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Les raisons de l’isolement du patrimoine de chacun des époux par les régimes séparatistes

DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

L A SOUSTRACTION DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS PAR LE JEU DES REGIMES MATRIMONIAU

A. Les raisons de l’isolement du patrimoine de chacun des époux par les régimes séparatistes

153. Dans le régime de la communauté universelle, le patrimoine de l’entrepreneur individuel et celui de son conjoint son confondus. Et, toutes les dettes contractées par un des époux seront à la charge de la communauté. Cette insécurité met en péril, non seulement, le patrimoine conjugal, mais également l’activité de l’entrepreneur individuel car des créanciers qui sont complètement étrangers à son activité professionnelle pourront ainsi saisir ses biens propres, y compris les biens utilisés dans son activité professionnelle. En fait, dans ce régime, tous les biens des époux, présents et à venir, sont mis en commun, quelle que soit leur origine ou la date de leur acquisition342. Les dettes des

époux suivent également le même régime.

Ce risque d’insécurité pour le conjoint de l’entrepreneur individuel343 lié à l’activité

professionnelle de son conjoint subsiste également lorsque les époux sont soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts344 ou au régime de la communauté de meubles et acquêts345. En

principe, chaque époux supporte ses dettes, à l’exception des dettes qui engagent solidairement la communauté. Toutefois, les créanciers de l’un des époux peuvent saisir, outre les biens propres de son débiteur, les biens communs. A cet effet, l’article 1413 du Code civil dispose que « le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs (…) ».

154. Les articles 1401 et 1402 du Code civil définissent la liste des biens qui entrent dans communauté. En effet, l’article 1401 du Code civil dispose que « la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres »346. Ainsi, le fonds de commerce géré par l’entrepreneur individuel est un bien commun

342 Toutefois, la loi prévoit une exception à cette règle. En effet, les biens propres par nature qui sont définis à l’article 1404 du Code civil demeurent la propriété personnelle du conjoint, ainsi que les dommages-intérêts qui pourraient lui être alloués en cas de préjudice.

343 Ce risque est également réel pour l’entrepreneur individuel lui-même qui peut subir la poursuite des créanciers personnels de son conjoint sur ses biens professionnels.

344 V. art. 1401 et s., C. civ. 345 V. art. 1498 et s., C. civ.

346 Il est complété par l’art. 1402, C. civ., qui précise que « tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi. Si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l'époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit. A défaut d'inventaire ou autre preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. Il pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s'il constate qu'un époux a été dans

lorsqu’il a été acquis ou creé durant le mariage. En effet, dans le régime de la communauté légale, le fonds de commerce est « présumé être un bien commun »347. Cette présomption, pour certains

auteurs, se justifie par le fait que le fonds de commerce acquiert son caractère commun par l’origine des fonds qui ont servi à son acquisition ou par le moment de sa création348. Toutefois, il arrive que

cette présomption soit écartée et que le fonds de commerce soit considéré comme étant un bien propre de l’entrepreneur individuel. Les articles 1404349 et 1405350 du Code civil établissent la liste

des biens propres à chacun des époux soumis à un régime légal de communauté. Le premier définit les biens propres par nature et le second établit le caractère propre des biens en fonction de leur origine. Mais, à la lecture de l’article 1404 du Code civil, il est évident que le fonds de commerce ne peut être un bien propre en nature. Dès lors, c’est sous l’angle de son origine qu’il faudrait rechercher son caractère propre351. A ce propos, l’article 1405 du Code civil précise que les biens

dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu’il acquiert, pendant le mariage par succession, donation ou legs » sont des biens propres. Ainsi, si le fonds de commerce exploité par l’entrepreneur avait été acquis avant la célébration de son mariage ou qu’il l’avait recueilli durant le mariage par une libéralité, la présomption tirée de l’article 1401 du Code civil serait alors écartée. Dans, cette hypothèse, les créanciers du conjoint de l’entrepreneur individuel ne pourront exercer aucun droit sur le fonds exploité, puisque n’étant pas un bien commun. Et, inversement si le conjoint de l’entrepreneur individuel exploitait un fonds de commerce, dans les mêmes conditions, les créanciers de ce dernier ne pourront se prévaloir des l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ». V. à ce propos, G. Cornu, Les régimes matrimoniaux, PUF, 9ème éd. 1997, p. 347.

