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M ODES D ’ INTERVENTION ORTHOPHONIQUE DANS LE CAS DES

1.0 E VIDENCE BASED PRACTICE (EBP)

Les approches « Evidence-based practice »   sont   apparues   indirectement   par   l’incertitude   de   l’efficacité de   certaines   méthodes   d’intervention.   Elles   cherchent   à   rendre   compte de l’efficacité  des  traitements.

Initialement développées dans le milieu médical, les pratiques fondées sur des données probantes ou pratiques basées sur les meilleures preuves possibles (Evidence-based practice, EBP par la suite),  se  sont  répandues  sur  l’ensemble  des  professions  de  santé,  dans  le  domaine   de   l’éducation   et   notamment   en   orthophonie-logopédie (Yorkston et al., 2001, Baker & McLeod, 2004, Baker & McLeod, 2011a, Baker & McLeod, 2011b, Schelstraete, 2011, Roddam & Skeat, 2010, Durieux, Pasleau & Maillart, 2012).

Cette approche considère que la prise de décision du clinicien se base sur trois données : les données de la recherche   dans   le   domaine   en   question,   l’expérience   du   professionnel   et   les   besoins du patient (Wolter et al., 2010).

Selon Baker & McLeod (2011b), sept étapes sont envisagées dans la démarche de la prise de décision du clinicien (cf. Tableau 6).20

20 Modèle adapté à partir de celui de Gillam & Gillam, 2006.

Souvent, les EBP reposent sur un modèle en cinq étapes en se fondant sur les travaux de Sackett et al. (1996, 2000) : 1) formulation de la question clinique, 2) recherche des articles les plus pertinents, 3) évaluation de la validité  et  de  l’intérêt  des  résultats  et  extraction  des  preuves,  4)  utilisation  des  preuves  dans  les  soins  apportés  au   patient,  5)  l’auto-évaluation. Nous préférons considérer la démarche de Baker & McLeod (2011b), qui est plus récente et qui a été développée par rapport aux troubles du développement langage et à la pratique orthophonique.

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Tableau 6 - Etapes du processus de décision basé sur l'"evidence-based practice" extrait de Baker & McLeod, 2011b : 141

Formuler une question clinique

Les  auteurs  proposent  l’acronyme  PICO  comme  une  aide  pour  formuler  la  question  clinique  à   partir des éléments suivants :  Patient  ou  Population,  Intervention,  Comparaison  et  ‘Outcome’ (les résultats).

Brackbenbury et al. (2008) proposent un exemple pour formuler une question clinique à partir des informations obtenues par « PICO ». Voici les informations : (P) les enfants préscolaires présentant des troubles phonologiques, (I) recevant un traitement de type Metaphon, (C) comparer à des enfants recevant un traitement articulatoire, (O) amélioration de l’intelligibilité  de  la  parole.  La  question  clinique  formulée  est   alors : La méthode Metaphon peut-elle   améliorer   davantage   l’intelligibilité   du   discours   d’enfants   d’âge   préscolaire   présentant  des  troubles   phonologiques  qu’un  traitement   articulatoire ? (voir Durieux et al., 2012 pour  d’autres  exemples  de  questions  cliniques).

Lorsque la question clinique est formulée, il faut alors rechercher les données et la réponse dans la littérature.

Récolter les données externes qui concernent la question clinique

La deuxième étape consiste à rechercher les « evidences »   c’est-à-dire les preuves, les faits, les données de la recherche fondamentale pour répondre à la question clinique. Ces

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recherches se font de manière générale sur les bases de données spécialisées ou sur les sites d’associations   de professionnels (Brackenbury et al., 2008).   Il   est   primordial   d’examiner   la   fiabilité des documents trouvés.

Evaluer les données externes

La qualité des études menées (méthodologie utilisée, facteurs, etc.) et la fiabilité des résultats doivent   être   considérées   puisque   toutes   les   études   n’apportent   pas   des   preuves   équivalentes   (Brackenbury et al., 2008). Différents types de données sont disponibles : études de cas, essais cliniques, différentes pathologies, etc. Ainsi, dans une revue systématique de la littérature (e.g. Ebbels, 2014, Gerber et al., 2012, Strong et al., 2011), il sera nécessaire de voir  si   l’ensemble  des  informations  méthodologiques   est donné ou  s’il  est   plus   pertinent   de   travailler  sur  les  articles  ‘sources’.

Le classement des preuves est souvent schématisé par une pyramide : les revues de synthèse méthodique,  les  études  expérimentales,  les  études  d’observation,  les  revues  non  méthodiques   de la littérature (ne se basant pas sur des preuves). Par exemple, les études randomisées et contrôlées (randomized controlled trials,   RCTs)   sont   considérées   comme   étant   d’un   niveau   supérieur aux études de cas (cf. Tableau 7 pour un exemple de hiérarchisation, Brackenbury et al., 2008).

