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d) La reconnaissance de l’enfant

Toute personne ayant assisté à un accouchement est tenue de faire une déclaration de naissance à l’Etat civil. L’acte de naissance a ainsi pour but unique de constater un fait, la naissance d’un enfant (art. 56 du code civil). L’indication du nom de la mère n’est pas une obligation (art. 57 du code civil). De ce fait, tous les services hospitaliers disposent d’une organisation permettant les déclarations de naissance. En région parisienne et dans les grandes maternités, un employé de l’Etat civil (« la dame de l’Etat civil » nous diront les assistantes sociales) passe en maternité recueillir les données nécessaires à la déclaration de naissance directement auprès des mères, afin de limiter les erreurs, éventuellement liées à la retranscription par les services hospitaliers des informations fournies par les femmes.

Pour les femmes mariées, cette déclaration de naissance vaut reconnaissance de l’enfant par les deux parents. Elle est donc l’unique formalité pour établir la filiation, sauf à ce que la mère ait demandé le secret de la naissance (cf. supra). Comme le relève Françoise Dekeuwer-Defossez (1999) : « Cette règle généralement connue sous

l’adage latin mater semper certa est ne s’applique pas à l’heure actuelle à la filiation naturelle : dans notre droit positif, la femme ayant indiqué son nom dans l’acte de naissance doit de surcroît le reconnaître ». De ce fait, pour une femme non mariée,

la déclaration de naissance doit être complétée par une reconnaissance de l’enfant par son père et par sa mère, soit ensemble, soit séparément. Cette reconnaissance peut être faite avant même la naissance, conjointement ou non, par les deux parents. S’agissant des femmes toxicomanes, pour la plupart non mariées et même rarement en couple, la question de la reconnaissance de l’enfant, qui va déterminer son statut est posée par l’ensemble des assistantes sociales qui y voient bien une difficulté :

Voilà, l’enfant qui est pas reconnu c’est un enfant qui est adoptable. Et théoriquement, si on exerçait juridiquement je veux dire, on faisait bien le travail, un enfant qui n’est pas reconnu on ne saisit pas le juge pour enfants, on saisit l’Aide sociale à l’enfance qui doit l’immatriculer comme une pupille. Mais on ne peut pas le faire, moi j’estime qu’on ne peut pas le faire, tant que la mère ne nous a pas dit, je ne veux pas de cet enfant. Si elle nous dit je n’en veux pas de cet enfant, je ne le reconnais pas, j’en veux pas, je veux qu’il soit adopté, là oui on va lui donner toutes ses chances d’être adopté. A partir du moment, et moi toutes les femmes toxicomanes que j’ai rencontrées jusqu’à maintenant aucune ne m’a dit j’en veux pas.

Assistante sociale, maternité, entretien n° 7.

Si la mère refuse de décliner son identité lors de la déclaration de naissance, ou demande le secret de l’accouchement, l’enfant devient automatiquement pupille de l’Etat puisque sa filiation n’est pas établie. De fait, jusqu’à la loi de 2002, le père ne pouvait plus reconnaître non plus l’enfant, ce qui le privait de sa paternité, comme l’a montré une affaire récente85.

Parce qu’il y en a elles accouchent et elles se sauvent. Mais le système fait que dès qu’il y a accouchement, il y a la dame de l’Etat civil qui passe faire la déclaration de naissance. C’est une déclaration de naissance, hein, c’est pas officiel. Il y a toujours un bureau d’état civil qui fait que, la dame passe et on vous demande le nom du père, le nom de la mère et voilà où est-ce que vous habitez madame et patati et patata et voilà elle dépose çà à la mairie. Ensuite, la maman et le papa, ou que la maman ou que le papa, ou les deux sont censés se présenter à la mairie, comme tout individu normal pour faire la décla…, la reconnaissance avec la pièce d’identité et là on s’aperçoit qu’il ne se passe rien. La déclaration de naissance elle est faite parce que vous avez une personne qui va au lit du malade. Imaginons que la déclaration ne se fasse pas. Il ne se passerait rien je suppose. Mais, on peut aussi dire que ces femmes-là peut-être un jour elles vont avoir un … je sais pas une étincelle, et qu’elles vont vouloir rencontrer leur enfant.

Assistante sociale, maternité, entretien n° 3.