347 V. R. Le Guidec, Jcl., Entreprise individuelle, Fasc. 1130 : Régimes matrimoniaux- Fonds de commerce et

composition du patrimoine des époux, juin 2014, n° 16 et s.

348 V. R. Le Guidec, op. cit., n° 17.

349 Aux termes de cet article, « forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le

mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne. Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté ».

350 Selon l’art. 1405, C. civ. « restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu'ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs. La libéralité peut stipuler que les biens qui en font l'objet appartiendront à la communauté. Les biens tombent en communauté, sauf stipulation contraire, quand la libéralité est faite aux deux époux conjointement. Les biens abandonnés ou cédés par père, mère ou autre ascendant à l'un des époux, soit pour le remplir de ce qu'il lui doit, soit à la charge de payer les dettes du donateur à des étrangers, restent propres, sauf récompense ».

dispositions de l’article 1413 du Code civil à son égard. En revanche, si les dispositions des articles 1404 et 1405 du Code civil trouvaient à s’appliquer, la présomption du caractère commun du fonds de commerce permettrait aux créanciers du couple de saisir n’importe lequel des biens communs des époux.

155. Ce principe de saisissabilité des biens communs dans le régime légal de la communauté posé par l’article 1413 du Code civil est toutefois tempéré lorsqu’il y a eu « fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier », nous précise le même article352. Les biens communs ne pourront être

saisis en cas de fraude de la part de l’entrepreneur individuel et de mauvaise foi du créancier. La seule solution, ainsi prévue par la loi, pour anéantir les droits des créanciers de l’entrepreneur individuel sur les biens communs du couple consiste à apporter la double preuve de l’existence d’une fraude et de la mauvaise foi du créancier poursuivant. En effet, l’article 1413 du Code civil précise que les biens communs peuvent être saisis par les créanciers de l’entrepreneur individuel « sauf si le conjoint prouve l’existence d’une fraude de l'époux débiteur et la mauvaise foi du créancier ». Il s’agit là, en effet, de l’application du principe selon lequel, « fraus omnia corrumpit »353. Mais,

l’établissement de cette double preuve peut s’avérer compliqué car, si la preuve de l’existence de manœuvres frauduleuses faites par l’époux débiteur peut être apportée, il est en revanche difficile d’établir la mauvaise foi du créancier.

156. En outre, la loi a prévu des cas dans lesquels l’isolement du patrimoine de chacun des époux

devient primordial pour la préservation des biens du conjoint de l’entrepreneur individuel marié sous le régime de la communauté légale. Si la séparation des biens, aux termes des articles 1536 et suivants du Code civil peut être volontairement choisie par l’entrepreneur individuel et son conjoint, il n’en demeure pas moins que ce régime puisse être imposé aux époux lorsque « par le désordre des affaires d'un époux, sa mauvaise administration ou son inconduite, il apparaît que le maintien de la communauté met en péril les intérêts de l'autre conjoint »354. En effet, la loi permet au conjoint de

l’entrepreneur individuel de demander judiciairement la séparation des biens lorsque les activités professionnelles de ce dernier mettent considérablement en péril la communauté.

352 Une autre exception est également prévue par l’art. 1414, C. civ., relative à l’insaisissabilité des gains et salaires du conjoint de l’entrepreneur individuel par les créanciers de ce dernier. En effet, aux termes de ce texte, « les gains et salaires d'un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l'obligation a été contractée pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants, conformément à l'article 220. Lorsque les gains et salaires sont versés à un compte courant ou de dépôt, ceux-ci ne peuvent être saisis que dans les conditions définies par décret ».

353 Expression qui signifie que « la fraude corrompt tout ». 354 Art. 1443, C. civ.

B. Les effets de l’isolement du patrimoine de chacun des époux par les régimes

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