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T ROUBLES DU DEVELOPPEMENT DU LANGAGE

5.3 L ES COMPETENCES DISCURSIVES

Parallèlement   aux   travaux   portant   sur   la   gestion   de   l’interaction,   d’autres   travaux   se   sont   intéressés   à   l’organisation   et   au   fonctionnement   des   discours.   Les   aspects les plus étudiés concernent la planification des discours, la connexion et la cohésion anaphorique des discours (voir de Weck, 2004 pour une synthèse). De manière générale, les recherches ont montré que même si les enfants dysphasiques présentent une certaine sensibilité aux variations des conditions de production, ils ont des difficultés à passer de la polygestion à la monogestion lorsque   la   situation   l’exige.   De   plus,   la   participation   verbale   des   enfants   dysphasiques au dialogue diffère selon le genre de discours (de Weck & Rosat, 2003). Ceci montre que les enfants ont plus de difficultés   à   entrer   dans   certains   genres   que   dans   d’autres   (de Weck, 1996).

Le  genre  le  plus  étudié  est  la  narration.  Il  s’agit  d’un  genre  présentant  un  ensemble  de  règles avec   une   dimension   chronologique   ainsi   qu’une   tension   narrative.   De   manière   générale,   les   enfants dysphasiques présentent des difficultés à produire ce genre de discours (Botting, 2002, Pankratz et al., 2007, Dodwell & Barvin, 2008, Chang, 2008) y compris les enfants PLI (Ketelaars et al., 2012). Plus précisément, les enfants dysphasiques présentent des difficultés pour élaborer des séquences narratives complètes (Merritt & Liles, 1989, de Weck & Rosat, 2003). Merrit & Lilles ont observé deux types de narration : une histoire inventée par les enfants  et  une  histoire  restituée  après  l’avoir  présentée  oralement  à  des  enfants  âgés  entre  9  et   11   ans.   Dans   les   deux   situations,   les   enfants   dysphasiques   produisent   moins   d’épisodes  

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narratifs complets. Entre les deux situations, des différences ont été observées : dans le cas de la   restitution,   l’histoire   est   plus   longue   et   comprend   davantage   de   constituants.   De   même,   Dodwell & Bavin (2008) montrent que les enfants dysphasiques ont des performances plus faibles  dans  une  tâche  de  narration  que  lors  d’une  restitution.  Lors  de  la  narration  d’un  conte   (de Weck & Rosat, 2003), les enfants tout-venant parviennent à rendre compte de la mise en intrigue même si la phase de   la   force   transformatrice   se   construit   avec   l’âge   et   n’est   systématiquement  formulée  qu’à  partir  de  6  ans.  De  plus,  ils  mentionnent  moins  fréquemment   les phases initiale et finale. En revanche, dans les narrations des enfants dysphasiques, l’événement   déclencheur   (c’est-à-dire la force transformatrice) est rarement formulé. Ainsi, un  enchaînement  d’actions  est  mis  en  place  mais  avec  une  mise  en  intrigue  tronquée.

Dans  le  cadre  d’une  étude  travaillant  sur  différentes  situations  d’énonciation  (la construction d’un   bonhomme,   un   jeu   symbolique, la narration du conte de Blanche-Neige et un récit d’expériences   personnelles),   de   Weck   (1997) a montré des variations dans la participation verbale des enfants dysphasiques et des groupes contrôles. En effet, les enfants du groupe témoin présentent une dichotomie entre les productions monogérées (narration et récit d’expériences   personnelles)   et   les   productions   polygérées   (dialogue injonctif et dialogue de jeu symbolique). Pour la narration, ces enfants vont être capables dès 5 ans de gérer la majorité   de   la   production   verbale   devenant   ainsi   de   plus   en   plus   autonomes   avec   l’âge.   Le   taux   de   participation   verbale   d’un   genre   à   l’autre   chez   les   enfants tout-venant   n’est   pas   le   même (productions monogérées vs.   productions   polygérées),   alors   qu’il   varie   peu   pour   les   enfants dysphasiques. En effet, la participation de ces derniers est de 30% environ dans les situations de narration et de jeu symbolique,   29%   dans   celle   du   récit   d’expériences   personnelles et 24% dans la situation de dialogue injonctif. Les résultats révèlent des difficultés à produire des discours monogérés. Leurs difficultés, à produire un discours monogéré,   s’observent   jusqu’à   6   ans. Les enfants dysphasiques participent moins que l’interlocuteur   adulte   dans   toutes   les   situations   et   à   tous   les   âges,   et   moins   que   les   enfants   contrôles   de   4   ans.   Les   différences   entre   les   deux   groupes   d’enfants   peuvent   s’observer   principalement dans la production de narration.

