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L’ EFFICACITE DE LA LIMITATION DES DROITS DES CREANCIERS PAR LES MECANISMES DE PROTECTION

U NE EFFICACITE REMISE EN CAUSE

314. L’efficacité des mécanismes de protection de l’entrepreneur individuel passe par le respect des conditions de mise en œuvre de ces mécanismes. Au regard des atteintes qu’ils portent aux droits des créanciers, le législateur encadre strictement leur mise en œuvre en imposant à l’entrepreneur individuel des formalités de constitution dont la violation entraine la remise en cause de leur efficacité (Paragraphe 2). Cependant, la remise en cause de l’efficacité des mécanismes de protection peut découler dans certaines situations de la volonté de l’entrepreneur individuel (Paragraphe 2).

§ 1. L

A REMISE EN CAUSE DE L

EFFICACITE DES MECANISMES DE PROTECTION PAR LA RENONCIATION

315. Les mécanismes de protection sont des outils mis à la disposition de l’entrepreneur

individuel qui veut limiter les risques de son activité professionnelle. Ils n’ont aucun caractère obligatoire. A cet effet, la loi prévoit la faculté pour l’entrepreneur individuel de renoncer à la déclaration d’insaisissabilité (A) ou à l’affectation patrimoniale (B).

A. La remise en cause de l’efficacité de la déclaration d’insaisissabilité

316. Aux termes de l’article L. 526-3 alinéa 4 du code de commerce, l’entrepreneur individuel peut à tout moment renoncer à la déclaration d’insaisissabilité. Ainsi, « la déclaration peut, à tout moment, faire l'objet d'une renonciation soumise aux mêmes conditions de validité et d'opposabilité. La renonciation peut porter sur tout ou partie des biens ; elle peut être faite au bénéfice d'un ou plusieurs créanciers mentionnés à l'article L. 526-1 désignés par l'acte authentique de renonciation. Lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci ». Dès lors, la renonciation peut être faite au profit de tous les créanciers ou seulement au profit de l’un d’entre eux. Cette possibilité offerte à l’entrepreneur individuel de renoncer à tout moment à la déclaration notariée d’insaisissabilité remet en cause l’efficacité du mécanisme car elle peut permettre aux créanciers postérieurs, notamment les établissements bancaire d’exiger de ce dernier de renoncer à leur faveur à la déclaration d’insaisissabilité. Ce qui, selon certain auteur « pourrait aboutir à la ruine du dispositif »616.

Le parallélisme des formes oblige, le législateur soumet la validité et l’opposabilité de la renonciation à la déclaration d’insaisissabilité aux mêmes conditions de publicité de la déclaration initiale. L’article L. 526-3 précise que la renonciation doit être faite par acte authentique. Elle ne peut dès lors jouer que lorsque toutes les mesures de publicité requises lors de la déclaration initiale soient effectuées. Une partie de la doctrine s’est demandée quelle était la portée de la renonciation ? Autrement dit, si la renonciation telle qu’elle avait été prévue par la loi de 2003 permettait-elle d’effectuer des renonciations in favorem . La majorité des auteurs à l’époque avait émis une réponse négative dans ce sens puisqu’une telle appréciation ne répondait pas aux intérêts de l’entrepreneur individuel et était contraire à l’objectif poursuivi par le législateur.

Avec la loi de 2008 sur la modernisation de l’économie, le législateur est venu mettre fin à ce doute en clarifiant la portée de l’article L. 526-3. L’entrepreneur individuel peut renoncer à l’affectation en faveur d’un ou de plusieurs créanciers. La renonciation peut également porter sur tout ou une partie des biens déclarés insaisissables. Lorsqu’elle est totale, les articles 2284 et 2285 du Code civil reprennent leur emprise sur le patrimoine de l’entrepreneur individuel. Les créanciers professionnels retrouvent ainsi leur droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur. Cependant, lorsque la renonciation ne porte que sur une partie des biens déclarés insaisissables, les droits des créanciers s’étendent aux biens sur les immeubles visés par la renonciation. Cette situation crée une inégalité entre les créanciers professionnels de l’entrepreneur individuel. Certains créanciers auront ainsi un droit de gage plus étendu sur le patrimoine de l’entrepreneur individuel que les créanciers à qui la déclaration d’insaisissabilité est opposable. Il en est du cessionnaire lorsqu’il a acquis sa créance à l’égard d’un créancier professionnel dont la renonciation profite. En effet, la renonciation profite également, en cas de cession de créance, au cessionnaire. Ainsi, la renonciation devient l’accessoire de la créance par le truchement de l’article 1692 du Code civil qui dispose que « la vente ou cession d’une créance comprend les accessoires de la créance, tels que la caution, privilèges et hypothèque ».

317. Cette faculté de renonciation modifie considérablement la portée initiale de la déclaration d’insaisissabilité. L’objectif visé par la loi de 2003 était de protéger le patrimoine personnel immobilier de l’entrepreneur individuel, la modification intervenue en 2008 permet à ce dernier « de créer une hiérarchie entre les créanciers professionnels »617. En plus, la renonciation risque de

constituer un moyen pour certains créanciers professionnels, notamment les banques d’obtenir des privilèges indirects sur les immeubles de leur débiteur. En effet, rien n’interdit aux établissements de crédit d’imposer aux entrepreneurs individuels qui sollicitent des crédits de déclarer insaisissable leur patrimoine immobilier et par la suite la suite d’effectuer une renonciation in favorem à leur profit. A

l’inverse, l’entrepreneur individuel peut également en faire un outil de garantie à l’égard de ses créanciers. Contrairement à la volonté du législateur, de telles solutions ne sont pas satisfaisantes. L’objectif du mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité est la protection du patrimoine privé de l’entrepreneur individuel, pour ne pas dire son patrimoine immobilier personnel. Elle ne doit pas servir de mécanisme de mobilisation de crédit. Les mêmes causes qui ont conduit à la fragilité de l’EURL, notamment le recours à la caution du dirigeant de la société pour contourner l’écran sociétal, ne doivent pas remettre en cause l’efficacité de la déclaration notariée d’insaisissabilité.

