M ODES D ’ INTERVENTION ORTHOPHONIQUE DANS LE CAS DES
3.6 L A GUIDANCE PARENTALE
Parallèlement à une prise en charge orthophonique, un accompagnement parental peut être proposé. Cet accompagnement est parfois appelé « guidance parentale » ou « guidance interactive ». Il s’agit d’une intervention indirecte complémentaire à un traitement orthophonique centré sur l’enfant dans le cadre d’une approche interactionniste de l’acquisition du langage. Parmi les différentes formes de guidance, on relève par exemple la le programme Hanen (Manolson, 1992, Girolametto & Weitzman, 2006), le modèle écologique d’intervention (Sylvestre et al., 2002) ou des programmes d’interventions parentales (Monfort, 1996).
Sans que ce soit réellement défini, il semblerait que les expressions « guidance parentale » et « guidance interactive » ne soient pas toujours synonymes. Parfois, « guidance parentale »
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renvoie à un accompagnement sous forme de conseils répétés et l’éventuelle présence des parents lors de certaines séances de rééducation et « guidance interactive » correspond à une démarche alternant des sessions d’interaction parent-enfant et des sessions entre les parents et l’orthophoniste. Toutefois, ces différences ne sont pas décrites explicitement et elles sont rarement définies. De plus, elles ne sont pas adoptées par tous les auteurs. Il existe diverses pratiques de la guidance parentale allant de la présence des parents lors des séances d’orthophonie à une approche plus réflexive sur les conduites que les locuteurs peuvent avoir en dialogue et qui peuvent favoriser le développement langagier des enfants. Nous nous proposons de décrire un exemple de guidance parentale.
L’objectif de la guidance parentale est de permettre aux parents d’avoir un rôle plus important dans le développement langagier de leur enfant en leur offrant des moyens pour adapter leur langage à celui de l’enfant et à ses besoins. Ainsi, cette intervention est centrée sur les interactions adultes-enfant et elle prend appui sur les connaissances de la recherche fondamentale portant tout particulièrement sur le langage adressé aux enfants et ses effets sur le développement du langage (cf. Chapitre I).
Le plus souvent, la démarche consiste à alterner des sessions d’interaction autour d’un jeu entre l’enfant et un de ses parents et des sessions où l’orthophoniste et le / les parent(s) visionnent et commentent ensemble des extraits vidéos des sessions d’interaction enregistrées. Le but est de sensibiliser les parents aux conduites de leur enfant et à leur façon d’intervenir dans l’interaction. Cette approche a une dimension réflexive en observant ses propres conduites dans le dialogue et la façon d’interagir avec un autre. Ils prennent ainsi conscience qu’ils peuvent contribuer au développement langagier de leur enfant en diversifiant les activités et les discours liés à ces activités (raconter, expliquer, argumenter, décrire, etc.) et en participant à des activités propres à l’enfant (Rosat, 2005). Dans ce mode d’intervention, le rôle et le positionnement de l’orthophoniste est différent des autres traitements orthophoniques. Dans ce cas, l’expert devient l’observateur des interactions et des conduites des parents et de l’enfant et il laisse le rôle d’acteur aux parents. Cette démarche se donne pour objectif d’avoir un double effet : un effet sur le discours des parents adapté aux besoins communicatifs de l’enfant et indirectement un effet sur le développement langagier de ce dernier.
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Une étude s’est intéressée à l’effet à moyen terme (sur 6 mois) d’une intervention centrée sur la guidance parentale. Maillart et al. (2011b) ont suivi quatre dyades parent-enfant âgés entre 2;7 et 4;5 ans et présentant un retard de développement du langage. Ces chercheurs et cliniciens ont proposé aux parents le programme de guidance logopédique parentale de l’Université de Liège. L’intervention propose d’une part, cinq sessions collectives en groupe de parents au sein desquelles deux orthophonistes présentent différentes stratégies à employer en interaction (cf. infra), et d’autre part, trois sessions individuelles entre les parents et l’enfant où ces derniers sont enregistrés en interaction. La première session dite individuelle a lieu avant les sessions collectives, la deuxième session trois mois après et la troisième session six mois après l’intervention professionnelle. Lors des sessions collectives, les stratégies présentées sont : celles centrées sur l’enfant (e.g. suivre l’attention de l’enfant), celles dont l’objectif est de promouvoir l’interaction (e.g. poser des questions, encourager l’enfant) et des stratégies langagières dite de ‘modelage du langage’ (expansion, reformulation, allongement, incitation, autoverbalisation sur l’activité propre au locuteur, verbalisation parallèle en formulant les actions de l’enfant). Les résultats montrent que le nombre de techniques employées par les adultes en interaction avec leur enfant augmente suite à l’intervention à savoir entre la première et la deuxième session et diminue entre la deuxième et la troisième session. Malgré cette diminution, le nombre de techniques employées lors de la troisième session est supérieur à celui de la première session. Ainsi, les adultes s’approprient les techniques présentées par les orthophonistes et ils continuent à les employer six mois après. En revanche, la longueur des énoncés et la diversité lexicale des adultes ne varient pas entre la première et la troisième session individuelle contrairement à d’autres études. En effet, suite à une intervention centrée sur la stimulation et ciblant les interactions parents-enfant présentant un retard de langage, Girolametto, Pearce & Weitzman (1996) ont observé que le langage des mères ayant eu l’intervention était différent de celui des mères en attente d’intervention : il était plus lent, moins complexe et davantage focalisé sur l’attention de l’enfant.
Parallèlement aux effets observés sur le discours des adultes, ce mode d’intervention centrée sur les interactions et l’apport de l’adulte a également des effets positifs sur le développement langagier de l’enfant notamment au niveau lexical. Girolametto, Pearce & Weitzman (1996) rapportent que les enfants ayant un retard de langage emploient plus de mots en interaction et
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selon les rapports parentaux, il ont un répertoire lexical plus étendu. A partir d’une procédure d’intervention semblable, diverses études ont montré des effets sur le développement langagier des enfants présentant des troubles réceptifs et expressifs du langage notamment au niveau lexical (Alpert & Kaiser, 1992) et morphosyntaxique (Fey et al., 1993, Baxendale & A. Hesketh, 2003).
Les recherches portant sur la guidance parentale ou des interventions centrées sur les interactions parent-enfant mettent en évidence des résultats positifs. Toutefois, elles restent encore peu fréquentes et doivent être développées sur un nombre plus important de dyades et sur une population issue de milieux socio-économiques variés.