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C HAPITRE I L A DETERMINATION DU DROIT DE GAGE GENERAL DES CREANCIERS

L’ ETENDUE DU DROIT DE GAGE GENERAL DES CREANCIERS

B. L ’indivisibilité, un corollaire de l’unité du patrimoine

33. Du principe de l’unité du patrimoine théorisé par Aubry et Rau découle incontestablement le

principe de l’indivisibilité du droit de gage général des créanciers. Les deux théoriciens soutiennent que « le droit de gage est indivisible, comme le patrimoine auquel il s’applique, de sorte que les créanciers d’une personne qui a disposé d’une partie de ses biens, n’en conservent pas moins le droit de frapper de saisie, pour tout ce qui leur est dû, la totalité des biens qui se trouvent encore dans le patrimoine du débiteur »81. En considérant le patrimoine comme étant un « tout juridique », un

élément abstrait sur lequel s’exerce le droit de gage des créanciers, celui-ci doit également revêtir la même caractéristique d’indivisibilité à l’instar du patrimoine sur lequel il s’exerce. En effet, la loi, à travers les articles 2284 et 2285 du Code civil, affecte le patrimoine en son entier à l’exécution des obligations du débiteur. Ainsi, toutes les obligations de l’entrepreneur individuel sont garanties par un ensemble de biens présents et à venir.

Dès lors, l’unité du patrimoine se caractérise par la fongibilité des biens contenus dans le patrimoine de l’entrepreneur individuel justifiant l’indivisibilité du droit de gage des créanciers. Aux termes de l’article 2284 du Code civil tous les biens sont indistinctement affectés à l’exécution des obligations de l’entrepreneur individuel quelle que soit leur source en raison de la nature abstraite du patrimoine dans lequel ils sont contenus. En principe, n’importe quelle dette de l’entrepreneur individuel pourra être payée par n’importe quel bien contenu dans son patrimoine. La corrélation actif-passif ne tenant pas compte de la nature des biens, ni d’ailleurs celle des dettes. Dès lors, les

78 G. Cornu, Droit civil, introduction, les personnes les biens, 12e éd. Domat Montchrestien, 2005, n° 864, p. 382.

79 F. Cohet-Cordey, La valeur explicative de la théorie du patrimoine, op. cit., p. 826.

80 J. Rochfeld, op. cit., p. 352. V. aussi J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations, t. I, 14e éd. A. Colin, 2010, n°

33 et s.

biens entrants dans le patrimoine vont répondre des dettes contractées par l’entrepreneur individuel qu’elles soient antérieures ou non encore acquittées.

34. L’indivisibilité du droit de gage général des créanciers s’inscrit également dans le temps. L’article 2284 du Code civil dispose que le débiteur engage tout son patrimoine par ses biens présents et à venir. Quel que soit le moment de l’engagement du débiteur, le droit de gage des créanciers tend à s’exercer sur tous les biens du débiteur. Pas plus qu’elle n’accorde de place au fractionnement des biens, l’unité du patrimoine s’oppose au fractionnement temporel du droit de gage général des créanciers82. Elle s’inscrit dans le temps et repose sur « une appréciation linéaire de

la vie du débiteur »83 qui se reflète dans sa personnalité patrimoniale. Le patrimoine devient une «

universalité juridique mouvante au sein de laquelle les biens, présents et à venir, répondent du passif actuel et futur »84. Le droit de gage général des créanciers porte sur les biens qui sont contenus dans

le patrimoine de l’entrepreneur individuel au moment de la naissance de l’obligation mais aussi sur tous les biens qui y entreront un jour. Ce qui fait dire à un auteur que « le droit de gage général se conjugue au présent et au futur »85.

35. L’indivisibilité du droit de gage général des créanciers pose également la question de l’unité du

patrimoine dans l’espace86. Tous les biens de l’entrepreneur individuel répondent des dettes mêmes

si les créanciers titulaires de ces créances résident dans un autre pays que celui du débiteur. Inversement, les biens de l’entrepreneur individuel situés à l’étranger sont compris dans le gage général des créanciers même s’ils sont plus difficiles à appréhender87. Ainsi, l’indivisibilité du droit de

gage général des créanciers est indépendante du moment de l’engagement de l’entrepreneur individuel, de la nature des biens et de leur localisation. La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, affirmé l’unité du patrimoine dans l’espace. D’abord, la Cour, dans l’affaire des rapatriés d’Algérie, avait censuré les juges du fond qui, considérant que leurs biens situés en Algérie constituaient un patrimoine autonome avec un passif propre, distinct du patrimoine général, avaient libéré les rapatriés d’Algérie de leurs obligations à l’égard de leurs créanciers d’outre-mer88. Ensuite à propos

82 V. à cet effet, H. Lecuyer, La théorie du droit des obligations dans le droit patrimonial de la famille, paris II, 1993, n°

207 et s.

83 H. Lecuyer et P. Reigne, L’unité du patrimoine dans sa dimension diachronique. Etude comparée du droit des régimes matrimoniaux et du droit des procédures collectives. In Socoiologie du patrimoine, la réalité de la règle de l’unicité du patrimoine, Paris II, juillet 1995.

84 P. Catala, La transformation du patrimoine dans le droit civil moderne, RTD civ. 1966, p. 185. 85 Ph. Théry, L’accès au crédit de l’EIRL : garantir et exécuter, Defrénois, 2011, p. 67.

86 V. M. Raimon, L’unité du patrimoine en droit international privé, thèse, bibl. dr. priv., tome 359, LGDJ, 2002

87 V. à ce propos, P. de Vareilles-Sommieres, Le créancier et l’Europe : pour une simplification du recouvrement international de l’impayé, Mélanges Mouly, Litec, 1998, t. 2, p. 437 et s.

d’un contentieux lié à la saisie entre les mains d’un tiers, la Cour de cassation a rappelé l’application de l’unité du patrimoine dans l’espace à travers le fondement de l’obligation de communiquer les sommes dues au débiteur par le tiers saisi, qui ne saurait être remis en cause par le principe de territorialité des procédures civiles d’exécution89

L’évolution jurisprudentielle, relativement à l’étendue de l’assiette du droit de gage général des

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