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L A PROTECTION DE L ’ ENTREPRENEUR INDIVIDUEL PAR L ’ AFFECTATION DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

L’ AFFECTATION PATRIMONIALE DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

B. Le contenu de l’affectation patrimoniale

1. La nature des éléments affectés

241. Aux termes de l’article L.526-6 du code de commerce, le patrimoine affecté est composé d’un ensemble de « biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire ». L’EIRL affecte pour son activité professionnelle un ensemble d’éléments qui constitue le gage des créanciers professionnels. Ce qui justifie que l’affectation de certains éléments dans le patrimoine professionnel est soumise à des conditions strictes. Il en est ainsi des biens affectés au patrimoine professionnel. Le législateur met en place un dispositif destiné à garantir la réalité de la valeur des biens apportés.

242. Cependant, le Code civil ne donne pas une définition précise de la notion de biens, tout au plus il se contente de donner une description de ce qu’est un bien, mais on peut admettre qu’un bien est une chose matérielle susceptible d’appropriation. Mais, faute de précision dans le texte, la notion de bien doit être entendue dans son acception la plus large. Selon l’article 516 du Code civil, les biens sont, soit des meubles ou des immeubles535. Ils peuvent être inclus dans le patrimoine

535 En conséquence, il est possible d’affecter une somme d’argent, un stock de marchandises, du matériel, ou un immeuble. V. Véronique LEGRAND, EIRL : lancement des opérations et premier « casse-tête » à l’attention des aspirants (composition du patrimoine affecté), LPA, 03 janvier 2011 n°1, p. 3.

d’affectation dès lors qu’ils sont nécessaires et que l’EIRL décide de les utiliser. Certains biens peuvent avoir un caractère mixte, ceux-ci peuvent être selon le choix de l’EIRL inclus dans le patrimoine affecté ou maintenus dans le patrimoine personnel. Toutefois, ce choix reste largement encadré par le législateur pour garantir la protection des droits des créanciers. L’affectation des biens meubles et immeubles est soumise à des conditions pour certaines catégories de biens. Pour les biens meubles dont la valeur est supérieure à trente mille euros536, ils doivent faire l’objet d’une

évaluation.

Cette exigence ne concerne pas uniquement les biens meubles mais tout élément d’actif. À cet effet, le législateur dispose que « tout élément d’actif du patrimoine affecté autres que des liquidités, d’une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret fait l’objet d’une évaluation au vu d’un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire un comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité »537. Concernant les biens

immobiliers ou d’une partie d’un bien immobilier, son affectation est subordonnée à une évaluation préalable lorsque sa valeur est supérieur au montant fixé par l’article R. 526-5 du code de commerce. Ce texte précise que cette évaluation « est reçue par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier de la situation du bien et de l’EIRL »538.

243. À la différence de l’affectation d’un bien ou d’un droit, celle d’une obligation ne concerne pas seulement l’EIRL, elle fait intervenir une autre personne dans le rapport juridique, le cocontractant avec qui l’EIRL est en rapport de droit ou d’obligation. Les droits et les obligations constituent d’un point de vue civil les deux versants des conventions. Pour la constitution du patrimoine d’affectation on peut considérer qu’il s’agit en général de l’ensemble des contrats dans lesquels l’EIRL est engagé à exécuter une obligation mais dont la contrepartie est déterminée par la nécessité de son activité professionnelle. Dès lors, l’affectation s’appliquera aux deux versants du contrat à la fois. Mais, l’EIRL doit-il pour cela recueillir le consentement de son cocontractant pour pouvoir procéder à l’affectation ? En d’autres termes, l’affectation d’un droit ou d’une obligation relève-t-elle de la libre volonté de l’EIRL ? Selon certains auteurs, si on considère que l’affectation opère un changement de dénomination ou un changement du gage on devrait admettre que le cocontractant doit être averti. En revanche, si l’affectation n’opère aucun changement, l’EIRL dispose d’une totale liberté dans le choix de l’affectation, la perspective de la déclaration

536 V. art. R. 526-5. 537 Art. L. 526-10. 538 Art. L. 526-9.

d’affectation étant d’avertir les créanciers professionnels sur l’étendue de leurs droits539. Les mêmes

soucis se posent concernant l’affectation des sûretés, il faut souligner que les sûretés qui ne peuvent être incluses dans le patrimoine affecté de l’EIRL ne sont pas les sûretés consenties par l’entrepreneur au profit de ses créanciers mais les garanties faites à son profit par ses débiteurs. Mais l’inclusion de telles sûretés est-elle conditionnée à l’accord du débiteur ? L’affectation d’un bien ou d’un droit se conçoit parfaitement mais qu’en est-il de la sûreté qui fait l’objet d’une affectation ?

Par ailleurs, si pour les biens, droits et sûretés, on peut déterminer une valeur qui sera positive ou négative, le doute subsiste sur la notion d’obligation, déterminer la valeur d’une obligation et comment la comptabiliser ? La multitude des questions soulevées renseigne sur la complexité du contenu même du patrimoine affecté. L’EIRL peut décider d’affecter tous ces éléments à son activité professionnelle mais leur appréciation et leur réalité dans la prise en compte de l’assiette du droit de gage des créanciers professionnels risquent de soulever des difficultés.

A notre avis, l’affectation des obligations ou suretés ne doit pas poser de difficultés car la loi permet aux créanciers de faire opposition de celle-ci.

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