• Aucun résultat trouvé

Les créances concernées par la déclaration d’insaisissabilité

DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

L A SOUSTRACTION DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS PAR LA DECLARATION D ’ INSAISISSABILITE

B. Les créances concernées par la déclaration d’insaisissabilité

193. La déclaration d’insaisissabilité est opposable aux créanciers professionnels postérieurs. Cependant, elle est inopposable à certains créanciers (2) et la qualité de certains créanciers soulève des difficultés dans l’appréciation de son opposabilité (1).

1. Les difficultés soulevées par les créances mixtes

194. Les dettes contractées par l’entrepreneur individuel sont soit professionnelles, soit personnelles. Toutefois, il arrive que certaines dettes présentent un caractère mixte. Ce qui peut soulever des difficultés, notamment en cas de déclaration d’insaisissabilité. À la lecture de l’article L. 526-1 du code de commerce, seules les créances professionnelles sont concernées par la déclaration d’insaisissabilité. Cependant, le législateur n’a pas déterminé de façon précise et claire les créances qui sont concernées par cette déclaration. S’il est évident que les créances qui naissent uniquement dans le cadre de l’activité professionnelle sont concernées, la question reste tout de même sans

445 V. à cet effet, L. Williate-Pelliteri, L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel résultant de la loi du 1er aout 2003 : La boîte de pandore du monde des affaires, LPA 9 aout 2004, n° 158, p. 3 et s.

446 Art. 2036, al. 1, C. civ.

447 V. P-M. Le Corre, Protection de l’entrepreneur individuel et déclaration d’insaisissabilité. À propos de la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, op. cit., p. 179 et s.

réponse, au regard du texte législatif, pour les créances qui répondent à la fois à un besoin professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel. On peut légitimement se demander si les créances « mixtes » sont concernées par la protection résultant de la déclaration d’insaisissabilité. Ainsi, lorsque l’entrepreneur individuel fait un prêt pour l’acquisition d’une voiture qu’il utilise à des fins professionnels et personnels, doit-on considérer dans cette hypothèse qu’il s’agit d’une créance professionnelle ou s’agit-il d’une créance personnelle. Lorsqu’il s’agit-il d’une créance professionnelle, c’est-à-dire une créance qui a un lien direct avec l’activité professionnelle, on se retrouve dans les critères d’identification visés par la déclaration d’insaisissabilité et par voie de conséquence le créancier se voit opposer la déclaration d’insaisissabilité.

Les critères dégagés dans l’article L. 526-1 du code de commerce permettent d’exclure les créances ayant une finalité personnelle ou familiale. Lorsque la créance est qualifiée de personnelle, elle n’est pas concerné par la déclaration d’insaisissabilité. Une partie de la doctrine avait admis l’idée selon laquelle, en présence d’une créance mixte, le caractère professionnel devait l’emporter sur le caractère personnel. Une telle solution peut être considérée comme étant conforme à l’esprit de la loi de 2003 car elle vise à renforcer la protection résultant de la déclaration d’insaisissabilité. Les tenants de cette thèse pensent que l’entrepreneur individuel peut opposer dans ce cas à ses créanciers la déclaration d’insaisissabilité sur le fondement des principes inspirés du droit commercial qui « laissent à penser que les dispositions les plus favorables aux plus faibles des contractants doivent l’emporter ». Mais, il faudrait dans ce cas, avant toute chose, déterminer qui des contractants est le plus faible. Si dans la plupart des opérations auxquelles il prend part, l’entrepreneur individuel est en position de faiblesse, il n’est pas certifié qu’il est toujours la partie la plus faible. Même s’il est admis qu’il est la partie la plus faible dans cette opération, aucun principe juridique ne peut justifier une telle solution. Il est vrai que le droit commercial, relativement aux actes mixtes, aménage des solutions plus favorables à l’une des parties supposée être la plus vulnérable. Mais, ces mesures sont applicables dans les relations entre commerçants et non-commerçants afin de permettre à ces derniers de bénéficier de dispositions qui leurs sont beaucoup plus protectrices de leurs intérêts compte tenu de leur vulnérabilité. Or, l’entrepreneur individuel étant un professionnel, la théorie des actes mixtes ne peut trouver une application dans cette situation, sous peine de rompre l’équilibre contractuel.

