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I NTERVENTIONS CIBLANT DES ASPECTS PRAGMATIQUES ET DISCURSIFS

M ODES D ’ INTERVENTION ORTHOPHONIQUE DANS LE CAS DES

3.5 I NTERVENTIONS CIBLANT DES ASPECTS PRAGMATIQUES ET DISCURSIFS

Que les enfants présentent ou non des troubles pragmatico-discursifs, il est essentiel de considérer   cet   aspect   dans  la  mise  en  place  d’une  intervention  orthophonique  (Schelstraete, 2011).   L’un  des  objectifs  de  la  rééducation  est   de  permettre  à  ces  enfants  de  communiquer   avec   autrui   et   ainsi   d’améliorer   leurs   compétences   pragmatiques   et   discursives.   Toutefois, très   peu   d’études   s’intéressent   aux   méthodes   d’intervention   visant   à   améliorer   ces   performances (pour une revue de la littérature voir Peterson, 2011 et Gerber et al., 2012) dans le   cadre   d’une   dysphasie   phonologique-syntaxique   (contrairement   à   d’autres   pathologies   comme  l’autisme,  cf.  Petersen, S. L. Gillam, R. B. Gillam, 2014). Par ailleurs, les méthodes employées sont rarement décrites de manière explicite (Peterson, 2011). Nous proposons de considérer certaines études qui se sont intéressées soit aux troubles pragmatiques (S. Merrison & A. J. Merrison, 2005, Adams et al., 2006) soit aux troubles discursifs et plus spécifiquement  au  traitement  basé  sur  la  narration  pour  des  enfants  d’âge  scolaire  (Spencer & Slocum, 2010, Spencer et al., 2014) ou pré-scolaire (Swanson et al., 2005, Le Normand et al., 2011) des enfants dysphasiques avec ou sans troubles pragmatiques (PLI vs. SLI). Ces recherches sont le plus souvent des études exploratoires dans le domaine.

Intervention sur des aspects pragmatiques

Adams et al. (2006) ont proposé à cinq enfants présentant des troubles pragmatiques (PLI) sans troubles autistiques âgés entre 6 et 9;11 ans un traitement, ciblant les compétences pragmatiques, constitué de 3 sessions par semaine d’une   heure   pendant   8   semaines. Le traitement  se  focalise  sur  les  règles  conversationnelles  et  discursives,  l’alternance  des  tours  de   parole, la compréhension des inférences, les formulations en conversation ou en narration et il  ne  cible  pas  des  aspects  formels  du  langage,  tels  que  l’évocation  lexicale,  la  phonologie,  la   production syntaxique ou la compréhension morphosyntaxique des énoncés. Le but de l’intervention   est   d’aider   ces   enfants   à   communiquer   avec   d’autres   personnes   de   manière  

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efficace. Tous les enfants ont montré des changements positifs en communication, notamment sur certaines mesures de communication standardisées et ces changements ont également été perçus par les parents et les enseignants. Toutefois, les enfants ne présentent pas tous les mêmes progressions et les résultats sont très hétérogènes.

Une   autre   étude   s’est   également   intéressée   au   traitement   des   troubles   pragmatiques   en   se   centrant sur la question des réparations (S. Merrison & A. J. Merrison, 2005).   L’étude   est   constituée   de   trois   groupes   d’enfants   âgés   entre   7   et   11   ans : 1) des enfants présentant des troubles   pragmatiques   (PLI,   N=3),   2)   un   groupe   d’enfants   présentant   des   troubles   du   développement du langage sans  troubles  pragmatiques  (SLI,  N=3),  et  3)  un  groupe  d’enfants   tout-venant (N=3). Le traitement  est  constitué  d’une  séance  par  semaine  pendant  6  semaines   et porte sur une tâche de communication référentielle dont le but est de suivre des instructions pour tracer une route sur une carte. Cette tâche permet aux participants  d’avoir  l’opportunité   d’initier   des   réparations   et   permet   également   d’évaluer   l’évolution   des   compétences   pragmatiques des enfants. Au cours de la tâche, le clinicien donne, par exemple, des informations ambigües (e.g. « continue  d’avancer  en  prenant  le pont » alors  qu’il   y  a  deux   ponts)  offrant  ainsi  l’opportunité  à  l’enfant  d’initier  des  réparations.  Le  groupe  d’enfants  PLI   est le seul à présenter des difficultés à initier des réparations dans la conversation et à avoir des difficultés à accomplir la tâche.   Le   traitement   proposé   aux   PLI   s’est   focalisé   sur   des   conduites   pragmatiques   explicites,   telles   que   demander   des   informations   lorsqu’il   y   a   un   problème de compréhension, donner des informations importantes aux autres et vérifier les informations données dans différentes tâches de communication. Les SLI ont eu un traitement  sur  des  aspects  formels  mais  n’ont  pas  eu  de  traitement  portant  spécifiquement  sur   des compétences pragmatiques et les enfants tout-venant  n’ont  pas  eu  de  traitement.  Suite  au   traitement, les enfants PLI progressent en initiant des réparations plus fréquemment (78% en post-test vs. 0% en pré-test) et ils parviennent à réaliser la tâche.

