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A.1.2 Le rejet des eaux usées et des excréta : tout à la rue !

Dans le document Une anthropologie politique de la fange. (Page 120-122)

conceptions, représentations et usages de la ville à Bobo-Dioulasso

IV. A.1.2 Le rejet des eaux usées et des excréta : tout à la rue !

Mais dans les quartiers très peuplés de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, quand la cour est petite ou surchargée d’habitants, un nombre croissant d’activités domestiques telles que, l’abreuvage des poulets, du mouton de case ou du chien, la douche, la lessive ou la vaisselle106, sont reportées dans la rue. Ce sont des activités considérées comme sales qui doivent être effectué le plus à l’écart possible des aires de repas, de repos, de prière ou de passage dans la cour. Souvent, il est nécessaire de les rejeter en dehors de la cour, devant la maison, sur le bord du chemin ou de la rue.

Les lois coraniques insistent sur la propreté. Certains musulmans maintiennent leur cour, leur corps et leurs vêtements propres. Mais les devantures des concessions au-delà des caniveaux ne les concernent guère. (Millogo, 2002 : 80)

À Ouagadougou, la majorité des eaux de lessive et de vaisselle sont rejetées dans la rue (62 % des rejets), par contre la majorité des eaux de douche est évacuée par un puisard (52 % des rejets) :

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Au Service d’Hygiène de la Ville, il y n’a en effet qu’un seul agent municipal responsable pour la réception des plaintes et le contrôle des délits et il ne dispose d’aucun véhicule en état de marche pour accomplir sa mission !

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Mais comme le lavage de la vaisselle est souvent repoussé au moment du repas suivant, il s’ensuit une période pendant laquelle les plats sales sont répandus dans la cour, ce qui vient contrecarrer les mesures de propreté prises par la maîtresse de maison et accroître les proximités paradoxales.

Eaux de vaisselle Eaux de lessive Eaux de la douche Moyenne Puisard 9% 9% 52% 23% Rue 60% 64% 3% 42% Cour 26% 21% - 23% Latrines 1% 3% 27% 10% Autres 3% 3% 11% 6%

Tableau 12. Modes d’évacuation des eaux usées sur les parcelles à Ouagadougou (enquête-ménages de novembre 1999 (Bösch, 1999 :12)

Ces eaux rejetées en pleine rue contiennent souvent des restent de nourritures. Mais bien que ces pratiquent soient effectuées par les femmes, il n’y a pas un accord tacite sur le contenu des eaux sales :

« J'ai les poils du corps qui marchent quand je vois les jeunes femmes déverser les eaux de vaisselle dans la rue ou dans les fossés avec des restes de nourriture. Han ! comment jeter de la nourriture alors qu'à côté, certains ont faim ? En notre temps, jeter de la nourriture amenait systématiquement la pauvreté dans la famille. Dieu punit de tels actes. Dans la cour, j'ai eu à faire cette remarque à une femme et elle m'a répondu ceci: M'Ba ni lew y a dumu a bè kelén, ce qui signifie « Maman, si les porcs mangent c'est la même chose ». Il y a des femmes qui préparent mal leur sauce ou qui laissent tout le travail à leur « bonne ». Quand elles se rendent compte que c’est mal fait, elles diluent la nourriture dans les eaux usées et la jette dans la rue à la faveur de la nuit. Là-bas, c'est pour tout le monde ! Qui saura qui a fait ça ? Hum ! » Une vieille femme du secteur 17 à Bobo-Dioulasso (Millogo, 2002 : 107).

Le souci majeur, qui demeure pour chacun de garder sa cour propre, conduit ainsi à évacuer les déchets et l’ordure à l’extérieur. Et, comme au village, on y jette ses ordures, on y déverse ses eaux usées et si on pense qu’il va pleuvoir, on y dépote la nuit ses excréta provenant des latrines. Dans l’espace restreint des habitations accolées dans la ville, le cercle des déchets domestiques touche inévitablement le voisin.

A.1.2.1 Mais pourquoi rejeter les eaux de vaisselle dans la rue ?

A.1.2.1.a) Une stratégie de lutte contre la poussière!

« Si les femmes versent les eaux usées dans la rue, moi, personnellement, je pense que c'est tout à fait positif. Dans un pays sahélien pauvre où la poussière poursuit les gens jusque dans leur lit et où le gouvernement n'est pas assez riche pour mettre le goudron, c'est normal que les femmes essaient d'empêcher la poussière avec ces eaux domestiques. Moi-même qui vous parle, je le fais ». Une enseignante du quartier. » (Millogo, 2002 : 52- 53)

A.1.2.1.b) Eviter les plaies des marmites : daga fini-fin!

« Si les femmes ont la mauvaise habitude de laisser les eaux usées s’écouler n’importe où et n’importe comment dans la cour, elles ont aussi la curieuse habitude de prendre des précautions pour ce qui concerne les eaux de vaisselle ayant lavé les canaris et les marmites noires après la cuisson des repas. C’est pourquoi vous voyez souvent des femmes ou des filles de maison laver ces ustensiles carrément dans la rue. Elles prétextent des démangeaisons, des brûlures et quelques fois même des plaies pour les femmes dans les entre jambes, si elles enjambent ces eaux usées. Beaucoup de femmes en parlent et le conseil est transmis de génération en génération. Ma grand-mère nous en parlait souvent. Mais ma mère nous disait que ce n’était pas vrai parce qu’étant sage- femme, elle pensait que c’était la maladie des femmes sales, qui portent des sous- vêtements sales et qu’il n’y avait aucune relation entre les eaux usées noires et ce

Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)

malaise. C’est bien après que j’ai compris que c’est ma mère qui avait raison. Malheureusement la croyance est très répandue à Bobo-Dioulasso.» Une infirmière domiciliée au secteur 9 (Millogo, 2002 : 53)

A.1.2.1.c) En attendant la pluie : la « civil inattention »

« Dernièrement, au marché il y a eu une vidange de WC dans le caniveau, c’était même la femme du député S.S. qui avait fait vider dans le caniveau. Elle gère un des blocs sanitaires du marché (il y en a 4). Elle pensait qu’il allait pleuvoir ce jour-là, ils se sont trompés, il n’a pas plu, mais même s’il pleuvait, ça ne se fait pas. Elle a payé 50000 F, on l’a obligé à nettoyer le caniveau avec de l’eau. Elle a dû voir la mairie. A la suite de cette histoire, comme Sangaré était là (il est responsable d’une émission radiophonique et il est l’ami de l’infirmier major du service d’hygiène), il a pensé que cela pouvait l’intéresser. Nous sommes allés à Radio Bobo. On a eu 5 minutes d’antenne. Ça a été diffusé. On a parlé de la gestion des blocs sanitaires. On a dit que quand c’est rempli, il faut faire appel à des vidangeurs professionnels et au service du génie militaire. On a parlé d’hygiène publique. On ne peut pas imaginer que quelqu’un puisse vider le contenu d’une fosse septique dans un caniveau sous prétexte qu’il va pleuvoir. Ce sont les gens de la pharmacie située près du caniveau qui nous ont appelés. Ils ont dit que ça se passait tous les vendredis. Ça fait un peu longtemps que ça s’est passé, c’était le 3 août dernier. Pendant l’émission, on n’a pas évoqué le nom de la dame. » Un agent du service d’hygiène (enquête 2001)

IV.A.2

Des eaux usées très spéciales : les eaux troubles de la

Dans le document Une anthropologie politique de la fange. (Page 120-122)

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