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DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

L A SOUSTRACTION DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS PAR LA DECLARATION D ’ INSAISISSABILITE

A. Les biens concernés par la déclaration d’insaisissabilité

186. Les biens immobiliers déclarés insaisissables doivent appartenir à l’entrepreneur individuel

(1). Toutefois, la loi permet de déclarer insaisissables certains immeubles n’appartenant pas exclusivement à l’entrepreneur individuel (2).

1. Les biens appartenant exclusivement à l’entrepreneur individuel

187. L’entrepreneur individuel peut déclarer insaisissable sa résidence principale et ses biens fonciers bâtis ou non bâtis. La loi vise, en réalité, plus concrètement les droits portants sur ces biens immobiliers, notamment le droit d’usage, le droit de propriété et l’usufruit. En revanche, selon certains auteurs l’insaisissabilité résultant de la déclaration notariée ne peut porter sur la nue- propriété, alors que d’auteurs soutiennent le contraire437.

436 En effet, aux termes de l’art. L. 526-1, al. 2, C. com., « lorsque le bien foncier n'est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration que si elle est désignée dans un état descriptif de division. La domiciliation du déclarant dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 ne fait pas obstacle à ce que ce local fasse l'objet de la déclaration, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire ».

437 V. à ce propos, P. Boutiller, Les nouvelles mesures de protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel, JCP E 2003, Prat. 1359, p. 1518.

188. L’immeuble, pour être soustrait au gage des créanciers professionnels, doit servir de résidence à l’entrepreneur individuel. L’article L. 526-1 du code de commerce ne fait aucune allusion ni au domicile438 ni à la résidence de famille. A ce titre, il importe que l’entrepreneur soit marié ou

célibataire, il suffit juste que l’immeuble soit sa résidence principale. Toutefois, comme nous l’avons souligné, lorsque l’immeuble dans lequel vit l’entrepreneur individuel sert également de lieu d’exercice de ses activités, l’article L. 526-1 alinéa 2 du code de commerce précise que « la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration que si elle est désignée dans un état descriptif de division. La domiciliation du déclarant dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 du code de commerce ne fait pas obstacle à ce que ce local fasse l'objet de la déclaration, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire »439. Sans cet état descriptif de

division qui « permet d’individualiser les lots dans une copropriété »440, le mécanisme de protection

ne pourra pas jouer. Ainsi, seule la partie de l’immeuble abritant l’activité professionnelle pourra être saisie par les créanciers professionnels. Cependant, la saisie d’une seule partie de la résidence principale peut s’avérer délicate dans sa mise en œuvre. Il a été avancé que lorsque la partie de l’immeuble dans laquelle s’exerce l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel suit un régime différent de celui de la partie à usage d’habitation, la déclaration d’insaisissabilité ne porte que sur cette dernière. A l’inverse, lorsque l’entrepreneur individuel exerce son activité sans aucune modification juridique de la destination du local consacré à ses activités professionnelles, l’insaisissabilité portera sur l’immeuble toute entier441.

189. À l’insaisissabilité de la résidence principale résultant de la déclaration notariée prévue par la loi de 2003, le législateur français est venu compléter ce mécanisme de protection des biens de l’entrepreneur individuel par la loi du 4 aout 2008. Ainsi, les entrepreneurs individuels peuvent étendre le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité à leurs immeubles bâtis ou non. Dès lors seuls les créanciers domestiques et les créanciers dont la créance est née antérieurement à la déclaration peuvent exercer leurs droits sur lesdits biens.

438 La notion de résidence étant à cet effet plus conforme à la réalité, v. S. Piedelièvre, L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, JCP E, 1re oct. 2003, p. 1717 et s.

439 Selon l’article L. 123-10 al. 2 et 3 du C. com. « les personnes physiques peuvent déclarer l'adresse de leur local d'habitation et y exercer une activité, dès lors qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle ne s'y oppose. Lorsqu'elles ne disposent pas d'un établissement, les personnes physiques peuvent, à titre exclusif d'adresse de l'entreprise, déclarer celle de leur local d'habitation. Cette déclaration n'entraîne ni changement d'affectation des locaux, ni application du statut des baux commerciaux ».

440 V. P-M. Le Corre, Protection de l’entrepreneur individuel et déclaration d’insaisissabilité. À propos de la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, AJDI 2004, p. 179 et s.

