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d) L’absence d’autre solution

Le manque de structures adaptées pouvant assurer une prise en charge de longue durée est dénoncée par tous les professionnels. Un argument serait le coût de tels établissements, ce que conteste cette assistante sociale :

Et bon, est-ce que c’est voulu ? J’en sais rien. Est-ce que on va toujours nous opposer la cherté des choses ? Mais enfin quand on sait combien çà coûte le placement d’un enfant… Voilà. Est-ce que euh, on va installer les gens dans un certain, dans une certaine prise en charge ? Je sais pas.

Est-ce que c’est plus choquant de dire on va placer un enfant et il va coûter entre guillemets sur 18 ans, parce que c’est pas non plus dans les 8 jours que les choses vont se résoudre ? Que de dire oui si on aide trop les mères, elles vont s’installer là dedans…

Je ne sais pas, je ne sais pas qu’est-ce qui fait. Parce que je sais que tout ce qui est structure collective çà coûte très cher, je sais. Est-ce qu’on a réellement envie de s’intéresser à cela ? J’en sais rien. Je sais pas. Enfin, je pense que en tous les cas actuellement, euh, la prise en charge des toxicomanes est, je pense vraiment, je pense, à revoir, pas forcément à changer, mais je pense qu’il y a vraiment des choses à revoir. On a voulu aller trop vite, je sais pas, moi, je pense que les prises en charge sont pas adaptées.

Assistante sociale maternité, entretien n° 7.

En dépit d’un travail en réseau et de la volonté de trouver d’autres solutions, il arrive parfois qu’il soit impossible à un moment donné, ou dans un délai raisonnable de trouver une place dans une configuration particulière.

Alors il y a encore, il y a encore un autre cas, enfin une sous-catégorie de la première (rires) variété qui est le placement, euh, faute d’autre solution. Je pense précisément à un cas clinique qu’on a discuté tout à l’heure dans le cadre de la formation alcool et grossesse, d’une maman toxicomane, substituée, et qui a un problème de dépendance alcoolique très sévère, et vivant dans un squat, d’ailleurs à côté de la gare de [ville], et qui manifestement était incapable de s’occuper de son enfant à la fois compte tenu de ses conditions de logement et de son, de ses difficultés de comportement et … et on a fini par demander, par faire un signalement judiciaire parce que on a été dans l’incapacité absolue de trouver ce qu’on voulait, c’est à dire un placement mère-enfant, enfin un transfert de la mère et de l’enfant dans un moyen séjour spécialisé, permettant, permettant de pouvoir regarder de plus près que avec une mère en mater et un enfant ici, pendant trois semaines, ce qui n’est vraiment pas agréable, pouvoir évaluer la relation mère- enfant. Et puis finalement çà a fini par se faire mais, mais avec plein de retard, des mois de … la mère a fini par admettre elle-même qu’elle était dans l’incapacité de s’occuper de son enfant, ce qui a ce moment là permet un placement, en fait à l’Aide sociale à l’enfance avec maintien des liens, droit de visite négocié, etc. Médecin, entretien n° 1.

En l’absence de place dans une structure d’accueil pour une mère sans domicile, le recours à un placement à l’ASE peut être envisagé, bien que cette solution n’ait pas la faveur des personnels hospitaliers :

Alors on peut aussi avoir un signalement à l’ASE quand on a trouvé aucune structure, aucune solution, car le bébé va être mis en pouponnière parce que la

mère n’a pas où aller. Hein, c’est extrêmement rare ce cas-là et donc la maman pourra aller voir son enfant en pouponnière, en attendant que sa situation s’améliore, euh le problème c’est que, alors pas forcément au niveau de la toxicomanie, on a eu deux ou trois fois le cas, et en pouponnière il faut que les visites sont de telle heure à telle heure, deux fois par semaine, donc pour l’enrichissement du lien mère enfant…c’est pas facile.

Cadre sage-femme, entretien n° 10.

Un cas illustre bien cette absence d’autre solution, celui de la mère qui est incarcérée sans qu’aucune aide ne soit envisageable dans la famille élargie. Elle pourrait sans doute donner son accord pour un placement administratif, mais souvent, le juge des enfants est saisi et ne peut que placer l’enfant.

