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D.2 Un constat d’échec à Bobo-Dioulasso: le transfert des compétences du niveau national de l’État au niveau local de

Dans le document Une anthropologie politique de la fange. (Page 192-194)

l’espace urbain

V. D.2 Un constat d’échec à Bobo-Dioulasso: le transfert des compétences du niveau national de l’État au niveau local de

la commune

Au niveau communal, un sérieux problème de coordination des actions d’assainissement se pose du fait de l'absence de coopération réelle entre les différents acteurs. Pourtant, les textes sont clairs : la mise en œuvre opérationnelle de la décentralisation implique le transfert progressif de certaines compétences, dont l’assainissement, du niveau national au niveau local.

« Le PACVU a pris en charge le transfert des compétences à la mairie. Le problème majeur est que les structures étatiques (services déconcentrés de l’Etat : ONEA) résistent au transfert de compétences et de pouvoirs à la municipalité. De même, les municipalités sont contraintes par le manque de moyens et de compétences. Problème en soi plus facile à résoudre que le problème politique lui-même qui est la dysfonction structurelle entre les niveaux politiques et techniques de l’administration municipale. Ce problème, c’est le clientélisme électoral des élus qui empêche les responsables des services techniques municipaux d’engager des poursuites contre des opérateurs économiques ou des particuliers en situation délictueuse : il suffit d’un coup de téléphone et le Directeur Général demande que l’affaire en cours soit abandonnée ! Résultat : les responsables de services techniques : santé, hygiène, environnement urbain, environnement (DPPA) sont totalement découragés ! » Un responsable des services techniques municipaux (enquête 2001).

« On note un manque de coordination entre la Mairie et l’ONEA. Le transfert de compétences à la commune comme le recommande la décentralisation n’est pas effectif. Les services déconcentrés dispose de techniciens qu’ils ne veulent pas réaffecter. L’état des lieux des services techniques municipaux recommande une réorganisation de la structure avec la création d’un service chargé de l’environnement et de la propreté. » Un responsable des services techniques municipaux de Bobo-Dioulasso (Millogo, 2002 : 98). Dans le domaine de l’assainissement, l’ONEA dispose d’un réel savoir technique et financier :

« Le transfert portera sur un outil, le PSA, qui aura démontré sa performance sur le terrain et son efficacité. Les modalités de transfert devront s’attacher à préserver ce qui

peut être considéré comme un véritable trésor de savoir faire technique et financier ». (Ta Thu Thui, 1999 : 67)

« Il apparaît de façon évidente l'absence d'une politique de gestion méthodique et rationnelle de l'assainissement dans la commune de Bobo-Dioulasso.» (Millogo, 2002 : 105-106).

La commune, malgré ses difficultés et ses insuffisances, a rempli sa part de contrat du PSAB en mettant du personnel technique municipal163 à disposition de l’ONEA pendant toute la durée du PSAB.

Adama Drabo, 27 mars 2002, Le Pays, n°2597 : 8 :

« Le maire de la commune de Bobo, Célestin Koussoubé, a rassuré les initiateurs du plan que les actions en matière d’assainissement entreprises par l’ONEA seront soutenues par le conseil municipal afin que prennent fin les pertes de poissons sacrés, les fortes odeurs nauséabondes émanant d la zone industrielle, les stagnations des eaux usées dans les rues. »

Pour accompagner le transfert de compétences du niveau national au niveau local, du personnel technique municipal (2 sociologues et 1 technicien) a été mis à disposition de l’ONEA pendant la phase pilote (DO) puis pendant la phase de passage à grande échelle du PSAB.

Mais il n’est pas sûr du tout que ces transferts puissent permettre à la commune de prendre totalement en charge la gestion de l’assainissement autonome sans risque de déperdition le moment où le transfert sera effectif. En effet, le technicien affecté à l’ONEA a démissionné en 2001 pour s’installer à son compte, l’un des deux sociologues est impliqué dans le programme d’ingénierie sociale du PACVU, tandis que l’autre se contente d’occuper, de temps en temps, un bureau à l’ONEA. On peut se demander quel savoir-faire sera acquis par la commune à partir de ces détachements ?