2. Les biens n’appartenant pas exclusivement à l’entrepreneur individuel

190. Lorsque les biens immobiliers appartiennent exclusivement à l’entrepreneur individuel, il ne

se pose aucun problème. Il dispose d’un droit de propriété absolu sur ces biens. Cependant, lorsque les biens immobiliers sont communs ou indivis, des difficultés peuvent survenir. L’article L. 526-2 du code de commerce dispose à cet effet que la déclaration d’insaisissabilité doit contenir « une description détaillée de l’immeuble et l’indication de son caractère propre, commun ou indivis ». S’agissant des biens indivis, on se souvient que l’article 815-17 du Code civil interdit aux créanciers personnels d’un indivisaire de saisir la part de leur débiteur. Ces derniers ne peuvent que provoquer le partage afin d’obtenir le paiement de leurs créances442. La déclaration d’insaisissabilité vient

renforcer la protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel dans la mesure où les créanciers de l’indivisaire, c’est-à-dire les créanciers de l’entrepreneur individuel ne peuvent saisir le bien indivis même après le partage. Cette protection est d’autant plus nécessaire lorsque le bien en question est un immeuble indivis entre époux mariés sous un régime séparatiste. Elle joue pleinement en faveur de l’entrepreneur individuel lorsque, lors du partage l’immeuble est mis sur son lot de partage. En effet, par l’effet rétroactif du partage, les actes effectués par un indivisaire sont rétroactivement validés443. Encore faudrait-il que l’insaisissabilité grève toujours sa résidence principale au moment

du partage.

191. Lorsqu’il s’agit de biens communs, l’article 1415 du Code civil pose déjà une forme d’insaisissabilité en disposant que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt »444. L’engagement des biens communs ne peut

résulter, dès lors, que de l’intervention du conjoint de l’entrepreneur individuel dans la souscription du prêt. Dans cette hypothèse, si le conjoint n’intervient que pour donner son autorisation à la souscription du prêt, les créanciers ne peuvent pas saisir l’immeuble déclaré insaisissable sur le chef du conjoint non déclarant. En revanche, lorsque le conjoint intervient en qualité de codébiteur, on serait tenté de penser que les créanciers pourront saisir l’immeuble déclaré insaisissable par l’entrepreneur individuel. Cette solution résulte de l’article 1413 du Code civil qui permet aux créanciers dont la dette est née au cours de la communauté de poursuivre la réalisation de leur gage sur les biens communs.

Cependant, elle nuirait gravement à l’efficacité du dispositif. Certains auteurs pensent qu’elle ne s’impose pas, au sens large de l’article L. 526-1 du Commerce de commerce qui vise les créances qui

442 V. aussi pour les immeubles indivis en droit OHADA, art. 249, AUVE.

443 V. S. Piedelièvre, L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, op. cit., n° 40, 1re oct. 2003,

I 165.

naissent à l’occasion de l’activité professionnelle et non celles qui naissent du chef du déclarant. Toutefois, les dettes professionnelles du conjoint de l’entrepreneur individuel ne sont pas concernées par la déclaration d’insaisissabilité445. Les créanciers personnels de ce dernier peuvent

saisir l’immeuble déclaré insaisissable par l’entrepreneur individuel à moins que son conjoint ne procède également à une autre déclaration d’insaisissabilité sur les mêmes biens, lorsqu’il exerce une activité professionnelle visée par la loi de 2003. À défaut, la déclaration d’insaisissabilité n’aura qu’un effet limité à l’égard des créanciers et la protection recherchée par le législateur serait inefficace.

192. S’agissant du cautionnement, certains auteurs ont admis l’idée selon laquelle le conjoint caution peut opposer aux créanciers de l’entrepreneur individuel sur le fondement des dispositions de l’article 2036 du Code civil. Aux termes de cette disposition « la caution peut opposer aux créanciers toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette »446. Cette solution parait critiquable dans la mesure où l’alinéa 2 de l’article 2036 du Code civil

précise que « la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur ». Or, comme l’a souligné une partie de la doctrine447, l’exception résultant de la déclaration

d’insaisissabilité est purement personnelle à l’entrepreneur individuel compte tenu de la portée protectrice de l’article L. 256-1 du code de commerce.

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