Tableau 7 – Exemple de publications hiérarchisées en fonction de la qualité des données, extrait de Brackenbury et al., 2008 : 80

Dans  l’ensemble  des  publications  trouvées,  certaines  variables  de  l’étude sont essentielles et doivent   être   indiquées   à   savoir   la   population,   l’âge,   les   informations   sur   la/les   personne(s) réalisant  l’intervention  (un / une orthophoniste, un enseignant, un assistant, un parent, etc.), le fonctionnement de la séance (interaction dyadique ou en groupe), la durée du traitement, la répartition  et  la  fréquence  des  sessions,  etc.  Toutes  les  variables  de  l’étude  sont  importantes  

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(Ebbels, 2014).  L’efficacité d’une  intervention  doit  considérer si les améliorations et les effets sont   maintenus   suite   à   l’arrêt   de   l’intervention,   s’il   y   a   une   généralisation   à   des   cibles   linguistiques similaires mais non travaillées en séance, et si cela a un effet sur le langage en interaction (appelé le plus souvent « langage spontané ») (Ebbels, 2014).

Evaluer les données internes liées à la pratique clinique

La   pratique   du   clinicien   est   primordiale.   Elle   l’aide   à   considérer   les   différents   traitements   envisageables.   L’EBP encourage les praticiens à collecter (par prise de notes, par des évaluations régulières de leurs pratiques, etc.) les données probantes issues de leur pratique clinique de manière rigoureuse.

Evaluer les données internes en relation avec le patient, ses valeurs et ses préférences

La décision finale de la prise en charge doit tenir compte du patient, de sa famille et de leurs préférences. Par exemple, dans le cadre de troubles spécifiques du développement du langage, il sera peut être plus important de travailler des items lexicaux nécessaires pour améliorer la communication dans le milieu familial et scolaire ou impliquer les parents dans le traitement. Combiner les trois sources de données pour prendre une décision clinique

Le  praticien  doit  à  ce  stade  évaluer  l’ensemble  des  données  (de  la  recherche,  de  la  pratique,  du   patient) pour prendre sa décision finale sur la prise en charge de la rééducation.

Evaluer les résultats de la décision

Enfin, le professionnel évalue sa   décision   en   rendant   compte   de   l’efficacité du traitement proposé.  Cette  étape  n’est  pas  simple.  Schelstraete  (2011)  propose  un  exemple  pour  évaluer   les performances du patient au début, en cours et en fin de traitement de manière répétée par des « lignes de base ».  Ces  lignes  de  base  sont  crées  à  partir  d’une  ou  de  plusieurs  mesures   que  l’orthophoniste  prend  en  compte  pour  évaluer  les  compétences du patient. Par exemple, si le  traitement  vise  le  développement  lexical,  on  utilise  deux  listes  d’items : une première liste constituée  d’items  utilisés  lors  du  traitement  (liste  A)  et  une  deuxième  liste  composée  d’items non travaillés en séance (liste B).  L’apprentissage  ciblant  des  items  particuliers,  on  s’attend  à   ce que les performances du patient soient meilleures pour la liste A après le traitement que pour  la  liste  B.  Il  faut  tout  d’abord  bien  définir  la  cible  du  traitement  (des  items  spécifiques  ou des stratégies qui  peuvent  s’appliquer  à  divers  items  et  se  généraliser).

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La littérature décrit souvent un écart important entre les résultats de la recherche et la pratique clinique (Rosenberg & Donald, 1995, Skeat & Roddam, 2010, Muttiah, Georges & Brackenbury, 2011).  L’EBP permet de créer un lien plus fort entre la recherche et la pratique professionnelle.   Toutefois,   à   partir   d’interviews   effectuées avec des praticiens (orthophonistes), certains obstacles ont été notés (Gallagher & Chiat, 2009, Skeat & Roddam, 2010), notamment les incertitudes liées à la mise en pratique de cette approche, les difficultés à accéder aux données de la recherche (accessibles le plus souvent sur des bases de données payantes),  la  nécessité  d’avoir  des  compétences  en  lecture  d’articles  scientifiques  et  le  temps   estimé pour faire ces recherches et lire les résultats de celles-ci (Skeat & Roddam, 2010). Par exemple,   l’ensemble   de   la   démarche   a   été   évaluée à 7h de travail (dans des conditions universitaires facilitées, selon Maillart & Durieux, 2011). Ces obstacles sont réels mais ils peuvent être surmontés en renforçant la formation initiale des cliniciens (Spek et al., 2013) et leur formation continue (Dodd, 2007, Roddam & Skeat, 2010).  L’EBP  permet  de  proposer  au   patient le meilleur traitement possible. De plus, pour la pratique professionnelle, cette démarche est un gage de qualité (Durieux et al., 2012) car elle encourage la mise à jour de ses connaissances.

L’approche  EBP a  fait  l’objet  de  certaines  critiques  notamment  par  la  mise  en  évidence  des   limites théoriques et pratiques (Nevo & Slonim-Nevo, 2011). Ainsi, certains préconisent un modèle de type « Evidence-Informed practice » (EIP, pratiques informées par des résultats probants) en encourageant les professionnels à approfondir leurs connaissances dans le domaine et à les   intégrer   à   leurs   pratiques   tout   en   considérant   l’expérience   clinique,   leur   jugement,   les   préférences   du   patient   et   le   contexte   d’intervention.   Contrairement   à   l’EBP,   l’EIP  considère  que  la  recherche  enrichit  les  pratiques  et  les  décisions  cliniques  mais  sans  s’y   restreindre (Epstein, 2009).

Observons désormais les données externes apportées par la recherche fondamentale et clinique dans le cadre des troubles du développement du langage selon  qu’elles  s’inscrivent   dans des approches structurales et   instrumentales   (cf.   section   2)   ou   qu’elles   s’orientent   davantage vers des approches centrées sur le développement des capacités langagières dans une approche interactionniste (cf. section 3).

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