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L A PROTECTION DE L ’ ENTREPRENEUR INDIVIDUEL PAR L ’ AFFECTATION DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

L’ AFFECTATION FIDUCIAIRE DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

B. L’affectation fiduciaire en droit de l’OHADA

207. Comme le droit français, le droit OHADA consacre également le mécanisme de la fiducie. L’article 87 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés dispose que « le transfert fiduciaire d’une somme d’argent est la convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de l’exécution d’une obligation »457. Toutefois, le transfert fiduciaire de somme d’argent doit être

distingué du gage-espèce qui est une « opération par laquelle une personne transfère la propriété d’espèces monétaires auprès d’un bénéficiaire en garantie d’une dette et dans laquelle le bénéficiaire contracte concomitamment au profit du constituant une créance en restitution »458. Dans le gage-

espèce, les sommes transférées entrent dans le patrimoine du créancier qui peut en disposer459

Comme pour le gage-espèce, l’entrepreneur individuel peut transférer des sommes d’argent en garantie de l’exécution de ses obligations à l’égard de ses créanciers. Cependant, ce transfert se fait dans « un compte bloqué ouvert au nom du créancier de cette obligation, dans les livres d’un établissement de crédit habilité à les recevoir »460. Dès lors, le droit OHADA limite la liste des

personnes habilitées à recevoir le patrimoine fiduciaire aux seuls établissements de crédit contrairement au droit français qui a étendu cette liste avec la loi de modernisation de l’économie461. En droit français, peuvent « avoir la qualité de fiduciaires les établissements de crédit

mentionnés au I de l'article L. 511-1462 du code monétaire et financier, les institutions et services

énumérés à l'article L. 518-1463 du même code, les entreprises d'investissement mentionnées à

457 Art. 87, al. 2, AUS.

458 V. Rouit, Fiducie-sûreté, Lamy Droit des sûretés, mars 2012, p. 293-175

459 Sur cette question, v. Y. Picod, Droit des sûretés, PUF, 2ème éd., 2011, n° 258 et 416 ; M. Cabrillac, C. Cabrillac, Ch.

Mouly et Ph. Pétel, Droit des sûretés, Lexis Nexis, Litec, 9ème éd., n° 580 et 842.

460 Art. 87, al. 2, AUS.

461 loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

462 Aux termes de l’art. L. 511-1, C. mon. et fin., « I.-Les établissements de crédit sont les personnes morales dont l'activité consiste, pour leur propre compte et à titre de profession habituelle, à recevoir des fonds remboursables du public mentionnés à l'article L. 312-2 et à octroyer des crédits mentionnés à l'article L. 313-1.

II.-Les sociétés de financement sont des personnes morales, autres que des établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément. Elles sont des établissements financiers au sens du 4 de l'article L. 511-21 ».

463 Selon ce texte, « ne sont pas soumis aux dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre : le Trésor public, la

Banque de France, La Poste, dans les conditions définies à l'article L. 518-25, l'institut d'émission des départements d'outre-mer, l'institut d'émission d'outre-mer et la Caisse des dépôts et consignations », art. L. 518-1, al. 1, C. mon. et fin.,

l'article L. 531-4464 du même code ainsi que les entreprises d'assurance régies par l'article L. 310-1465

du code des assurances. Les membres de la profession d'avocat peuvent également avoir la qualité de fiduciaire »466.

208. Ainsi, le transfert fiduciaire de sommes d’argent se distingue de l’affectation fiduciaire en droit français aussi bien au niveau de son mode de fonctionnement que de son objet. L’objet de l’affectation fiduciaire en droit français est plus large que celui prévu en droit OHADA. Contrairement à l’article 87 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés qui limite l’objet de la fiducie en droit OHADA au transfert de sommes d’argent, l’article 2011 du Code civil précise que l’objet de la fiducie est le transfert « des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires ». Le droit français consacre en fait un véritable transfert de propriété467. La propriété des biens ou droits de l’entrepreneur individuel est

transmise au fiduciaire qui en devient propriétaire. Le fiduciaire dispose de toutes les prérogatives sur ces biens, il peut en user, profiter des fruits de ces biens ou même en disposer. Or, en droit OHADA, le fiduciaire ne dispose pas d’un droit de propriété sur les biens transférés dans un compte bloqué. L’article 90 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés dispose à cet effet que « si

464 Aux termes de l’art. L. 531-4, C. mon. et fin., « les entreprises d'investissement sont des personnes morales, autres que les établissements de crédit, qui fournissent des services d'investissement à titre de profession habituelle ».

465 Aux termes de l’art. L. 310-1, C. ass., « Le contrôle de l'État s'exerce dans l'intérêt des assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrats d'assurance et de capitalisation. Sont soumises à ce contrôle :

1° les entreprises qui sous forme d'assurance directe contractent des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, s'engagent à verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants, ou font appel à l'épargne en vue de la capitalisation et contractent à cet effet des engagements déterminés ;

2° les entreprises qui sous forme d'assurance directe couvrent les risques de dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ;

3° les entreprises qui sous forme d'assurance directe couvrent d'autres risques y compris ceux liés à une activité d'assistance.