195. Face à l’insuffisance des solutions proposées par une partie de la doctrine, d’autres auteurs ont préconisé de préciser en amont lors de la conclusion de leur contrat quelle est la nature de la créance. Juridiquement rien n’interdit un tel procédé et, il a le mérite d’éviter les éventuelles contestations pouvant subvenir lorsque l’entrepreneur individuel est en difficulté. Dès lors, le créancier ne pourra pas se voir opposer l’insaisissabilité lorsqu’au moment de la souscription du prêt, l’entrepreneur individuel avait indiqué la nature personnelle de la créance. A l’inverse aussi le

créancier se verra opposer la déclaration d’insaisissabilité lorsque l’entrepreneur individuel avait pris le soin de mentionner que la créance avait un caractère professionnel.

Cependant, la solution ainsi proposée risque d’être inefficace, car si les créanciers peuvent librement déterminer la nature de leur contrat, ils pourront écarter le caractère professionnel de la créance dans le seul but d’échapper aux effets de la déclaration d’insaisissabilité.

2. Les créances exclues du champ d’application de la déclaration d’insaisissabilité

196. La déclaration d’insaisissabilité vise les créances professionnelles postérieures à la déclaration. Cette formule englobe nécessairement les créances contractuelles et dans une moindre mesure les créances délictuelles. Une partie de la doctrine considère que certaines créances délictuelles qui sont nées dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 526-1 du code de commerce. Selon les partisans de cette thèse, l’ouvrier qui se blesse avec les outils appartenant à l’entrepreneur individuel et qui obtient des dommages et intérêts à la suite de cet accident peut saisir les biens déclarés insaisissables dans la mesure où sa créance est personnelle. Les créances délictuelles n’entrent dans le champ d’application de l’article L. 526-1 du code de commerce que lorsqu’elles ont pour cause et pour finalité l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel. La créance est concernée par l’insaisissabilité que, si et seulement si, elle nait à l’occasion de l’activité professionnelle et à pour cause ladite activité. En revanche, si la créance délictuelle est née à l’occasion de l’activité professionnelle mais qu’elle n’a pas pour finalité celle-ci, elle n’est pas concernée par l’insaisissabilité. Le critère d’appréciation devient dès lors double. Il repose ainsi sur la cause et la finalité de la créance.

197. Doit-on en conclure alors que la formule de l’article L. 526-1 du code de commerce vise

toutes les créances qui sont nées à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel ou s’agit-il uniquement des créances qui ont pour cause et finalité l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel? Certaines créances naissent au cours de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel sans pour autant entrer dans la catégorie des créances contractuelle ou délictuelle. Il en est ainsi des créances fiscales comme la taxe professionnelle ou les créances de l’URSSAF448. Celles-ci se présentent sous un aspect particulier qui fait douter de leur caractère

professionnel ou non. En réalité c’est de leur caractère professionnel ou non que dépend leur

448 V. S. Piedelièvre, L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, op. cit., n° 40, 1re oct. 2003,

soumission à la déclaration d’insaisissabilité. Certains auteurs pensent que quel que soit leur régime elles devraient être soumises à l’insaisissabilité449.

D’autres auteurs considèrent que ces créances bien que naissant dans le cadre de l’exercice de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel ne sont pas, en réalité, des créances professionnelles, et doivent de ce fait échapper à l’insaisissabilité. En effet, selon ces derniers, la finalité de ces créances n’est pas exclusivement professionnelle même si elles sont dues dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel. Cette solution s’applique également pour les créances des caisses de retraites car elles n’ont pas pour finalité l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel mais elles visent à assurer à ce dernier « un confort vital pendant sa retraite »450. Ainsi, ces cotisations ne doivent pas être considérées comme étant des dettes

professionnelles, et à ce titre elles échappent au champ d’application de la déclaration d’insaisissabilité.

Néanmoins, au regard de l’esprit et de la finalité de l’article L. 526-1 du code de commerce, ces dettes doivent être, nous semble-t-il, visées par la déclaration d’insaisissabilité, nonobstant leur régime.

449 V. L. Williatte-Pellitteri, L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel résultant de la loi du 1er aout 2003 : La boîte de pandore du monde des affaires, op. cit., p. 3 et s.

CHAPITRE II.

LA PROTECTION DE LENTREPRENEUR INDIVIDUEL PAR LAFFECTATION DE

Outline

Documents relatifs