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C HAPITRE I L A DETERMINATION DU DROIT DE GAGE GENERAL DES CREANCIERS

L ES CONDITIONS DE MIS E EN ŒUVRE DU DROIT DE GAGE DES CREANCIERS

B. L’indisponibilité des biens à caractère personnel

98. Certains biens de l’entrepreneur individuel, en raison de leur caractère personnel, sont insaisissables (1). Cependant, malgré leur caractère personnel, la loi admet leur saisie de certains cas (2).

1. Les biens indisponibles pouvant être saisis

99. Certains biens de l’entrepreneur individuel sont saisissables malgré l’indisponibilité dont ils sont frappés. En effet, l'article L. 112-3 du CPCE dispose que « les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l'immeuble, sauf pour paiement de leur prix ». Les immeubles par destination sont en effet des biens meubles qui sont rattachés à « l'immeuble de manière fixe et dont la séparation de l'immeuble nécessite un descellement, un démontage, une dénaturation des lieux ». En France, ils sont consacrés en premier lieu à l'article 517 du Code civil208.

Ces biens meubles qui sont rattachés à l’immeuble ne peuvent être saisis indépendamment de celui- ci.

206 Art. L. 642-9, C. com.

207 V. à ce propos, R. Perrot et Ph. Théry, op. cit., no 148, p. 157 et 158.

208 Aux termes de l’art. 517, C. civ., « les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent ».

Mais, l'affectation d'un bien meuble par l’entrepreneur individuel au service d'un immeuble n’interdit pas de le saisir. La loi prévoit la saisie des immeubles par nature dans deux cas. D’une part, l’immeuble par destination ne peut être saisi, « sauf pour le paiement de son prix », c’est-à-dire lorsque le créancier poursuivant est le vendeur du bien. En effet, l’article L. 112-3 du CPCE dispose que «les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l'immeuble, sauf pour paiement de leur prix ». Dans ces cas, il appartient à l’entrepreneur individuel d’apporter la preuve que les biens meubles ont été affectés au service d’un fonds dont il est propriétaire. A défaut, les biens meubles pourront être saisis isolément209.

D’autre part, le bien meuble peut être saisi dans le cadre d’une saisie immobilière. L’immeuble par destination faisant partie dans l’immeuble auquel il est rattaché, le bien meuble est, en principe, compris dans la saisie immobilière de l’immeuble dont il dépend. La même solution s'impose pour les droits réels qui ne peuvent être saisis indépendamment du fonds auquel ils se rapportent comme les servitudes foncières.

2. L’indisponibilité des biens ne pouvant être saisis

100. En raison de leur caractère personnel, certains droits dont dispose l’entrepreneur individuel

sont inaliénables et donc insaisissables. Ainsi, malgré l’indisponibilité du droit moral de l'entrepreneur individuel sur son œuvre, les revenus tirés de l’exploitation de l'œuvre sont saisissables210 dans les limites déterminées par la loi211. En effet, l’article L. 333-2 du Code de la

propriété intellectuelle dispose que « sont insaisissables, dans la mesure où elles ont un caractère alimentaire, les sommes dues, en raison de l'exploitation pécuniaire ou de la cession des droits de propriété littéraire ou artistique, à tous auteurs, compositeurs ou artistes ainsi qu'à leur conjoint survivant contre lequel n'existe pas un jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée, ou à leurs enfants mineurs pris en leur qualité d'ayants cause ». La jurisprudence admet également la vente forcée du support matériel de l'œuvre212. En revanche, la loi prohibe la saisie

d’une création originale non encore divulguée par son auteur dans la mesure où elle attache à la faculté de divulguer l'exercice du droit moral que seul l’auteur dispose213.

209 Cass. 2e civ., 3 juill. 1996, no 94-15.595.

210 Art. L. 121-1, C. propr. intell.

211 V. à cet effet, l’art. L. 333-2 du C. propr. intell.

212 Cass. 1re civ., 18 mars 1971, Bull. civ. I, no 93, p. 76 ; Cass. 1re civ., 5 juill. 2005, no 03-16.696, Bull. civ. I, no 293, p.

244.

101. L’entrepreneur individuel peut également disposer d’un droit de jouissance légal des père et mère sur les biens de leurs enfants de moins de 16 ans. Ce droit est en, principe, indisponible et insaisissable214. L’indisponible résulte du fait que ce droit est « grevé de charges que seuls les père et

mère ont qualité pour remplir (comme l'entretien ou l'éducation des enfants) »215. Les revenus de ces

biens sont aussi insaisissables « mais seulement dans la mesure où ils sont nécessaires à ces charges »216.

