M ODES D ’ INTERVENTION ORTHOPHONIQUE DANS LE CAS DES
2.1 T RAITEMENT DES TROUBLES PHONOLOGIQUES ET METAPHONOLOGIQUES
2.1.3 I NTERVENTIONS QUI SE FOCALISENT SUR LE DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES METAPHONOLOGIQUE
Les premières études24 qui ont travaillé sur les compétences métaphonologiques des enfants se sont le plus souvent intéressées aux relations éventuelles entre les compétences métalinguistiques et les difficultés et/ou compétences en littératie afin d’observer si des difficultés au niveau de la conscience phonologique (principalement) pouvaient être la cause de difficultés dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (Morais et al., 1979, Magnusson & Nauclér, 1989, Magnusson & Nauclér, 1990, Magnusson & Nauclér, 1993 etc.). De manière générale, l’entraînement à la conscience phonémique améliore les performances des enfants sans troubles du langage d’âge pré-scolaire aux tâches de conscience phonologique (cf. Olofsson & Lundberg, 1983, Byrne & Barnsley-Fielding, 1991, Torgesen, Morgan & Davis, 1992), malgré quelques différences individuelles. De plus, les effets de plusieurs méthodes d’intervention sur les compétences métaphonologiques des enfants ont été évalués. Par exemple, Fox & Routh (1984) ont montré que les enfants d’âge pré-scolaire entraînés à la segmentation et à la fusion de phonèmes progressent davantage que ceux qui sont seulement entraînés à la segmentation phonémique. Il semble donc important de manipuler consciemment les phonèmes pour le développement des compétences
24 Nous ne nous intéressons pas aux méthodes d’intervention qui se centrent sur un entraînement aux
correspondances graphèmes-phonèmes (Bus & Van Ijzendoorn, 1999 ; Ehri et al., 2001 ; Byrne & Fielding- Barnsley, 1989 ; Blachman et al., 1999). Celles-ci correspondent davantage à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture soit dans le développement typique soit dans le cadre des troubles du développement de l’apprentissage du langage écrit.
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métaphonologiques et l’apprentissage du langage écrit (Fox & Routh, 1984, Van Reybroeck et al., 2006).
Comme nous l’avons vu précédemment (cf. Chapitre II, 2.3), les enfants dysphasiques présentent plus de difficultés dans les tâches métaphonologiques que les enfants tout-venant (J. Bird & Bishop, 1992, Joffe, 1998, Major & Bernhardt, 1998, Leybaert et al., 2004). Par conséquent, un intérêt particulier a été porté aux relations entre les compétences phonologiques et métaphonologiques et aux relations entre troubles phonologiques et/ou métaphonologiques et les difficultés d’apprentissage de la lecture et de l’écriture (Bishop & Adams, 1990).
Parallèlement, d’autres études se sont attachées à voir les effets des interventions phonologiques et/ou métaphonologiques sur les compétences métaphonologiques des enfants présentant des troubles du langage (principalement des troubles phonologiques modérés à sévères). Certaines se sont focalisées sur les effets d’une seule méthode d’intervention (Van Kleeck, R. Gillam & McFadden, 1998, Gillon, 2000, Crosbie & Dodd, 2001, Gillon, 2002,) sur les compétences métaphonologiques tandis que d’autres ont comparé les effets de deux méthodes d’intervention : une intervention en phonologie vs. une intervention en phonologie et en métaphonologie (Major & Bernhardt, 1998, Bernhardt & Major, 2005, Major & Bernhardt, 1998) ou une intervention articulatoire vs. une intervention en métaphonologie (Hesketh et al., 2000). De plus, les effets de ces méthodes d’intervention ont été observés sur différentes populations et/ ou différents groupes d’enfants : des enfants présentant des troubles phonologiques ou des troubles du développement du langage (y compris des troubles syntaxiques et lexicaux) et des enfants tout-venant.
Crosbie & Dodd (2001) ont proposé un traitement se focalisant sur la discrimination auditive à une enfant, Amy, âgée de 7 ans, présentant des troubles du développement du langage sur les versants réceptif et expressif. Amy a eu un total de 8 sessions avec un clinicien, 2 fois par semaine. Suite au traitement, des progrès significatifs en discrimination auditive ont été observés. Ses performances sont équivalentes à ses pairs d’âge chronologique et elles sont maintenues 12 mois après l’intervention. Cependant, bien que les performances d’Amy soient égales à ses pairs d’âge, il n’y a pas eu d’effets sur les autres compétences langagières (que ce soit en compréhension ou en production). Les progrès de l’enfant sont donc spécifiques au domaine du traitement (discrimination auditive).
