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La communautarisation de la rupture (novembre-décembre 1958).

DANS LES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES (MAI-DÉCEMBRE 1958)

B. L A RUPTURE DE LA NÉGOCIATION ZLE ( OCTOBRE DÉCEMBRE 1958) En dépit des progrès des travaux techniques, notamment au sein des Six,

3. La communautarisation de la rupture (novembre-décembre 1958).

Une fois la rupture de la négociation ZLE acquise, le gouvernement français cherche à la confi rmer en adaptant sa stratégie interne et externe.

86. Alan S. Milward, The Rise and Fall of a National Strategy, op. cit., p. 290-91. 87. Voir les déclarations de Soustelle in L’Année politique, 1958, PUF, Paris, 1959, p. 482. 88. Frances Lynch, « The Rueff Plan and the Free Trade Area », in Contemporary European History, vol. 9, 2000/1, p. 131.

89. AMAE, PA AP 314, carton 1, note DAEF, 6 novembre 1958. 90. PRO, T 337/7, note J. E. Coulson, 17 novembre 1958. 91. PRO, T 337/7, note J. E. Coulson, 17 novembre 1958.

92. DDF, 1958-II, document n° 344, télégramme circulaire de Maurice Couve de Murville aux représentants diplomatiques de la France à l’étranger, 20 novembre 1958.

93. DDF, 1958-II, document n° 334, lettre du général de Gaulle à Harold Macmillan, 15 novembre 1958.

La première étape consiste à défi nir la position française sur les mesures à prendre au premier janvier 1959. Le comité interministériel du 18 novembre 1958 prend trois mesures complémentaires94 :

- Face aux Six, les obligations CEE devront être respectées. Cela signifi e que la France accepte les mesures de libération contingentaires et tarifaires prévues au premier janvier 1959 sans recourir aux clauses de sauvegarde (article 108 CEE). Cependant, comme son commerce extérieur est entièrement contingenté, un engagement de réduire de 10 % ses tarifs extérieurs n’engage à rien. La véritable négociation portera donc sur le taux de libération des échanges auquel la France voudra revenir. Un taux de 40 % est envisagé, ce qui reste modeste par rapport aux 82 % atteints en juin 1957. Sur le plan politique, le symbole est important car la France renonce à recourir aux clauses de sauvegarde, comme cela avait été envisagé depuis la naissance de la CEE.

- Face aux dix-sept de l’OECE , des mesures contingentaires devront être prises sauf les contingents faibles et nuls. Ces derniers doivent être portés à 3 % de la production nationale au premier janvier 1959 dans le cadre des Six. Cette mesure ne sera pas élargie et restera propre à la CEE, afi n de maintenir une spécifi cité du cadre des Six.

- Enfi n, la baisse de 10 % des tarifs douaniers prévue dans le cadre des Six sera étendue à l’ensemble des pays du GATT . Il est également décidé d’accep- ter l’ouverture des négociations au GATT proposée par Dillon , alors que cette proposition avait été considérée initialement avec un grand scepticisme95. Là

aussi, tout dépendra du taux de libération des échanges que la France accep- tera mais le geste politique est fort. Ainsi, la stratégie adoptée consiste donc à effectuer une relance dans deux cadres, la CEE et le GATT, afi n de mettre entre parenthèses le cadre de l’OECE . Elle prévoit des mesures libérales, qui ne peuvent être mises en œuvre qu’après un rétablissement fi nancier.

Dans un second temps, un accord franco-allemand est recherché. Les entretiens du président du Conseil français et du chancelier Adenauer à Bad Kreuznach le 26 novembre 1958 aboutissent à une large base d’accord96. Le général de

Gaulle commence par affi rmer son plein soutien au Marché commun car il

94. ASGCI, 1977.1471, article 63, note d’Olivier Wormser du 18 novembre 1958 ; pour la réunion préalable présidée par Goetze : ASGCI, 1977.1471, article 63, compte rendu de la réunion du 15 novembre 1958.

95. AMAE, POW 40, folio 257, télégramme pour Washington, « lu Brunet », sans doute d’Olivier Wormser, 1er

novembre 1958.

96. DDF, 1958-II, document n° 370, comptes rendus des entretiens franco-allemands du 26 novembre 1958 ; AMAE, POW 40, folio 170, compte rendu manuscrit de ces mêmes entretiens, sans doute par Olivier Wormser.

a « provoqué un éveil économique en France, facteur d’importance considé- rable ». Fort des décisions prises lors du comité interministériel du 18 novembre 1958, de Gaulle peut aller plus loin qu’à Colombey et affi rmer que la France n’aura pas recours aux clauses de sauvegarde au premier janvier 1959. Le général de Gaulle annonce aussi l’acceptation par la France de la proposition Dillon, c’est-à-dire de l’offre américaine de négocier une baisse des tarifs dans le cadre du GATT .

Adenauer salue ces décisions qui traduisent la volonté française de respecter ses engagements internationaux de libération des échanges. Sur les mesures au premier janvier 1959, la RFA se range à la position française. À propos de l’avenir de la négociation ZLE , un accord est rapidement conclu sur la nécessité de donner mandat à la Commission de rédiger un rapport sur ce sujet ; idée déjà évoquée par les Allemands auparavant97. Cette décision, même si elle n’est pas

issue de Paris, renforce la France car la Commission a pris dans la négociation ZLE des positions proches des conceptions françaises.

Enfi n, le reste de l’entretien est très largement consacré à la crise de Berlin, issue de l’ultimatum de Khrouchtchev du 10 novembre 1958. Sur ce problème, la France soutient une position face à l’URSS beaucoup plus ferme que les Américains et surtout les Britanniques, ce qui a pu constituer un facteur impor- tant dans le rapprochement stratégique entre Adenauer et de Gaulle 98. Le rap-

prochement franco-allemand est donc complet.

Une fois l’accord obtenu à deux, le dossier est étudié par les Six à la session suivante du Conseil CEE du 3 décembre 1958. Là aussi, l’accord se fait autour des mesures préconisées par la France99. Sur le plan tarifaire, la réduction de

10 % prévue au sein des Six est étendue à tous les pays du GATT sans réciprocité. Sur le plan contingentaire, les dispositions CEE sont étendues aux membres de l’OECE , sauf les mesures concernant les contingents faibles et nuls, réservées aux Six. Enfi n, la Commission fera un rapport pour le 1er mars 1959 sur les

rapports entre les Six et les Onze. La France a donc réussi à communautariser la rupture car elle a démontré sa bonne foi dans la construction de l’Europe, contrairement à la Grande-Bretagne. De nombreux responsables économiques

97. AMAE, POW 40, folio 412, document de travail remis par Van Scherpenberg à Olivier Wormser le 19 novembre 1958. Miriam Camps estime qu’il s’agit d’une concession de la France à la RFA : Miriam Camps, Britain…, op. cit., p. 175-176.

98. Georges-Henri Soutou, La Guerre de Cinquante ans. Les relations Est-Ouest, Fayard, Paris, 2001, p. 375.

99. DDF, 1958-II, document n° 389, télégramme de Maurice Couve de Murville aux représentants diplomatiques de France à l’étranger, 4 décembre 1958 ; AMAE, RPUE 32, projet de procès-verbal du Conseil du 3 décembre 1958, 30 décembre 1958.

et politiques au sein des Six n’étaient pas convaincus par le projet de ZLE mais l’ont soutenu pour des raisons politiques. Comme le montre Francesca Fauri pour le cas italien, l’échec de la ZLE les a largement soulagés100. Ces décisions

à Six doivent maintenant être présentées dans le cadre des Dix-Sept.

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