De son côté, l’Office ne déploie à Bobo-Dioulasso aucun effort en direction des maires d’arrondissement. Ainsi, la sociologue de la commune mise à disposition de l’ONEA n’a pas été sollicitée, ni pour procéder à l’évaluation de l’opération-pilote de Do, ni pour le passage du PSAB à l’échelle communale.

« Dans l’arrondissement de Do, les maçons se plaignaient (beaucoup ont démissionné), les animateurs se plaignaient, l’ABRAAD se plaignait. L’autre technicien communal (technicien sanitaire) a démissionné. Il a ouvert une entreprise privée d’assainissement. On n’a reçu aucune formation de la part de l’ONEA. » K., sociologue municipale détachée à l’ONEA (enquête 2002)

« Le même problème s’est posé au 3ème PDU : les agents en place (sociologues de l’ONEA ou du PDU) ont vu d’un mauvais œil, ces sociologues communaux « étrangers » à l’institution, ils s’en méfient, ils veulent rester maîtres de « leurs » projets et ont peur d’en être dépossédés par les agents communaux qu’ils considèrent comme des intrus. Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour ne pas collaborer.Les anciens comités de salubrité de quartier qui avaient été mis en place par le PACVU n’ont pas été évalués, certains sont en stand by ils ne savent même pas qu’ils n’existent plus institutionnellement ! Cependant, on veut mettre en place de nouveaux comités de salubrité de secteur sans s’appuyer en aucune manière sur l’expérience passée. » D., sociologue communal détaché à la MOS

L’appui technique pour le transfert effectif, des compétences et des savoirs-faires aux collectivités territoriales par les services déconcentrés de l’État ne relève ni d’un apprentissage, ni d’une sensibilisation, mais d’une nouvelle approche des rapports institutionnels :

163

Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)

« Dans le cadre de la mise en œuvre du PSAB, l'exemple des relations entre la commune de Bobo-Dioulasso et de l'ONEA est éloquent. Une rivalité institutionnelle, sourde, est née à cause de la gestion de la taxe d'assainissement recouvrée par l’ONEA. C’est la commune qui est en charge de l’assainissement, mais c’est l’ONEA qui encaisse la taxe ! »

Un des problèmes à venir va être la signature de délégation de maîtrise d’ouvrage puis d’exploitation entre la municipalité et l’ONEA pour la construction et l’exploitation du réseau d’égouts public.

« Étant donné, le niveau d’expérience requis pour le suivi de la construction d’un réseau de canalisations et par son exploitation, la municipalité aura tout intérêt à confier à l’ONEA les prestations de maîtrise d’ouvrage déléguée pour la construction, puis les prestations d’exploitation de ce réseau. Ces prestations seront encadrées par des contrats administratifs, techniques et financiers qui seront négociés entre la mairie et l’ONEA, éventuellement avec l’assistance du Ministère de l’environnement et de l’eau. » (Ta Thu Thui, 1999 : 68).

Pour l’instant, l’ONEA n’est pas le « chef d’orchestre » qu’on attendait pour la mise en œuvre du PSAB (Ta Thu Thui, 1999 : 55), car sur le terrain, il n’y a pas d’orchestre, mais une cacophonie d’institution juxtaposées qui ne coopèrent pas ensemble et ne se concertent pas ! l’ONEA est un « soliste » comme les autres, qui agit seul, sans grande volonté de coopération et sans concertation avec les autorités communales et les autres services déconcentrés de l’État.

On peut s’attendre au développement d’une rude concurrence pour la captation de la « rente du développement » entre les institutions pressenties pour être associées au financement et à la gestion de ces contrats.

V.E.

Les enjeux de la coopération avec la société

civile

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Dans le document Une anthropologie politique de la fange. (Page 192-194)

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