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DANS LES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES (MAI-DÉCEMBRE 1958)

B. L A RUPTURE DE LA NÉGOCIATION ZLE ( OCTOBRE DÉCEMBRE 1958) En dépit des progrès des travaux techniques, notamment au sein des Six,

III. LA RUPTURE EUROPÉENNE ET MONDIALE : LE PLAN RUEFF

Pour assurer le succès de sa stratégie de coopération économique interna- tionale à double échelle – CEE et GATT, la France doit montrer qu’elle peut s’insérer dans le mouvement international de libération des échanges et des paiements. Il lui faut dépasser le monde de la reconstruction, celui des déroga- tions accordées par l’OECE et des crédits consentis par l’UEP et le FMI .

Le plan Rueff entend répondre à cet enjeu et doit ainsi être lu à une échelle triple, nationale, européenne et mondiale, comme ont déjà tenté de le faire Paul

Pitman111, Sylvia Schwaag112 et surtout Frances Lynch113 et Olivier Feiertag114

dans des études éclairantes mais qu’il est possible de préciser en établissant un lien précis avec les échéances européennes – négociation ZLE et mesures au premier janvier 1959. Il est nécessaire de croiser les archives avec la bibliogra- phie internationale consacrée au retour à la convertibilité115 et avec celle, plus

franco-française, du plan Rueff 116.

Pour étudier le plan Rueff, il est nécessaire de surmonter de nombreux écueils. Tout d’abord, les témoignages des principaux acteurs sont parfois contradic- toires, notamment celui de Rueff lui-même. Il affi rme ainsi que le plan qui lui est associé a été très largement décidé lors d’une réunion tenue le 18 novembre

111. Paul Pitman, « Le retour à la convertibilité monétaire en Europe occidentale et le redres- sement fi nancier français », in Maurice Lévy-Leboyer, Alain Plessis, Michel Aglietta, Christian de Boissieu (dir.), Du franc Poincaré à l’écu, Comité pour l’histoire économique et fi nancière de la France, Paris, 1993, p. 449-470. L’étude croise les archives françaises et britanniques mais les négociations européennes (CEE et ZLE) manquent.

112. Sylvia Schwaag, « Currency convertibility and European Integration : France, Germany and Britain », in Anne Deighton, Alan Milward (éd.), Widening, deepening and acceleration : The European Economic Community, 1957-1963, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 89-106. Contrairement au titre, son article se concentre principalement sur le point de vue britannique, qui est expliqué de manière très éclairante.

113. Frances Lynch, « De Gaulle’s First Veto. France, the Rueff Plan and the Free Trade Area », in Contemporary European History, 9, 1, 2000, p. 111-135. L’étude de Frances Lynch est la plus aboutie car elle croise la négociation ZLE et celle du plan Rueff. Elle n’intègre cependant pas les archives françaises en dehors du ministère des Affaires étrangères, ni les archives CEE.

114. Olivier Feiertag, Wilfrid Baumgartner. Un grand commis des Finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978), Comité pour l’histoire économique et fi nancière de la France, Paris, 2006. Cette étude dépasse la simple biographie au sens étroit pour insérer le plan Rueff dans une histoire fi nancière de la France qui prend en compte la dimension internationale.

115. En plus des ouvrages cités précédemment : Jacob Kaplan, Günther Schleiminger, The European Payments Union. Financial Diplomacy in the 1950s, Clarendon Press, Oxford, 1989, p. 273-320 ; John Fforde, The Bank of England and Public Policy, 1941-1958, Cambridge UP, Cambridge, 1992, p. 595-605 ; Gérard Bossuat, « La Banque de France dans les relations monétaires internationales de la France, 1945-1960 », in Olivier Feiertag et Michel Margairaz (dir.), Politiques et pratiques des banques d’émission en Europe (XVIIe-XXe siècle), Albin Michel, Paris, 2003, p. 748-751.

116. Les ouvrages de référence sont ceux de l’Institut Charles de Gaulle : 1958 : la faillite ou le miracle économique. Le plan de Gaulle-Rueff, Economica, Paris, 1986 et De Gaulle en son siècle. Volume 3 : Moderniser la France, Plon, Paris, 1992. Voir aussi : Michel-Pierre Chelini, « Le Plan de stabilisation Pinay-Rueff, 1958 » in Revue d’histoire moderne et contemporaine, 48-4, octobre- décembre 2001, p. 102-123. Pour les mémoires et témoignages : Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. Le renouveau, 1958-1962, Paris, Plon, 1970, p. 146-154 ; Nathalie Carré de Malberg (texte établi, présenté et annoté par), Entretiens avec Roger Goetze, haut fonctionnaire des fi nances. Rivoli-Alger- Rivoli, 1937-1958, Comité pour l’histoire économique et fi nancière de la France, Paris, 1997, p. 343- 360 ; Jacques Rueff, Œuvres complètes. Politique économique, tome III, volume 2, Plon, Paris, 1980, p. 368-415 ; Jacques Rueff, Combats pour l’ordre fi nancier, Plon, Paris, p. 244-247. Sur Pinay : Sylvie Guillaume, Antoine Pinay ou la confi ance en politique, FNSP, Paris, 1984, p. 158-177.

1958117. Par ailleurs, Rueff établit une continuité directe entre sa note de juin 1958

demandant des réformes et le plan de décembre 1958118. Sur ces deux points

l’étude des archives et de la correspondance entre la genèse du plan Rueff et les négociations européennes permettra de remettre en cause ce témoignage de l’économiste français. Deuxième diffi culté, le processus d’élaboration de ce plan est entouré d’un certain secret car le comité Rueff s’est réuni en « semi- clandestinité119 ». Ses délibérations restent donc inconnues. Le processus de

décision ayant abouti à la dévaluation et au retour à la convertibilité est lui aussi très discret, comme il est d’usage dans ce type d’opération. Enfi n, les décideurs qui géraient les questions européennes, CEE et ZLE , et ceux qui s’occupaient des questions monétaires paraissent évoluer dans des mondes différents et cloisonnés, tant en France qu’en Grande-Bretagne.

Il est donc nécessaire de savoir quand et par qui le plan Rueff a été défi ni. Le but de cette étude est de montrer le lien avec la chronologie des négociations ZLE : première rupture du 14 novembre 1958, accord franco-allemand de Bad Kreuznach le 26 novembre 1958, accord à Six les 3 et 4 décembre 1958, seconde rupture le 15 décembre 1958. Les liens entre la défi nition du plan Rueff et la ZLE sont en effet très nets, et ce dès le lancement de l’opération

Unicorn par Londres.

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