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E.2.1 La maîtrise des risques sanitaires

Dans le document Une anthropologie politique de la fange. (Page 158-160)

conceptions, représentations et usages de la ville à Bobo-Dioulasso

IV. E.2.1 La maîtrise des risques sanitaires

E.2.1.1 Les dispositions légales et réglementaires

La propreté est une notion subjective et la « propreté souhaitable » est un élément d’hygiène et d’esthétique qui dans la même ville varie suivant la nature des espaces publics considérés et suivant aussi l’intérêt de ceux qui en ont la charge.

Le débat idéologique qui est au cœur de l’enjeu politique se situe entre l’idéal normatif : ce que « devrait être notre ville, reflet de notre culture, de notre civilisation, de notre éthique etc., et la réalité pragmatique : ce « qu’est concrètement la ville, somme de nos pratiques individuelles. » (Lesbet Djaffar, 1992).

Mais pour le législateur, la propreté urbaine apparaît comme le résultat de l’application et du respect des codes législatifs et réglementaires : une ville propre est une ville où la propriété est respectée, l’hygiène et la sécurité assurés (Clavel Maïté, 1991).

Mais, on est encore loin de constater l’émergence d’une volonté de régulation de l’espace public « au nom de la préservation du bien public » (Le Bris, 1999 : 10).

La propreté des villes est codifiée par un règlement sanitaire qui définit la propreté comme condition de la santé des habitants.

Le Code de l’environnement pose « les principes fondamentaux destinés à gérer et à protéger l’environnement contre toutes les formes de dégradation, afin de valoriser les ressources naturelles, lutter contre les différentes pollutions et nuisances et améliorer les conditions de vie des populations dans le respect de l’équilibre du milieu ambiant. » (Loi n°002/94/ADP, article 2).

Il en va de même à l’hôpital :

« Il n’y a pas aussi que les malades et les accompagnants, il y a le personnel à sensibiliser et ça c’est plus difficile, parce que c’est des gens qui connaissent déjà les règles mais qui ne les appliquent pas. Il faut les amener à appliquer les règles. C’est délicat, il faut savoir les prendre, savoir leur parler. Je n’impose pas une loi, je discute avec eux pour aboutir à quelque chose. Mais j’arrive à obtenir quelque chose. Il faut arriver à s’imposer, à se faire respecter. C’est une forme d’autorité qui est très avantageuse qui me permet quand même de travailler. » Madame Kambou, infirmière responsable du service d’hygiène de l’hôpital de Bobo, 6 septembre 2001

Mais les textes légaux ne donnent qu’une définition négative de la saleté : elle résulte de manquements que les dispositifs de répression sont censés sanctionner. Ces textes précisent les responsabilités des particuliers, des communes et de l’État concernant les souillures et les pollutions diverses qui peuvent affecter la santé, la sécurité et la propriété des personnes (Maïté Clavel, 1991: 9). Salir, encombrer, diffuser des odeurs désagréables chez le voisin sont des atteintes au droit de propriété. Tout encombrement des lieux publics est considéré comme un empêchement de circuler.

Un exemple de texte en vigueur : l’arrêté municipal réglementant la police municipale. Titre premier relatif à la salubrité et à la propreté des voies publiques, cours et jardins. Article premier. Il est formellement interdit : de déposer des ordures, détritus, immondices et matières fécales sur le domaine public ; d’y jeter des chiffons, papiers ou tout autre objet, d’y entreposer de marchandises, matériels ou matériaux quelconques ainsi que sous les arcades des boutiques ; Et en général, d’y effectuer aucun dépôt de quelque nature et à quelque heure que ce soit .

Article 3. Il est interdit : de creuser des trous ou de prendre de la terre, sur un point quelconque du domaine public sans autorisation du Maire qui désignera l’emplacement où les extractions pourront se faire.

Article 6. Toute projection, écoulement ou ruissellement d’eaux usées, ménagères ou autres, et de tout liquide, sont interdits sur la voie publique.

Article 8. Il est interdit : De jeter des corps solides ou nauséabonds dans les égouts ; D’effectuer des inscriptions quelconques sur les murs des immeubles, les chaussées ou les trottoirs ; D’allumer des feux ou fourneaux sur la voie publique.

