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La contestation de la présomption de propriété des biens détenus par l’entrepreneur individuel

C HAPITRE I L A DETERMINATION DU DROIT DE GAGE GENERAL DES CREANCIERS

L ES CONDITIONS DE MIS E EN ŒUVRE DU DROIT DE GAGE DES CREANCIERS

A. La propriété exclusive des biens saisissables à l’entrepreneur individuel

2. La contestation de la présomption de propriété des biens détenus par l’entrepreneur individuel

77. Le droit de gage général des créanciers sur le patrimoine de l’entrepreneur individuel

n’emporte pas un droit absolu sur tous les biens figurant dans le patrimoine de celui-ci. En effet, la saisie des biens appartenant à un tiers serait sans effet même si ceux-ci sont détenus par l’entrepreneur individuel. Le tiers peut revendiquer la propriété du bien saisi entre les mains de l’entrepreneur individuel. Ainsi, le tiers propriétaire du bien saisi157 dispose d’une action en

distraction qui lui permet de faire sortir le bien saisi de la procédure158. Cette action constitue un

incident de la procédure de saisie individuelle qui ne peut être soulevé que par le tiers. Ce dernier doit en effet, « préciser les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué » et en

155 L’al. 2 du même article précise toutefois que si le bien est un véhicule terrestre à moteur, celui-ci pourra « être immobilisé entre les mains du tiers jusqu'à son enlèvement en vue de la vente, les parties entendues ou dûment appelées, par tout moyen n'entraînant aucune détérioration du véhicule », art. 113, al. 2, AUVE.

156 V. TRHC Dakar, 15 janv. 2003 : Sté Sénégalaise Hôtel c/ Receveur du Centre des Grandes Entreprises et autres,

www.ohada.com, Ohadata J-03-56.

157 Concernant la saisie d’un bien immobilier l’usufruitier ne peut intenter une telle action, puisque l’action est réservée au seul titulaire du droit de propriété sur l’immeuble.

158 En droit français, l’action en distraction est réglementée par les dispositions du décret du 31 juillet 1992 en matière mobilière reprises dans le code des procédures civiles d’exécution. Le juge compétent est le juge du lieu de saisie.

conséquence de la contestation, le créancier saisissant doit mettre en cause les créanciers opposants et le débiteur doit être entendu avant que le juge ne statue sur la demande159. Ainsi, contrairement

aux contestations relatives à la saisissabilité, l’action en distraction ne peut être initiée par l’entrepreneur individuel même si la saisie porte sur des biens qui ne lui appartiennent pas160. Le

titulaire de l’action en distraction, visé par l’article 141 de l’Acte uniforme s’entend de toute personne étrangère à la saisie161.

L’action en distraction est exercée jusqu’au jour de l’audience d’adjudication162. Elle cesse d’être

recevable après la vente des biens saisis163. Cette condition d’antériorité est impérative en matière de

meubles car, après la vente, l’adjudicataire des biens mobiliers est protégé par l’article 2276 du Code civil qui précise qu’en fait de meubles, possession vaut titre. C’est dire que le propriétaire ne pourra revendiquer son bien auprès du possesseur de bonne foi. Il devra, s’il veut recouvrer son bien, rembourser le prix d’achat au possesseur de bonne foi qui a acquis le bien dans une vente publique164. « Toutefois, le tiers reconnu propriétaire d'un bien déjà vendu peut, jusqu'à la

distribution des sommes produites par la vente, en distraire le prix non diminué des frais »165.

78. Les textes sont plus souples en matière immobilière. L’article 9 du décret du 27 juillet 2006

admet l’action en distraction « en tout état de cause », ce qui conduit à penser que cette action pourrait être intentée devant la Cour d’appel après l’adjudication si elle fait l’objet d’un appel166. On pourrait

alors considérer que l’action en distraction peut même être demandée par le tiers propriétaire pendant la distribution du prix de vente du bien immobilier entre les créanciers poursuivants. Cependant, elle ne sera plus recevable après la distribution, seule l’action en revendication pourra être intentée par le tiers propriétaire.

80. La solution est tout autre en droit OHADA. En effet, l’article 308 de l’AUVE se contente

d’indiquer que le tiers qui se prétend propriétaire doit former une demande en distraction avant l’adjudication dans le délai prévu par l’article 299 alinéa 2 »167. La solution, ainsi posée en droit

159 V. art. R. 221-51, CPCE et art. 141, AUVE.

160 Bouaké, arrêt n° 77/2001 du 16 mai 2001, Z c/ K, Ohada.com/Ohadata J-02-97.

161 CCJA, arrêt n° 016/2005 du 24 février 2005, S. A. Y. et autres c/ Mme G. et Sté CGC, GD-CCJA, p. 539, obs.

Sylvain Sorel Kuaté Tameghé.

162 Art. R. 221-51, CPCE. 163 Art. 142, AUVE. 164 Art. 2280, C. civil.

165 V. art. R. 221-52, CPCE et art. 142 de l’AUVE.

166 V. art. 308, AUVE.

167 Aux termes de l’art. 299 al. 2, AUVE « les demandes fondées sur un fait ou un acte survenu ou révélé postérieurement à cette audience et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la

OHADA, est sans ambiguïté. Le tiers, qui se prétend propriétaire d’un bien immobilier détenu par l’entrepreneur individuel, doit intenter l’action en distraction avant l’adjudication. Cette solution, contrairement à celle retenue en droit français, a le mérite d’éviter la multiplication des incidents après la phase d’adjudication. A cet effet, l’article 300 de l’AUVE pose de façon claire et précise que peuvent être frappées d’appel les décisions judiciaires rendues en matière immobilière « lorsqu’elles statuent sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis »168.

Mais, l’enjeu est moins crucial en matière immobilière. Selon l’article 2208 du Code civil l’adjudication ne confère à l’adjudicataire que les droits du saisi. Le droit de propriété ne peut donc être transmis et le véritable propriétaire pourra intenter, après la vente, une action en revendication. Ce qui montre que l’AUVE n’admet la recevabilité de la demande en distraction que dans les États membres où le droit foncier admet la demande en revendication ou toute autre action tendant aux mêmes fins.

81. A l’inverse, les biens appartenant à l’entrepreneur individuel peuvent être saisis entre les mains

d’un tiers détenteur. Dès lors, si les biens n’appartenant pas à l’entrepreneur individuel ne peuvent pas être saisis, tous les biens lui appartenant peuvent l’être sans distinction de leur nature ou de leur origine. Qu’ils soient corporels ou incorporels, qu’ils résultent d’une créance que l’entrepreneur

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