B. La remise en cause de l’efficacité de l’affectation patrimoniale

318. L’EIRL dispose de la faculté de renoncer à l’affectation patrimoniale (1). Toutefois se pose la

question de savoir si cette faculté de renonciation peut être faite la constitution de sûretés sur le patrimoine non affecté (2).

1. La renonciation à l’affectation patrimoniale

319. La renonciation à l’affectation patrimoine produit des effets à l’égard de tous les créanciers de l’EIRL (a). Se pose néanmoins la question de la renonciation de l’affectation patrimoniale à l’égard de certains créanciers seulement (b).

a. La renonciation à l’égard de tous les créanciers

320. Comme en matière de déclaration d’insaisissabilité, le législateur a également prévu la possibilité pour l’EIRL de renoncer à l’affection patrimoniale. Cette possibilité est prévue par l’article L. 526-15 du code de commerce qui dispose qu’en cas de renonciation par l’entrepreneur individuel, la déclaration cesse de produire tous ses effets. La faculté de renoncer à l’affectation patrimoniale est un corollaire de la liberté d’entreprendre. En effet, tout entrepreneur individuel est libre d’exercer toute activité professionnelle, sous réserve de certaines conditions inhérentes à celles- ci. Il semble logique que celui-ci puisse avoir la possibilité de sortir du statut dans lequel, il s’était volontairement placé pour l’exercice de son activité.

L’EIRL peut ainsi renoncer à l’affectation tout en poursuivant son activité professionnelle. Dans cette hypothèse, les articles 2284 et 2285 du Code civil reprennent leur emprise sur le patrimoine de l’entrepreneur individuel. Tout le patrimoine de l’EIRL devient le gage général des créanciers dont les droits sont nés antérieurement à la renonciation618. En d’autres termes, les créanciers personnels

et professionnels retrouvent leurs droits sur tous les biens de l’entrepreneur individuel de l’EIRL. Tous les créanciers antérieurs, qu’ils soient des créanciers professionnels ou des créanciers

618 V. à ce propos, C. Hunk, Des patrimoines et des hommes, Dr. et patr., fév. 2012, n° 211 ; D. Legeais, le gage des

domestiques, sont soumis aux effets de la renonciation619. Cette faculté de renonciation peut

s’exercer à tout moment. Toutefois, lorsque la renonciation est concomitante avec la cessation d’activité de l’EIRL, les créanciers conservent leurs gages respectifs. En effet, les créanciers professionnels et domestiques « conservent pour seul gage général celui qui était le leur au moment de la renonciation »620. Ainsi, l’affectation patrimoniale est maintenue entre les créanciers de l’EIRL

qui sont antérieurs à la mention de la renonciation.

321. Cependant, l’EIRL ne peut renoncer à l’affectation lorsqu’il est en cessation des paiements.

L’article L. 680-6 alinéa 1 du code de commerce dispose que « le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, jusqu'à la clôture de la procédure ou, le cas échéant, jusqu'à la fin des opérations du plan, interdiction pour tout débiteur d'affecter à une activité professionnelle un bien compris dans le patrimoine visé par la procédure ou, sous réserve du versement des revenus mentionnés à l'article L. 526-18, de modifier l'affectation d'un tel bien, lorsqu'il en résulterait une diminution de l'actif de ce patrimoine ». Les créanciers de l’EIRL, le ministère public ou toute personne intéressée, peuvent dès lors, en cas de renonciation à la partition des patrimoines de l’EIRL pendant la période de cessation des paiements, demander son annulation dans un délai de trois ans à partir de sa date621.

322. En dehors de cette hypothèse, la renonciation est libre, mais elle reste encadrée puisque le législateur exige certaines formalités pour qu’elle soit effective. A cet effet, l’EIRL doit mentionner la renonciation au registre où a été faite la déclaration initiale.

b. La renonciation à l’égard de certains créanciers

323. Certains auteurs se sont interrogés sur la possibilité pour l’entrepreneur individuel de renoncer à l’affectation au profit d’un ou de plusieurs créanciers. Contrairement, à la déclaration d’insaisissabilité, le législateur n’a pas clairement énoncé cette possibilité dans la rédaction de l’article L. 526-15 du code de commerce. Toutefois, une interprétation large de ladite disposition peut permettre d’en déduire que l’entrepreneur individuel peut remettre en cause l’affectation patrimoniale au profit de certains de ses créanciers. Cependant, d’autres auteurs ne partagent pas ce point de vue puisque, selon eux, la renonciation in favorem est contraire à l’esprit de la loi du 15 juin 2010 et donc « incompatible avec l’affectation patrimoniale »622. L’institution du patrimoine

619 B. Saintourens, L’EIRL, Rev. soc., sept. 2010, n° 56.

620 Art. L. 526-15, al. 1, C. com. 621 Art. L. 680-6, al. 2, C. com.

622 Th. Revet, Rapport introductif au dossier « l’EIRL : la nouvelle donne pour l’entrepreneur », Dr. et patr., avr. 2011, n° 202, p. 44.

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