IV.E.2.2 La maîtrise de l’impact sur le milieu (respect des normes,

surveillance)

La définition des normes, la gestion de l’éducation et de l’information sanitaire, la définition des mesures à prendre et les sanctions ne sont pas coordonnées au niveau communal. Il n’y a quasiment aucune collaboration avec les services techniques de l’Etat et les services spécialisés publics et privés (hôpitaux, laboratoires).

E.2.2.1 L’insuffisance juridique

Au Burkina Faso, le législateur a adopté des textes de loi dont la teneur comporte des dispositions régissant le domaine de l’eau et de l’assainissement. Le Code de la Santé Publique a prévu des mesures visant à lutter contre la pollution et à promouvoir la salubrité du cadre de vie par la prescription de systèmes d’assainissement fiables des eaux usées et des excrétas :

« Une politique de l’environnement urbain ne se fait pas avec des textes, l’environnement urbain ne sera préservé que si les citoyens sont convaincus de son intérêt et responsabilisés en ce sens. La réglementation en environnement doit exprimer un constat des connaissances sur la situation de pollution locale et un consensus social sur ce constat. Dans un cadre démocratique, elle doit avoir valeur de repère ; » (Ta Thu Thui, 1999 :73).

Un cadre juridique existe donc. Mais, dans la mesure où certaines décisions réglementaires (décrets d’application, ordonnances, arrêtés, etc.) n’ont pas encore été prises, ces dispositions légales demeurent inapplicables.

« Il faut qu’un voisin se plaigne des mauvaises odeurs, nous ne pouvons pas nous lever comme ça pour aller sanctionner les gens automatiquement. C’est prévu mais c’est pas en application. » Un agent du service d’hygiène (enquête 2001)

Des dispositions juridiques qui ne peuvent être appliquées sont, en soi, totalement inefficaces. L’existence de dispositifs juridiques et réglementaires ne suffit donc pas.

Ainsi, à Bobo-Dioulasso, il n’existe pas encore de texte fixant les normes de qualité des eaux usées rejetables dans la nature, ou les normes de construction des ouvrages d’assainissement. Les dépôts des

Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)

ordures, les lieux de décharge et de dépotage, le forage de puits, l’utilisation de produits phytosanitaires pouvant polluer les eaux superficielles comme souterraines ne sont pour l’instant soumis à aucune réglementation. Il ressort des enquêtes que les prescriptions juridiques relatives aux substances dangereuses sont peu connues voire ignorées par les responsables des entreprises (Ouédraogo & Stoll, 1994 : 13) mais aussi par des responsables de l’administration (Ouédraogo & Stoll, 1994 : 18).

Inversement, les responsables des services déconcentrés de l’État soulignent l’absence de directives réglant l’application des lois et sanctions prévues :

« On constate l’absence de stratégie de mise à disposition des instruments institutionnels, de même que l’absence de coordination entre les différents organes de l’administration. Les outils juridiques actuels ne sont absolument pas opérationnels » (Ouédraogo & Stoll, 1994 : 19).

Ceci peut expliquer la passivité, la démotivation et le découragement de la part de fonctionnaires par ailleurs compétents.

Comme on vient de le voir, les transgressions des lois sur l’hygiène et la propreté urbaine ne sont pas sanctionnées. La maîtrise des risques sanitaires repose donc essentiellement sur les comportements des acteurs de terrain et des usagers et sur leur compréhension des enjeux. La commune devrait soutenir et renforcer la sensibilisation sanitaire conduite par les acteurs de terrain. Or, la conception des stratégies de « sensibilisation » de la population est souvent indigente. En particulier, elle suppose toujours que les logiques de connaissance et les logiques d’action entrent d’elles-mêmes en cohérence. Ce présupposé est erroné : le fait que l’informateur sache que l’eau sale donne la diarrhée n’autorise pas à penser qu’il connaisse les mécanismes de la transmission ! La logique de connaissance met en œuvre des capacités hypothético-déductives ainsi que la mobilisation de la mémoire tandis que la logique de l’action combine des séries d’enjeux qui intègrent des coûts : coûts économiques au sens large, coûts culturels et sociaux, ou encore joue avec des contraintes écologiques, technologiques ou culturelles immédiates (Poloni, 1990 : 284).

IV.E.2.3 La maîtrise du processus d’urbanisation : immobilisme et impunité des

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