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A.4.2 Une coopération conflictuelle

Dans le document Une anthropologie politique de la fange. (Page 173-175)

l’espace urbain

V. A.4.2 Une coopération conflictuelle

Les acteurs de la filière assainissement sont condamnés de fait à collaborer, ce qui ne se passe pas sans heurts.

A.4.2.1 La perception de l’ONEA

L’ONEA considère que son rôle est technique et consiste à appuyer les communes dans le domaine de l’assainissement. Elle respecte, selon elle, les TOD qui confient le secteur de l’assainissement aux municipalités. Ses services intègrent leurs activités dans la politique communale et appuient les EPCD. Pour être en accord avec les TOD, elle a mis sur pied, selon un des responsables, un comité de pilotage de ses réalisations avec sa tête le maire.

Cela lui permet, en tous cas, pour l’extérieur, de présenter la commune comme le leader de toutes les actions en matière d’assainissement même si les aspects techniques sont en vérité le fait de l’ONEA. Une telle approche n’est–elle pas susceptible de créer des frustrations au niveau de la commune et particulièrement du maire qui pourrait alors apparaître comme une marionnette.

« Il faut dépasser les aspects discussions lucratives et voir si quelque chose se fait. » Un des responsables de l’assainissement à l’ONEA

Rappelons que pour lui, la taxe d’assainissement ne saurait être l’objet de conflit à cause de son taux faible.

« Toute la bataille se situe au niveau de la taxe d’assainissement. Chacun estime qu’il doit avoir sa part de gâteau. Or la distribution de la taxe n’est pas possible parce que sur un plan juridique l’appellation ne tient pas la route. En réalité, il ne s’agit pas d’une taxe mais de frais pour services rendus en assainissement. » Un autre responsable de cette institution

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Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)

Par–delà le rôle technique qu’elle assume, l’ONEA considère qu’elle est une structure opérationnelle qui suit un plan national bien précis, contrairement aux communes qui agissent de manière anarchique :

« C’est du coup par coup, des petites actions quand on gagne de l’argent de quelqu’un quelque part. (…) Il faut que les communes essaient d’attendre car le schéma directeur des eaux pluviales, le schéma directeur des déchets vient d’être mis en place. »

Le transfert des compétences aux communes se fait attendre. L’ONEA évoque le manque de compétences techniques comme frein à l’absence de transfert du secteur de l’assainissement aux communes :

« Les communes n’ayant pas les compétences nécessaires, on est obligé de faire avec elles pour qu’elles puissent se faire la main. Après, on va leur donner, c’est un transfert de compétences. (…) Le transfert concerne l’autonome et même le collectif. Dans l’ordre de transfert, ce sera prioritairement l’autonome. Même l’eau potable doit y passer mais dans combien d’années ? » Un responsable à l’assainissement de l’ONEA

Tout ceci pose le problème des moyens financiers des communes qui le plus souvent comptent sur des fonds de l’Etat ou de partenaires de la coopération décentralisée. Les fonds ainsi reçus servent beaucoup plus à crédibiliser aux yeux de l’électorat les actions des élus locaux comme hommes politiques. Cette politique du coup par coup semble gêner l’ONEA, mais cache au fond une difficulté à « lâcher » un domaine dans lequel elle « s’est fait la main » et qui lui a donné une certaine notoriété152 en Afrique. Un des responsables ne s’inquiète-t-il pas de la forme que prendra le transfert aux communes : « Le problème de la forme juridique va se poser : gestion déléguée ou autre ? »

A.4.2.2 La perception des élus locaux

Les entretiens avec les élus locaux ont mis en exergue leurs perceptions de leur rôle comme politiques et de celui de l’institution communale qu’ils représentent dans le secteur de l’assainissement. Le rôle de l’institution communale serait de pourvoir des emplois aux femmes et aux jeunes grâce aux activités de la gestion des déchets. Il s’agit donc d’un rôle économique dont un des objectifs sous- entendus pourrait être la conquête de l’électorat. Cette position corrobore les analyses antérieures sur la gestion des déchets comme enjeu économique et politique.

Les communes, de l’avis de la majorité des conseillers municipaux, ont un rôle de contrôle et de coordination des actions des autres intervenants à qui elles doivent donner des cahiers de charge et indiquer les lieux de dépotage.

« La gestion des déchets est du domaine de la commune parce qu’elle doit y veiller, seule elle est en mesure de faire respecter les mesures prises en ce sens. La commune doit ramener l’ordre à travers la police municipale.(…) La police communale doit entamer les négociations avec les grands pollueurs comme Tan Aliz. Mais la commune est limitée face à ces grands pollueurs. » Un conseiller municipal de Bogodogo.

Les communes ont également un rôle d’organisation du secteur de l’assainissement :

« Les mairies doivent mieux organiser le secteur privé pour qu’il passe de famille en famille pour enlever les ordures ménagères » M. conseiller municipal de Baskuy

Le rôle de la commune est de construire des ouvrages en vue de l’assainissement :

« La commune fait des efforts notamment avec la construction du centre d’enfouissement. Un centre de lagunage est en voie de construction pour drainer les eaux usées vers une

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station d’épuration pour servir au jardinage (au secteur 25 après l’abattoir). Il y a également un projet de drainage plus des centres déjà construits dans les secteurs. »

La commune doit appuyer les populations à partir de leurs actions ponctuelles. Elle doit intervenir dans la gestion des déchets en dépassant le manque de moyens.Les élus locaux sont un interface entre les populations et les acteurs locaux comme l'attestent les propos d’un conseiller municipal de Bogodogo :

« Ils (les privés) se réfèrent à la mairie pour être des intermédiaires entre eux (la population et les privés) »

Les élus locaux ont une vision beaucoup plus politique, ancrée dans des actions ponctuelles pour obtenir des gains politiques immédiats. L’ONEA a une vision plus technique à laquelle elle s’accroche avec force comme pour justifier son intervention dans un domaine traditionnellement réservé aux municipalités dont elle recherche par ailleurs l’appui. Un des responsables de cette structure n’attend- t-il pas :

« Que les communes aident dans les petits ouvrages, qu’elles initient des actions dissuasives vis à vis des populations non respectueuses des règles d’assainissement.(…). La mairie a un rôle de sensibilisation en impliquant les élus locaux. Il faut qu’elle aide les équipes d’animation de l’ONEA. »

Les allusions au transfert des compétences aux communes notamment à la forme (gestion déléguée ou autre type de gestion) que cela prendrait est révélatrice de ce fait.

Ces deux acteurs pourtant condamnés à coopérer à l’étape actuelle de la mise en œuvre du processus de décentralisation se retrouvent dans une situation de coopération conflictuelle liée aux enjeux de l’assainissement mais également à des moyens inégaux dont chacun dispose ainsi qu’aux contraintes créées par une multitude d’acteurs dans le domaine.

Dans le document Une anthropologie politique de la fange. (Page 173-175)

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