Les phénomènes de textualisation (Bronckart, 1996), la connexion et la cohésion, ont également été observés dans le discours des enfants dysphasiques.  S’agissant  de  la  connexion  

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des textes, le plus souvent lors de narration, ces derniers utilisent moins de connecteurs que les enfants tout-venant de même âge (entre 4 et 6 ans). Les enfants dysphasiques connectent moins leurs discours en juxtaposant leurs interventions à ceux de leurs interlocuteurs (Liles, 1987, Craig, 1991, Kaderavek & Sulzby, 2000, Chang, 2008).   Lorsqu’ils   utilisent   des   marqueurs  textuels,  il  n’y  a  pas  de  difficulté  d’emploi  (de Weck & Rosat, 2003).  S’agissant  de la  cohésion  anaphorique,  les  travaux  s’intéressent  le  plus  souvent  à  la  manière  dont  les  enfants   gèrent les chaînes anaphoriques.

L’introduction   des   référents   dans   le   dialogue se fait préférentiellement par des syntagmes nominaux en situation de lecture de livre (sans texte) par les enfants avec ou sans troubles du développement du langage âgés entre 5;6 et 7;5 ans (Salazar Orvig & de Weck, 2013). Dans cette même recherche, il a été constaté que les enfants dysphasiques omettent plus souvent des référents que les enfants tout-venant   mais  ces  omissions  apparaissent   surtout  lorsqu’ils  sont   accessibles19 (Rezzonico, Bernasconi & de Weck, 2013). Malgré une fréquence plus importante   d’omissions,   les   profils   des   enfants   ne   s’opposent   pas   radicalement   puisque   des   omissions sont également observées dans le discours des enfants tout-venant. Par ailleurs, ces omissions  n’entravent  pas  la  compréhension. Celle-ci est maintenue principalement grâce à la situation et au partage du support, le livre, par les deux locuteurs (la mère et son enfant). Cependant,   d’autres   chercheurs   indiquent   que   les   enfants   dysphasiques   présentent   des   difficultés pour introduire les personnages de manière adéquate dans une narration en employant plus de pronoms que de syntagmes nominaux alors que ces derniers sont attendus (Schelletter & Leinonen, 2003). Dans   la   gestion   de   la   chaîne   référentielle,   l’utilisation   de   pronoms anaphoriques ambigus a souvent été mise en évidence dans le discours des enfants dysphasiques (Liles, 1985a, Liles, 1985b ; Liles, 1987, Norris & Bruning, 1988). Par exemple, ces derniers emploient un même pronom pour référer à deux personnages différents ou  commettent  des  erreurs  d’accord  en  genre  ou  en  nombre  (Liles, 1993).

Malgré leurs difficultés linguistiques, les enfants dysphasiques ont des compétences discursives (de Weck, 1997).  En  effet,  ils  présentent  des  capacités  lorsqu’il  s’agit  de  produire   des dialogues ancrés dans la situation matérielle de production (en opposition avec des

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situations plus difficiles qui nécessitent   l’évocation   de   référents   absents   et   la   création   d’origine  temporelle  comme  pour  la  narration  et  le  récit  d’expériences  personnelles).  Selon  de Weck (1997), la passivité des enfants dysphasiques souvent décrites dans la littérature est à mettre en relation avec leurs difficultés à organiser et à planifier un discours, principalement s’il   faut   produire  une  structure  conventionnelle  comme  la  narration.  D’autre  part,  le  rôle  de   l’adulte  dans  la  co-production est central. Observons ainsi les caractéristiques des interactions adulte-enfant dysphasiques, et plus précisément la façon dont les adultes interagissent avec des enfants présentant des troubles spécifiques du développement du langage.

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