourraient s’appliquer. Dans cette hypothèse, la partie affectée à un usage d’habitation ne pourra être déclarée insaisissable « que si elle est désignée dans un état descriptif de division »435. En

outre, comme le précise l’article L. 526-1, alinéa 2 du code de commerce, la domiciliation de la résidence principale de l’entrepreneur individuel dans le même immeuble où il exerce son activité

434 La déclaration pourrait être faite au niveau du RCCM et suivre le même régime que la déclaration d’hypothèque pour sa validité et son opposabilité aux créanciers postérieurs.

professionnelle ne fait pas obstacle à la déclaration d’insaisissabilité sans même qu’il y ait un état descriptif de division436.

Dès lors, le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité tel que nous la percevons en droit de l’OHADA présente des différences avec celui que nous connaissons en droit français quant à leur objet. Le souhait pour le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité en droit de l’OHADA est de la limiter à la résidence principale de l’entrepreneur individuel, tandis que le droit français vise tous les biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui ne sont pas utilisés dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel. Cette différence d’objet se répercutera certainement sur la portée de la déclaration d’insaisissabilité.

§ 2. L

A PORTEE DE LA DECLARATION D

INSAISISSABILITE

185. L’entrepreneur individuel, en droit français, peut rendre insaisissable l’ensemble de son patrimoine immobilier personnel qu’il n’utilise pas dans le cadre de son activité professionnelle. Cependant, le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité soulève quelques difficultés, notamment en ce qui concerne les biens pouvant être déclarés insaisissables (A). D’autres difficultés surgissent également quant aux créances pouvant être concernées par cette déclaration (B).

Outline

Documents relatifs