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L’absence de distinction entre les créanciers dans la mise en œuvre du droit de gage

C HAPITRE I L A DETERMINATION DU DROIT DE GAGE GENERAL DES CREANCIERS

L ’ EGALITE DES CREANCIERS SUR LE PATRIMOINE DE L ’ ENTREPRENEUR INDIVIDUEL

B. L’absence de distinction entre les créanciers dans la mise en œuvre du droit de gage

50. Le droit de l’OHADA, pas plus que le droit français, ne fait de distinction entre créancier

personnel et créancier professionnel dans la mise en œuvre du droit de gage général. Tous les créanciers de l’entrepreneur individuel, quelle que soit l’origine de leurs créances disposent d’un droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur. Tout comme les articles 2284 et 2285 du Code

121 V. M. Cabrillac, Les ambiguïtés de l’égalité entre les créanciers, in Mél. B. Derrida, D. 1991, p. 31.

122 L’ouverture de la procédure collective en droit français n’est plus assimiliée à l’existence d’une situation de cessation des paiements car le débiteur peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde alors qu’il n’est pas en cessation des paiements. V. à cet effet, Ph. Roussel Galle et alii, La procédure de sauvegarde et le redressement judiciaire, LPA, 21 sept. 2006, n° 189, p. 24 et s. ;

123 En effet, « en vertu de ce principe d'égalité, à partir de l'ouverture des procédures collectives, tous les créanciers, sans

distinction, subiront des atteintes à leurs droits individuels au profit d'une organisation collective », v. A. Kanté, Réflexions sur le principe de l’égalité entre les créanciers dans le droit des procédures collectives d’apurement du passif (O.H.A.D.A.), www.OHADA.com, Ohadata D-06-47.

civil ne font pas de différence sur la nature des créances, ils n’accordent pas d’avantage d’importance sur la qualité des créanciers au moment de la mise en œuvre du droit de gage général. Que leurs créances soient civiles ou professionnelles, les créanciers de l’entrepreneur individuel peuvent indistinctement mettre en œuvre l’exécution forcée en cas de défaillance de celui-ci.

51. L’absence de distinction entre les créanciers personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel se justifie, en effet, par le principe de l’indivisibilité du patrimoine de leur débiteur. Selon les articles 2284 et 2285 du Code les créanciers personnel peuvent saisir les biens utilisés par l’entrepreneur individuel dans le cadre de son activité professionnelle. D’un autre côté, et inversement, les créanciers professionnels peuvent poursuivre leurs droits sur tous les biens personnels de l’entrepreneur individuel, sous réserve des insaisissabilités qui frappent certains d’entre eux.

52. Le créancier personnel peut être défini comme toute personne dont la créance est née hors de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel et, inversement, le créancier professionnel, peut être défini comme celui dont la créance est née dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel124. En effet, aux termes de l’article L. 341-2 du Code de la consommation,

le créancier professionnel est « celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ». Mais, la distinction entre créancier personnel et créancier professionnel n’est pas aussi facile à établir. Certains créanciers de l’entrepreneur individuel peuvent porter, à la fois, la double casquette de créancier personnel et professionnel.

53. Cependant, la loi apporte une exception à l’indivisibilité du droit de gage général des créanciers en introduisant une distinction entre créanciers professionnels et créanciers personnels au moment de la mise en œuvre du droit de gage général. En effet, l’article L. 161-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « lorsque le titulaire d'une créance contractuelle ayant sa cause dans l'activité professionnelle d'un entrepreneur individuel entend poursuivre l'exécution forcée d'un titre exécutoire sur les biens de cet entrepreneur, celui-ci peut, nonobstant les dispositions du 5° de l'article L. 112-2 et s'il établit que les biens nécessaires à l'exploitation de l'entreprise sont d'une valeur suffisante pour garantir le paiement de la créance, demander au créancier que l'exécution soit en priorité poursuivie sur ces derniers »125. Toutefois, précise l’alinéa 2

de cette disposition, « si le créancier établit que cette proposition met en péril le recouvrement de sa

124 La jurisprudence a eu à définir la notion de « créancier professionnel » par un arrêt du 25 juin 2009 de la 1re chambre

civile de la Cour de cassation dans lequel la Cour a adopté une définition extensive de la notion de « créancier professionnel », v. Cass. 1er civ. 25 juin 2009, n° 07-21.506.

125 Le 5° de l’art. L. 112-2, CPCE dispose que sont insaisissables « les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve des dispositions du 6° ».

créance, il peut s'opposer à la demande »126. Ainsi, le créancier peut s’opposer à cette division de ses

poursuites sur les biens de l’entrepreneur individuel dès lors qu’elle met en péril ses chances de recouvrer sa créance. Le créancier n’est pas tenu de suivre l’entrepreneur individuel dans sa proposition et il peut saisir directement les biens personnels de ce dernier sans avoir à rechercher si les biens professionnels sont suffisants à le désintéresser. Seule l’intention de nuire peut entrainer la responsabilité du créancier qui refuse de suivre l’entrepreneur individuel dans sa proposition de saisir d’abord les biens professionnels lorsqu’ils sont suffisants pour garantir le paiement du créancier127.

Cette faculté offerte à l’entrepreneur individuel de demander l’exécution forcée d’abord sur les biens professionnels lorsqu’ils sont suffisants ne remet pas en cause l’égalité des créanciers. Elle vise simplement à cantonner d’une part, les droits des créanciers, dont la créance est née à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sur les biens professionnels, et d’autre part, préserver les biens personnels qui ne sont pas engagés dans cette activité professionnelle. Toutefois, ce texte ne semble pas, en pratique, être appliqué par la jurisprudence.

§ 2. U

NE EGALITE ROMPUE

54. L’égalité des créanciers implique que tout créancier peut mettre en œuvre son droit de gage

général au nom du principe de l’indivisibilité du droit de gage général des créanciers. Cependant, ce principe affirmé par la loi et confirmé par la jurisprudence est remis en cause dans certaines situations où la loi vient cantonner les droits des créanciers sur les biens contenus dans le patrimoine de l’entrepreneur individuel (B) en opérant une distinction entre eux (A).

A. La rupture d’égalité entre créanciers chirographaires et créanciers

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