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L’inopposabilité de l’affectation fiduciaire aux créanciers titulaires d’un droit de suite

L’ EFFICACITE DE LA LIMITATION DES DROITS DES CREANCIERS PAR LES MECANISMES DE PROTECTION

U NE EFFICACITE LIMITEE

A. L’inopposabilité de l’affectation fiduciaire aux créanciers titulaires d’un droit de suite

304. L’alinéa 1 de l’article 2025 du Code civil consacre l’inopposabilité de l’affectation fiduciaire

aux créanciers dont l’affectation a été faite en fraude de leurs droits et aux créanciers qui sont titulaires de sûretés réelles sur les biens affectés dans le patrimoine fiduciaire. Aux termes de l’article 2025 du Code civil, « sans préjudice des droits des créanciers du constituant titulaires d'un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie et hors les cas de fraude aux droits des créanciers du constituant, le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine »606. Les créanciers disposant d’un

droit de suite attaché à un bien transféré dans le patrimoine peuvent exercer leurs droits sur ce bien malgré l’affectation intervenue.

A l’égard des créanciers antérieurs qui bénéficient d’un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement à l’affectation, le cloisonnement intervenu à la suite de l’affectation fiduciaire est également inopposable. L’affectation fiduciaire ne fait pas écran entre le patrimoine du constituant et

le patrimoine fiduciaire relativement au droit de poursuite des créanciers ayant des privilèges ou une hypothèque sur un immeuble transféré dans le patrimoine fiduciaire. Sur le fondement de l’article 2461 du Code civil, ces créanciers peuvent suivre, les biens sur lesquels ils ont un privilège ou une hypothèque, en quelques mains qu’ils passent pour être payé suivant l’ordre de leurs créances ou inscriptions.

Le droit de suite étant un droit réel opposable à tous, notamment aux acquéreurs de bonne foi607,

l’affectation fiduciaire ne saurait remettre en cause son efficacité. Toutefois, la sûreté doit être publiée avant la conclusion du contrat de fiducie pour que le droit de suite du créancier puisse jouer pleinement. La date d’opposabilité du contrat de contrat de fiducie à l’égard des tiers est celle de sa conclusion et non celle de son enregistrement. Le contrat de fiducie est opposable de plein droit aux créanciers de l’entrepreneur individuel dès sa conclusion. A cet effet, la loi ne conditionne pas l’opposabilité de l’affectation fiduciaire à son enregistrement qui n’est requis qu’ad validatem608.

Ainsi, les créanciers titulaires de sûretés publiées entre le moment de la conclusion et celui de l’enregistrement ne peuvent pas prétendre à l’exercice de leur droit de suite sur le bien transféré dans le patrimoine fiduciaire. D’ailleurs, l’article 2025, alinéa 1 du Code civil précise clairement que pour exercer son droit de suite sur le bien transféré dans le patrimoine fiduciaire, le créancier doit être titulaire « d’une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie » et non à son enregistrement.

305. Dès lors, nous constatons que l’efficacité de l’affectation fiduciaire comme mécanisme de protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel n’est pas absolu. Les biens transférés dans le patrimoine fiduciaire ne sont pas à l’abri des créanciers de l’entrepreneur individuel dans la mesure où ils peuvent être saisis non seulement par les créanciers fiduciaires mais également par certains créanciers personnels du constituant. Cette possibilité de poursuivre le bien attaché d’une sûreté réelle est un gage de protection des droits des créanciers privilégiés mais elle remet en cause l’efficacité du dispositif. N’était-il pas préférable de permettre aux créanciers du constituant de s’opposer à l’affectation fiduciaire lorsque leurs intérêts sont menacés comme c’est le cas pour les créanciers de l’entrepreneur individuel qui décide de procéder à une déclaration d’affectation ? Ainsi, les créanciers suivront le même régime auquel sont soumis les créanciers de l’EIRL. L’efficacité de

607 Civ., 3ème , 6 nov., 2002, Bull. civ. III, n° 109.

608 L’art. 2019, C. civ. précise les conditions d’enregistrement du contrat de fiducie. Aux termes de cette disposition « à peine de nullité, le contrat de fiducie et ses avenants sont enregistrés dans le délai d'un mois à compter de leur date au service des impôts du siège du fiduciaire ou au service des impôts des non-résidents si le fiduciaire n'est pas domicilié en France.

Lorsqu'ils portent sur des immeubles ou des droits réels immobiliers, ils sont, sous la même sanction, publiés dans les conditions prévues aux articles 647 et 657 du code général des impôts.

La transmission des droits résultant du contrat de fiducie et, si le bénéficiaire n'est pas désigné dans le contrat de fiducie, sa désignation ultérieure doivent, à peine de nullité, donner lieu à un acte écrit enregistré dans les mêmes conditions.

l’affectation fiduciaire en serait moins atteinte. Car, permettre au constituant d’isoler une partie importante de son patrimoine, quel qu’en soit l’objectif poursuivi, n’est efficace que si ce cloisonnement ne peut être remis en cause immédiatement par les créanciers à l’égard de qui il est censé être opposé. Certes, toutes les créanciers antérieurs du constituant ne seront pas titulaires d’un droit de suite. Cependant, ce droit est attaché à une sûreté qui porte sur les biens immobiliers contenus dans le patrimoine fiduciaire, c’est-à-dire, en principe sur les éléments les plus importants de ce patrimoine. Ce qui in fine remet en cause la consistance du patrimoine fiduciaire, notamment si celui-ci est composé en grande partie de biens immobiliers. L’affectation fiduciaire devient ainsi inefficace car les biens transférés dans le patrimoine fiduciaire ne seront pas véritablement soustrait au gage des créanciers antérieurs.

306. Il aurait ainsi été préférable d’organiser un régime d’opposition des créanciers antérieurs à l’affectation fiduciaire pour préserver l’efficacité de ce mécanisme à l’égard de tous les créanciers. Ainsi, les créanciers pourront faire opposition de cette affectation, comme pour l’affectation patrimoniale, et il appartiendra au juge compétent de vérifier la portée de celle-ci à l’égard des droits des créanciers.

B. L’inopposabilité de l’affectation patrimoniale aux créanciers dont

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