Alors là c’est madame, alors là c’est aussi une toxicomane, vous vérifierez hein ! alors elle si vous voulez, c’est un dossier, donc il y a une toxicomanie dans ce dossier, c’est une toxicomane, elle a été d’ailleurs incarcérée, parce qu’elle avait de mauvaises fréquentations, hein, un dossier de ce type, et, bon, alors là aussi quand la mère était incarcérée, déjà j’ai placé l’enfant, hein, d’accord, parce que on avait pas trop d’autre solution, mais lorsqu’elle est sortie je lui ai rendu, je lui ai rendu, parce que j’avais pas trop d’éléments et je crois qu’elle était en train de se soigner déjà, elle prenait des produits de substitution…

Juge des enfants, entretien n° 18.

Bien qu’il existe dans certaines prisons la possibilité de garder une mère et un enfant âgé de moins de trois ans, il est rarement possible d’envisager ce type de solution, car elle n’est proposée que par très peu d’établissements pénitentiaires et pour un nombre de places très limité, une cinquantaine sur tout le territoire national (cf.

infra).

Le placement des enfants pour des raisons strictement économiques ou pour une absence de logement est une pratique décrite ici et dans de nombreuses recherches, voire dans quelques rapports ministériels, mais fait l’objet de débats extrêmement houleux car ils sont niés par un grand nombre d’observateurs.

Le recours à une demande judiciaire de placement, lorsqu’une femme est à la fois sans domicile et toxicomane est donc une réalité pour les services de maternité, qui ne peuvent dans ces conditions, mettre en place des mesures qui nécessitent un lieu fixe où visiter l’enfant (PMI, AED, etc.). Les limites de cette situation sont évidentes, l’enfant est protégé par son placement mais sa mère est d’autant moins prioritaire pour l’accès à des lieux d’hébergement qu’elle n’en a plus la garde (cf. infra).

L’absence d’autre solution ce peut être également l’impossibilité de trouver un compromis avec la mère, malgré un travail, par exemple dans une unité mère-enfant et que finalement au bout de quelques semaines, la prise en charge débouche sur un placement :

Bon après, il y a l’adhésion de la personne, elles rencontrent l’équipe, la psychologue, l’assistante sociale, la psychiatre, elles voient, il faut qu’il y ait l’adhésion de la personne, bon ben si çà marche, bon à ce moment-là. Mais d’autres veulent pas du tout, hein ! Et puis si on trouve pas de solution à la limite on est pas obligé de leur en trouver une, c’est aussi… hein !

Nous, à ce moment-là on met la priorité sur l’enfant, hein protéger l’enfant, si il n’y a pas de solution adéquate et que la mère n’adhère pas du tout, nous on protège l’enfant. A ce moment-là après la mère elle se débrouille, alors des fois c’est tellement dur, tellement que la maman finalement, on préfère demander une

hospitalisation psychiatrique, soit une hospitalisation à la demande d’un tiers, ce qui est le plus simple, pour que la maman puisse, passer ce nouveau cap.

Cadre sage-femme, UMB, entretien n° 22.

Comme dans le cas que nous évoquerons ensuite où la mère ne respecte pas le règlement intérieur d’un hébergement collectif, elle fait l’objet d’un renvoi, tandis que seul l’enfant est pris en charge par l’Aide sociale. Cette conjoncture nous a été présentée comme rare.

C- Les placements incontournables 

Le cas le plus souvent évoqué par les professionnels médicaux d’un signalement quasi-immédiat, qui s’impose à eux, est bien évidemment celui où la mère accouche, souvent sans avoir été suivie pendant sa grossesse, reste, dans le meilleur des cas, deux ou trois jours à la maternité, puis disparaît. Quelquefois, elle n’est pas immédiatement perdue de vue car elle se manifeste, souvent par téléphone, mais de toute façon ne vient pas reprendre l’enfant dans un délai raisonnable. Beaucoup de cas de ce genre nous ont été rapportés aussi bien par les médecins que par les assistantes sociales. A cette attitude des mères se superpose la question sensible de la reconnaissance de l’enfant, qui va déterminer son statut juridique.

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