Les mutuelles régies par le code de la mutualité, les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et à l'article L. 727-2 du code rural et de la pêche maritime ne sont pas soumises aux dispositions du présent code.

Sont également soumises au contrôle de l'Etat les entreprises agréées à la date du 1er janvier 1993 qui font appel à l'épargne en vue de la capitalisation sans souscrire d'engagements déterminés ».

466 Art. 2015, C. civ.

467 V. à ce propos, v. L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés, La publicité foncière, Defrénois, 5e éd., 2011, no 787, p. 373 ;

M. Bourassin, V. Brémond. et M.-N. Jobard-Bachellier, Droit des sûretés, Sirey, 3e éd., 2012, no 1279, p. 337 ; M.

Mignot, Droit des sûretés, Montchrestien, 1re éd., 2010, no 3067, p. 674 ; Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, La

publicité foncière, D. 2009, 5e éd., no 681, p. 599 ; R. Libchaber, Les aspects civils de la fiducie dans la loi du 19 février

les fonds cédés produisent intérêts, ces derniers sont portés au crédit du compte, sauf convention contraire ». Et, l’article 87 précise clairement que ce compte sur lequel sont transférés ces fonds est ouvert au nom du créancier de l’obligation, qui est identifié dans la convention à peine de nullité de la convention468. Même si la fiducie confère au créancier un droit exclusif sur les biens transférés, ce

qui est également le cas en droit français469, le droit OHADA ne confère aucune prérogative au

fiduciaire sur les fonds déposés. Il semble que son rôle se limite à la tenue du compte bloqué au profit du créancier bénéficiaire.

209. Les créanciers du constituant ne peuvent pas saisir les fonds transférés dans le compte bloqué à partir de la notification du transfert fiduciaire à l’établissement de crédit470. En fait, l’Acte

uniforme portant organisation des sûretés ne prévoit pas de formalité de publicité du transfert fiduciaire au Registre du commerce et du crédit mobilier pour sa validité ou son opposabilité à l’égard des tiers. L’article 89 de l’Acte uniforme précise simplement que son opposabilité aux tiers est conditionnée à la notification à l’établissement détenteur du compte du transfert fiduciaire. A partir de ce moment, les fonds seront insaisissables par les créanciers du constituant, éventuellement y compris l’établissement de crédit détenteur du compte. L’Acte uniforme n’apporte aucune précision sur les droits des créanciers du bénéficiaire du compte sur celui-ci, mais, il est évident qu’ils ne pourront pas saisir les fonds transférés sur le compte car ils ne peuvent pas avoir plus de droit sur ledit compte que le bénéficiaire lui-même. Ce dernier ne peut réclamer les fonds qu’en cas de défaillance, ce dans un délai de huit jours après l’échéance après avoir averti l’entrepreneur individuel défaillant. En effet, l’article 91 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés dispose qu’ « en cas de défaillance du débiteur et huit jours après que le constituant en ait été dûment averti, le créancier peut se faire remettre les fonds cédés dans la limite du montant des créances garanties demeurant impayées »471. Les parties au contrat de fiducie ne peuvent pas déroger à cette règle, la loi

répute toute clause contraire non écrite472. Toutefois, si à l’échéance et en cas de paiement complet

les fonds inscrits sur le compte sont restitués à l’entrepreneur individuel. A ce moment, les créanciers de ce dernier pourront reprendre leur emprise sur ces biens qui réintègrent le patrimoine de leur débiteur. Mais, que se passe-t-il en cas d’insuffisance des sommes versées sur le compte bloqué pour désintéresser le créancier bénéficiaire ? Doit-on permettre à ce dernier de poursuivre ses

468 En effet, l’art. 88, AUS dispose que « à peine de nullité, la convention détermine la ou les créances garanties, ainsi que le montant des fonds cédés à titre de garantie, et identifie le compte bloqué ».

469 V. à cet effet, L. Aynès, P. Crocq, Les sûretés, La publicité foncière, Defrénois, op. cit., no 400.

470 L’art. 89, AUS dispose à cet effet, que « le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à la date de sa notification à l'établissement teneur du compte, pourvu que les fonds soient inscrits sur le compte bloqué ».

471 Art. 91, al. 2, AUS.

droits sur le patrimoine de l’entrepreneur individuel ou doit-il simplement considérer l’insuffisance comme une inexécution de l’obligation et faire application de l’article 91, alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ?

210. Le droit OHADA n’apporte aucune réponse aux problèmes soulevés par l’insuffisance des

sommes transférés pour la garantie de l’obligation de l’entrepreneur individuel. Toutefois, contrairement au droit OHADA, le droit français semble apporter des éclaircissements sur ce point en dégageant la portée de l’affectation fiduciaire à l’égard des créanciers des différents acteurs intervenants dans l’opération fiduciaire.

§ 2. L

A PORTEE DE L

AFFECTATION FIDUCIAIRE

211. L’affectation fiduciaire n’a pas la même portée entre les créanciers des parties au contrat de la

fiducie. En effet, les créanciers des parties ne peuvent prétendre exercer leurs droits sur le patrimoine fiduciaire (A) contrairement bénéficiaires de la fiducie (B).

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