102. La solution vaut également pour les droits d'usage et d'habitation217. La jurisprudence

considère que ces droits « sont, par leur nature même et aussi à raison de la situation respective des parties contractantes, des droits exclusivement attachés à la personne du bénéficiaire ; qu'ils ne sauraient, dès lors, ni être attribués en nature, ni être convertis en argent au profit d'un autre que celui pour lequel ils ont été constitués »218.

103. Il en est de même des droits conférés au conjoint survivant sur le logement par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001219. En effet, le conjoint survivant bénéficie d'un droit temporaire au

logement220. La loi no 2006-728 du 23 juin 2006 est venue étendre ce droit au partenaire survivant

d'un Pacs221. Ainsi, « si à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre

d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit »222. A cet effet, l’entrepreneur individuel peut au

moment du décès de son conjoint bénéficier de l’indisponibilité du logement de famille pendant une année à la suite du décès de son conjoint. Ce droit de jouissance conféré par cette indisponibilité temporelle ne constitue pas un droit successoral mais un droit matrimonial223 ce qui tend à le

214 Art. 383 et 384, C. civ.

215 V. M. Donnier et J.-B., Voies d'exécution et procédures de distribution, Coll. Manuel, Litec, 8ème éd., no 253, p. 84.

216 V. Ph. Hoonakker, Procédures civiles d'exécution, Coll. Manuel, paradigme, 2010, no 69, p. 33

217 V. à ce propos, S. Piedelièvre, Rép. Dalloz, Usage-habitation, spéc. no 9, p. 2 ; D. Grillet-Ponton, L'organisation de

l'insolvabilité en droit patrimonial de la famille, D. 1996, chr., p. 339, spéc. no 9 ; v. aussi art. 631 et 634, C. civ.

218 Cass. civ., 5 août 1878, DP 1879, 1, p. 75 ; v. également CA Montpellier, 20 janv. 1925, DH 1925, p. 262 ; CA paris,

21 mars 1928, Gaz. pal. 1928, 1, p. 711 ; Cass. 1re civ., 11 juill. 1962, Bull. civ. I, no 362 ; Cass. 3e civ., 10 nov. 1993,

no 91-11.326

219 V. à ce propos, F. Vauvillé, Les droits au logement du conjoint survivant, Defrénois 2002, art. 37608, p. 1286 220 N. Levillain, Le droit au logement temporaire du conjoint survivant, JCP N, 2002, no 1440, p. 1076

221 J.-F. Sagaut, « Le logement après le décès », AJ Fam. 2008, p. 368 ; art. 515-6, al. 3, C. civ. 222 C. civ., art. 763, al. 1.

rapprocher de l'article 215 du Code civil224. Toutefois, le caractère d'ordre public du droit de

jouissance du logement de famille après le décès du conjoint225 permet à certains auteurs d'affirmer

que « l'ordre public familial bloque pendant douze mois l'action des créanciers saisissants, (...) »226.

Cette analyse est confortée par la nature du droit auquel peut prétendre le conjoint survivant. Ce dernier dispose d'un délai d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier d'un droit viager au logement qui prendra la suite du droit temporaire227. L’article 764, alinéa 1er du Code

civil précise que « sauf volonté du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant »228. Confortée par l’article 764 du Code civil qui renvoie aux dispositions

des articles 627, 631, 634 et 635, alinéa 4, ces dispositions impliquent l'insaisissabilité du droit viager au logement de famille. Certains auteurs estiment que « ce caractère rend le droit viager du conjoint opposable aux créanciers tant chirographaires qu'hypothécaires qui prétendraient saisir le logement pour rentrer dans leurs fonds. Sous ce rapport le logement familial se trouve mieux défendu par l'article 764 après le décès de l'époux prémourant qu'il ne l'était de son vivant par l'article 215, alinéa 3 »229.

En outre, l’indisponibilité des biens contenus dans le patrimoine de l’entrepreneur individuel peut résulter des insaisissabilités édictées en vertu de la protection de l’intérêt général ou dans le seul but de favoriser l’intérêt de l’entrepreneur individuel. D’autres insaisissabilités découlent de la simple volonté de l’entrepreneur individuel ou des tiers.

224 Aux termes de l’art. 215, C. civ., « les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord. Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous ».

225 C. civ., art. 763, al. 4.

226 P. Catala, J.-Cl. Droit civil, art. 756 à 767, Fasc. 20, no 19.

227 Levillain N., Le droit viager au logement du conjoint survivant, JCP N 2003, no 1043, p. 101.

228 L’article 971 dispose que « Le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins ».

229 P. Catala, op. cit., no 52, v. également en ce sens, C. Lesbats, Le droit viager au logement et l'option du conjoint

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ECTION

II.

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