• Aucun résultat trouvé

L A PROTECTION DE L ’ ENTREPRENEUR INDIVIDUEL PAR L ’ AFFECTATION DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

L’ AFFECTATION PATRIMONIALE DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

A. Les modalités de l’affectation patrimoniale

235. En plus des formalités d’affectation, la loi prévoit pour la validité et l’opposabilité de l’affectation patrimoniale que certains biens fassent l’objet d’une affectation obligatoire (1). Toutefois, l’entrepreneur individuel dispose de la faculté d’affecter à son activité professionnelle des biens dont l’affectation n’est pas requise (2).

1. L’affectation obligatoire

236. Dans sa composition, le patrimoine de l’EIRL se subdivise en deux grandes masses : le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel dit patrimoine d’affectation529. Cette

subdivision du patrimoine résultant de la volonté de l’EIRL530 emporte des conséquences sur la

nature des relations entre l’EIRL et ses créanciers selon que leurs droits se situent dans l’un ou l’autre des patrimoines. Ainsi, la consistance du patrimoine d’affectation renseigne sur le droit de gage des créanciers professionnels. Aux termes de l’article L.526-6 du code de commerce, l’EIRL doit affecter obligatoirement au gage des créanciers professionnels tous les biens nécessaires à son activité professionnelle.

L’affectation obligatoire vise « l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur est titulaire, nécessaires à l’activité professionnelle ». Le critère de la nécessité conditionne l’affectation des éléments qui sont indispensables à l’activité professionnelle, indépendamment de la volonté de l’entrepreneur individuel. En l’absence d’une définition légale, comment peut-on apprécier le caractère nécessaire d’un bien affecté par l’EIRL ? Le législateur renvoie à la définition de l’actif professionnel, en matière de bénéfices non commerciaux, opérée par la doctrine et la jurisprudence fiscale531. La détermination des éléments nécessaires est objective,

ainsi tout élément dont la privation porterait atteinte au bon fonctionnement de l’activité professionnelle constitue un élément nécessaire et doit être affecté obligatoirement. Est obligatoirement affecté ce qui est nécessaire au fonctionnement de l’activité professionnelle. La définition de la nécessité repose sur un critère objectif qui ne laisse aucune place à une appréciation

529 Sur la constitution du patrimoine d’affectation, v. B. Dondero, EIRL-Duo in carne una, JCP G, 2010, I, 1261 ; B. Dondero, L’EIRL ou l’entrepreneur fractionné, JCP G, 2010, I, 679 ; V. Legrand, EIRL : vers une simplification, pa, 13 mai 2013, n° 95, p. 13 ; B. Saintourens, L’EIRL, Rev. sociétés, 2010, p. 351. J. Vallansan, La volonté d’affectation des droits et des biens par l’EIRL, Cahierrs de droit de l’entreprise, n° 3, mai 2011, dossier 4.

530 Vallansan, La volonté d’affectation des droits et des biens par l’EIRL, CDE 2011-3, mai-juin, dossier 14, p. 20.

531 À cet égard la doctrine fiscale considère que les biens affectés par nature à l’exercice de la profession font nécessairement partie de l’actif professionnel, qu’ils soient ou non-inscrits sur le registre des immobilisations. V. aussi, Rapp. AN n° 2298, 209-2010, p.28, 375, 41 ; Rapp. Sénat n° 362, 2009-2010, p.40.

subjective. La nécessité renvoie alors à tout élément dont la privation rendrait impossible la bonne continuation de l’activité de l’EIRL532.

Cette obligation d’affectation des biens nécessaires a pour objet d’éviter que l’entrepreneur individuel se limite à n’affecter que des biens symboliques et de conserver dans son patrimoine personnel des biens professionnels dont il userait néanmoins dans son activité professionnelle, portant ainsi atteinte à l’assiette du droit de gage des créanciers professionnels.

Toutefois, la délimitation des éléments nécessaires devant faire obligatoirement partie du patrimoine affecté n’est pas très claire. C’est l’entrepreneur lui-même qui détermine les biens qu’il juge nécessaires à l’activité professionnelle pour laquelle il les a affectés. Ce qui ne manquera pas de soulever des difficultés sur la nécessité ou non de l’affectation d’un tel bien533. Outre la difficulté

d’identifier ce qui est nécessaire de ce qui est utile, le choix de l’affectation aura certainement des conséquences sur les créanciers car selon le principe des vases communicants, ce qui sera intégré au patrimoine affecté diminuera d’autant ce qui demeure l’assiette des droits des créanciers dont les créances ne sont pas nées de l’activité pour laquelle le statut de l’EIRL a été adopté.

2. L’affectation facultative

237. Au-delà de cette affectation impérative, le patrimoine d’affectation peut également

comprendre « l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur est titulaire, utilisé pour l’exercice de son activité professionnelle et qu’il décide d’y affecter ». L’affectation de cette composante du patrimoine relève de la seule volonté de l’entrepreneur sans que son choix ne puisse être, en principe, remis en cause par un créancier. L’article L.526-6 alinéa 2 précise en effet qu’il s’agit d’éléments que l’entrepreneur décide d’intégrer au patrimoine affecté. Contrairement à l’affectation obligatoire, ici, c’est le critère de l’utilisation qui opère. Les biens ne sont pas affectés par nature mais simplement utilisés pour l’exercice de la profession. Cependant, cette extension de l’affectation est aussi incertaine, l’affectation des biens utiles est aléatoire car la décision n’existe que si elle est formalisée. Le choix n’est pas absolu car le bien doit être utilisé à titre professionnel534.

238. Cependant, l’utilisation d’un bien peut n’être que partielle, l’autre partie servant à l’usage privé de l’EIRL. Ce qui n’est pas de nature à exclure toute contestation. L’affectation de ce bien à l’activité professionnelle de l’EIRL pourrait être contestée par les créanciers non liés à cette activité

532 V. à cet effet, P. Dubuisson, L’EIRL, Litec, 2010, p. 13 et s.

533 En cas de contestation sur la nature de l’affectation d’un élément, il appartiendra dès lors au tribunal (la Cour de cassation n’ayant aucune influence sur ce type de contentieux) de se prononcer sur le caractère nécessaire ou non d’un tel élément dont l’affectation est contestée par les créanciers professionnels ou personnels de l’EIRL.

534 Ces constatations montrent que la composition du patrimoine affecté, gage des créanciers professionnels, reste

et qui voient leur échapper un actif patrimonial dont l’utilisation dans l’activité professionnelle est minime par rapport à ce qu’il représente dans le patrimoine privé.

Ainsi, la consistance du patrimoine affecté est le résultat d’une combinaison entre critères objectifs et subjectifs. Les biens nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle intègrent impérativement le patrimoine affecté, ceux qui ne répondent pas à cette condition peuvent y être inclus à la condition qu’ils soient utilisés par l’entrepreneur individuel qui décide de les intégrer dans cette universalité.

239. La finalité de l’affectation patrimoniale est d’isoler au sein du patrimoine de l’entrepreneur une masse d’actifs pouvant servir de gage aux créanciers professionnels, la déclaration d’affectation comprend impérativement un état descriptif « en nature, qualité, quantité et valeur » des choses que contient le patrimoine affecté.

C’est effectivement sur ce contenu que vont s’exercer les droits des créanciers professionnels, et qui constituent leur droit de gage.

Outline

Documents relatifs