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DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS

L A SOUSTRACTION DE CERTAINS BIENS AU GAGE DES CREANCIERS PAR LE JEU DES REGIMES MATRIMONIAU

B. La protection particulière du logement familial

170. Le recours aux régimes séparatistes permet d’éviter les inconvénients issus des régimes communautaires lorsque l’entrepreneur individuel entend protéger son patrimoine privé et celui de son conjoint de la poursuite de ses créanciers. Dans les régimes séparatistes, chacun des époux dispose de la liberté totale dans la gestion de ses biens propres à l’exception du domicile familial qui fait l’objet d’une protection légale dans l’intérêt de la famille409. Ainsi, l’entrepreneur individuel ne

peut, sans le consentement de son conjoint, faire des actes de disposition sur le logement familial. Aux termes de l’article 215 du Code civil « Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation »410.

A cet effet, l’entrepreneur individuel marié ne peut, ni vendre le logement familial, ni consentir une sûreté sur ledit logement sans le consentement de son conjoint. Le champ d’application de l’article 215, alinéa 3 du Code civil est très étendu411. Les droits visés sont « tous ceux par lesquels est

assuré le logement de la famille. Peu importe leur nature : droit de propriété ou tout autre droit réel (...), droit au bail ou tout autre droit personnel »412. Ces mesures protectrices s’appliquent

également à tous les meubles prévus par l’article 534 du Code civil413.

409 Aux termes de l’article 215, al. 2, C. civ. : « la résidence de la famille est le lieu qu’ils choisissent d’un commun accord ». Pour une application de cette disposition, v. Cass. 1re civ., 8 janv. 1985 : Bull. civ. I, n° 7 ; JCP G 1985, IV, 109.

410 Art. 215, al. 3, C. civ.

411 Cass. 1re civ., 20 janv. 2004, no 02-12.130, Bull. civ. I, no 21.

412 M. Grimaldi, Le logement et la famille, Defrénois 1983, p. 1025 et p. 1105.

413 Selon l’art. 534, C. civ., « les mots "meubles meublants" ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature. Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais non les

171. Ainsi, à défaut de consentement exprès du conjoint, tout acte passé par l’entrepreneur

individuel sur le logement familial est réputé nul. Aux termes de l’article 215 alinéa 3 du Code civil, le conjoint de l’entrepreneur individuel qui n’a pas donné son consentement peut demander l’annulation de l’acte passé par son conjoint414. Toutefois, cette nullité n’est pas une nullité absolue.

Il s’agit d’une nullité relative et elle doit être demandée par la personne qu’elle vise à protéger, c’est- à-dire le conjoint de l’entrepreneur individuel. Elle est également limitée dans le temps. La loi précise que « l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous ». Ainsi, le délai de prescription est d’une année et il court à compter de la découverte par le conjoint de l’entrepreneur individuel de l’acte prohibé par l’article 215 du Code civil ou à partir de la dissolution du régime matrimonial.

172. Toutefois, la protection du logement familial issue des dispositions de l’article 215 du Code civil n’est que relative. L’indisponibilité des droits sur le logement de famille n’entraine pas une insaisissabilité du logement. La jurisprudence a clairement affirmé que les dispositions de l’article 215 du Code civil n'étaient pas applicables « lorsqu'il s'agit d'une vente forcée poursuivie en vertu de loi du 13 juillet 1967 sur la liquidation judiciaire »415. Dès lors, la protection des droits sur le

logement familial sans le consentement du conjoint de l’entrepreneur individuel ne porte pas atteinte à la mise en œuvre de la vente forcée du bien. Les dispositions de l’article 215 du Code civil ne crée pas un nouveau cas d’insaisissabilité et la jurisprudence estime qu’elles « doivent, hors le cas de fraude, être considérés comme inopposables aux créanciers sous peine de frapper les biens d'une insaisissabilité contraire à la loi »416. Ainsi, sauf en cas de fraude417, la protection du logement familial

issue des dispositions de l’article 215 du Code civil reste très limitée, pour ne pas dire inefficace. Ce qui fait dire à certains auteurs que « les règles de l'article 764 du Code civil bénéficiant au conjoint

collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières. Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d'un appartement sont comprises sous la dénomination de "meubles meublants ».

414 M. Grimaldi, Le logement de famille, op. cit., p. 1025 et s.

415 Cass. 3e civ., 12 oct. 1977, no 76-12.482, Bull. civ. III, no 345, D. 1978, jur., p. 333, note Y. Chartier, RTD civ. 1979,

p. 584, obs. R. Nerson. En ce sens, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 : Cass. 1re civ., 21 mai 1997, no 95-14.102,

Bull. civ. I, no 163

416 Cass. 1re civ., 4 juill. 1978, no 76-15.253, Bull. civ. I, no 265, D. 1979, jur., p. 479, note Y. Chartier, JCP G 1980, II,

no 19368, note J.-C. Labbouz, RTD civ. 1979, p. 585, obs. R. Nerson R. ; Cass. 1re civ., 17 déc. 1991, no 90-11.908, Bull.

civ. I, no 357.

417 Pour des cas de fraude, v. Cass. 1re civ., 21 juin 1978, no 77-10.330, Bull. civ. I, no 237, D. 1979, jur., p. 479, note Y.

Chartier, RTD civ. 1979, p. 585, obs. R. Nerson ; fraude entre le débiteur et son créancier : Cass. 1re civ., 1er juill. 1986,

survivant apparaissent plus protectrices du logement familial que celles édictées par l'article 215, alinéa 3, du Code civil »418.

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