Les procédures sont connues de manière beaucoup moins précise par cette assistante sociale, puisqu’elle considère que l’acte de naissance n’est pas officiel, ce qui est

85 Cour d’Appel de Riom, 16 décembre 1997, la mère peut par l’accouchement anonyme (dit

accouchement sous X) empêcher l’établissement de la paternité, quand bien même l’homme aurait procédé à une reconnaissance prénatale.

erroné, même si elle fait bien la distinction entre les enfants reconnus ou non86. Dans

les maternités où ne passe pas l’employé de l’Etat civil, ce sont les services hospitaliers qui remplissent et transmettent à la mairie les déclarations de naissance, d’après les informations qu’ils ont pu obtenir des mères. D’ailleurs, à l’admission en maternité, les pièces demandées aux femmes qui ont normalement fait suivre leur grossesse sont la carte de sécurité sociale, le carnet de grossesse et le livret de famille. Dans un autre hôpital, l’assistante sociale rencontrée connaissait au contraire toutes les procédures de manière très précise et confirmait que la reconnaissance est l’acte névralgique, dans le cas de ces femmes isolées :

Les situations dernières, moi, de femmes toxicomanes, dont moi je me souviens, c’est que des enfants qu’ont pas été reconnus, et qu’ont été confiés en vue de l’adoption. C’est-à-dire qu’ont pas été reconnus, c’est-à-dire que c’est des femmes qui n’ont même pas fait la démarche d’aller à la mairie reconnaître l’enfant, non qu’elles m’ont dit j’en veux pas, mais elles sont parties, ou elles sont parties après que l’enfant soit parti dans un service de néonat et elles n’ont plus donné suite. Assistante sociale maternité, entretien n° 7.

En effet, si la mère n’a pas reconnu son enfant et qu’elle a disparu, cela va potentiellement enclencher la procédure d’abandon judiciaire (art. 350 du code civil). Son indisponibilité à ce moment précis est, en conséquence, une question essentielle. Dans tous les cas, les parents disposent de l’autorité parentale sur leur enfant, sauf si une décision judiciaire contraire a été prise ou si celui-ci a été reconnu pupille de l’Etat. Dans ce dernier cas, c’est l’Etat qui exerce l’autorité parentale et dispose du droit à consentir à l’adoption.

2) Quand signaler ? 

Avant d’entrer dans le détail de cette question, une remarque préalable nous paraît nécessaire. Une partie des risques tels qu’ils ont été définis, se présentent avant même la naissance de l’enfant, sur le temps de la grossesse. La question qui se pose alors, serait l’éventualité du signalement d’un enfant à naître, ce qui suscite de très fortes controverses, dans l’ensemble des pays. Certaines équipes de maternité sont favorables à des prises de contact avant la naissance avec le parquet, voire à une première transmission. Pour d’autres cette pratique est totalement inenvisageable. Il y a donc une ambiguïté, qui est loin d’être levée par les guides destinés aux professionnels. On peut ainsi lire à ce propos dans un document parisien : «Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, telles que, par exemple,

l’hospitalisation d’office d’une femme enceinte, il peut être utile de rédiger une « information en vue d’un signalement » ayant pour objet de faciliter la décision des magistrats au moment de la naissance. Cette information ne remplace pas le signalement qui devra être fait au moment opportun » (Département de Paris,

2003). Les statistiques de l’ASE de Paris indiquent que cinq signalements avant la naissance ont été effectués en 2000, mais qu’il n’y en a pas eu pour les années postérieures (ASE, 2004). Un juge des enfants parisien nous a confirmé cette

86 Dans ces conditions, on se demande d’ailleurs comment une femme de faible niveau scolaire ou

pratique de signalement pour un enfant à naître, dans le cas précis de l’hospitalisation d’office et qu’il ne lui paraissait pas choquant de préparer son ordonnance de placement en laissant la date en blanc pour attendre la naissance. Dans toutes les autres circonstances, le signalement se situe à l’issue d’une phase de repérage, suivie ou non d’une période d’évaluation et qui met en évidence des manifestations de danger qui vont permettre d’argumenter le signalement.

A- Le repérage  

Dans toutes les situations de placement, le repérage des familles « à risque » a lieu du fait de leur grande visibilité sociale. Ainsi, comme l’explique Isabelle Delens-Ravier, un événement supplémentaire dans ce contexte entraînera une dégringolade : « Une

crise survenant dans un quotidien à l’équilibre précaire, tels la maladie ou le départ du conjoint, marque le début d’une chute sans fin. Les fragilités affectives, relationnelles et matérielles envahissent le champ de l’existence et ne permettent pas de faire face à ce bouleversement. Les problèmes s’accumulent, souvent au départ de difficultés matérielles, et finalement les enfants sont placés » (Debourg Alain (dir.),

2003). Le rôle de la précarité dans la décision de signalement sera spécifiquement examiné ensuite.

Outre ce repérage résultant de la gravité des problèmes sociaux ou des difficultés matérielles, les femmes toxicomanes vont attirer l’attention des services sociaux par leur consommation elle-même, connue ou découverte à l’occasion de cette grossesse.

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