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Dans le cadre d’une étude portant sur 19 enfants présentant des troubles phonologiques de modérément sévères à sévères âgés entre 3;0 et 4;11 ans, Major & Bernhardt (1998) montrent que neuf de ces enfants améliorent leurs scores aux tâches métaphonologiques suite à un traitement phonologique25. Cependant, les effets observés peuvent également être liés à des facteurs internes tels que l’âge, la gravité et l’hétérogénéité des troubles. En effet, suite au traitement, les plus jeunes enfants présentent toujours autant de difficultés en conscience phonologique, et les enfants ayant des troubles sévères ou des difficultés linguistiques variées présentent de faibles améliorations. Diverses études indiquent que les enfants, n’améliorant pas leurs performances suite à un traitement phonologique ou présentant des troubles linguistiques variés, ont besoin d’avoir un entraînement métaphonologique de manière complémentaire pour améliorer leurs compétences métaphonologiques et/ou en littératie (Major & Bernhardt, 1998; A. Hesketh et al., 2000, Gillon, 2002, Tyler et al., 2011).
A. Hesketh et al (2000) ont comparé les effets d’une méthode d’intervention métaphonologique (de type METAPHON) et une méthode d’intervention basée sur l’articulation sur 61 enfants présentant des troubles phonologiques âgés entre 3;;6 et 5;;0 ans. Les effets de ces interventions ont été contrôlés par rapport à un groupe contrôle de 59 enfants tout-venant, et par l’évaluation des productions phonologiques et des compétences métaphonologiques avant et après le traitement ainsi que 3 mois après la période d’intervention. Les enfants présentant des troubles phonologiques ont progressé à la fois au niveau phonologique et au niveau de la conscience phonologique, comme les enfants tout- venant. S’agissant des méthodes d’intervention, aucune différence significative n’a été observée entre elles immédiatement après le traitement. En revanche, trois mois après le traitement, les performances des enfants ayant reçu l’intervention de type métaphonologique étaient meilleures que celles des enfants ayant eu l’intervention de type articulatoire.
Les études qui portent sur les compétences métaphonologiques des enfants présentant des troubles du développement du langage observent des résultats hétérogènes qui sont le plus souvent liés à des différences méthodologiques (comme la population, les tâches évaluatives, etc.). En effet, différents résultats sont observés selon le type de troubles suite à un traitement
25 Malgré la possibilité que ces progrès soient dus à la maturation, les enfants avec des troubles phonologiques
ont tendance à améliorer leurs compétences métaphonologiques de manière très lente voire à ne pas les perfectionner sans un traitement spécifique (Major & Bernhardt, 1998).
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phonologique : les enfants présentant seulement des troubles phonologiques améliorent davantage leurs performances que les enfants dysphasiques ayant des troubles linguistiques divers en production et en compréhension (Shriberg & Kwiatkowski, 1988, Bishop & Adams, 1990, Catts, 1993). Les différences observées sont également à mettre en relation avec la manière dont les chercheurs évaluent les compétences métaphonologiques. Ainsi, par exemple, pour évaluer la mémoire phonologique, des tâches de répétition de phrases peuvent être proposées (Webster & Plante, 1992, Webster, Plante & Couvillian, 1997) ou de répétition de pseudo-mots (Gillon & Dodd, 1995) ; et pour tester la conscience métaphonologique, des tests de rime, d’allitération, de segmentation de diverses unités avec ou sans support visuel sont réalisés (Magnusson & Nauclér, 1989, Catts, 1993, D. Bird et al., 1995, Webster et al., 1997, Gillon, 2002). Il est donc difficile de comparer les diverses études entre elles.
Ces études montrent toutefois que les traitements phonologiques ont des effets sur les compétences phonologiques des enfants, même si des différences sont observées selon la gravité des troubles des enfants. Ainsi, un traitement de type ‘Metaphon’ sera plus efficace pour un enfant ayant des troubles phonologiques avec des erreurs stables et systématiques (vs. variables, cf. Chapitre II, paragraphe 2.1) et il est conseillé pour des enfants ayant atteint un certain niveau linguistique. Par ailleurs, un traitement métaphonologique et/ou la mise en place de stratégies alternées (phonologique, syntaxique) peuvent également être recommandés de manière complémentaire pour les enfants présentant des troubles linguistiques variés. Dans la littérature, la majorité des traitements décrits pour remédier aux troubles phonologiques reposent sur des exercices structuraux se limitant au mot, voire à l’énoncé comme unité. Or, certaines études mettent en évidence l’efficacité d’une approche centrée sur la communication et l’interaction par une procédure de stimulation ciblée dans des activités diverses (comme une lecture de livre conjointe) sur les compétences phonologiques (cf. paragraphe 3.1).