Traitement des troubles discursifs

Parallèlement,  d’autres  études  ont  porté  plus  spécifiquement  sur les conduites narratives et la manière  d’améliorer  celles-ci. Swanson et al. (2005) ont mis en place une étude au sein de laquelle trois séances par semaine de 50 minutes pendant six semaines ont été proposées à 10 enfants  SLI  âgés  entre  6;;11  et  8;;9  ans  (Moyenne  de  7;;10  ans).  Chaque  session  d’intervention  

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se  focalise  à  la  fois  sur  le  contenu  et  sur  la  forme  d’une  histoire  dans  le  cadre  d’une  tâche  de   production ou de restitution   d’un   récit.   Les   résultats   indiquent   que   huit   enfants   sur   dix   améliorent la qualité de leur narration entre le début et la fin du traitement, mais aucun effet indirect   n’a   été   observé   sur   le   lexique   (en   observant   l’indice   de   diversité   lexical),   la   morphosyntaxe ou sur la répétition de phrases ou de pseudo-mots.

Le Normand et al. (2011) ont également observé les récits produits par 20 enfants dysphasiques francophones âgés entre 9 et 10 ½ ans. Après avoir observé des images correspondant   à   l’histoire   de   « La pierre sur le chemin »   constituée   d’un   malentendu   entre   deux personnages (Veneziano & Hudelot, 2005), les enfants ont été invités à la raconter (Récit  1).  Par  la  suite,  on  demande  à  nouveau  aux  enfants  de  raconter  l’histoire  (Récit  2)  soit   après  les  avoir  interrogés  sur  les  événements  principaux  de  l’histoire  (N=7),  soit  après  avoir   offert  un  modèle  de  l’histoire  (par  un  expérimentateur,  N=7),  soit dans une condition contrôle où  on  propose  aux  enfants  de  jouer  à  un  jeu  de  memory  avec  les  images  de  l’histoire  entre   autres (N=6). Enfin, un troisième récit est demandé une semaine après. Ainsi, deux modes d’intervention sont proposés :  une  conversation  sur  les  causes  et  la  présentation  d’un  modèle.   Quel que soit le mode d’intervention,  la  cohérence  du  deuxième  récit  est  meilleure  que  celle   du premier. Les enfants dysphasiques améliorent leurs compétences narratives après l’intervention. Mais celles-ci   sont   plus   importantes   suite   à   la   présentation   d’un   modèle   par   l’expérimentateur   que   suite   à   la   conversation   sur   les   causes.   En   effet,   le   modèle   permet   à   l’enfant  de  mieux  exprimer  les  états  internes  des  personnages  et  la  verbalisation des fausses croyances. Par ailleurs, les effets des interventions sont maintenus une semaine après, quelle que  soit  l’intervention,  comme  pour  les  enfants  tout-venant (Veneziano, 2010).

Comme pour les deux recherches précédentes, les interventions se centrant sur les conduites narratives et sur la structure des narrations ont déjà prouvé leur efficacité pour des enfants d’âge  scolaire  (Peterson, 2011).  Toutefois,  pour  des  enfants  d’âge  pré-scolaire, les recherches sont encore relativement rares (Hayward & Schneider, 2000, Spencer & Slocum, 2010, voir Peterson, 2011 pour  une  revue  de  la  littérature  sur  les  méthodes  d’intervention  basées  sur  la   narration), mais tendent à présenter des résultats similaires. Par exemple, Spencer & Slocum (2010) se sont intéressés à une intervention basée sur la narration avec des enfants de 4 ans présentant un retard de langage (-1,5). Cette intervention consiste en des séances, en petit groupe de 4 enfants, de 10 à 15 minutes quatre jours par semaine pendant cinq semaines. Lors

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de  l’intervention,  les  enfants  doivent  restituer  une  histoire  donnée  précédemment  en  modèle en  groupe  puis  de  manière  individuelle.  L’adulte  aide  les  enfants  dans  cette  restitution  par  des   procédures étayantes à travers des images, des icones colorées représentant les parties de l’histoire.   L’intervention   porte   explicitement   sur   la   structure   narrative. Les compétences narratives   des   enfants   se   sont   améliorées   suite   à   l’intervention.   Des   résultats   similaires   ont   également été observés par ce même type de traitement donné en classe pour des enfants d’âge   pré-scolaire (N=71, Spencer et al., 2014). Ces études montrent ainsi que les interventions portant sur la structure narrative et le travail élaboré sur les éléments attendus dans un récit améliorent les compétences des enfants.

Les  méthodes  d’intervention  se  focalisant  sur  l’amélioration  des  compétences  pragmatiques   et discursives sont peu nombreuses et restent relativement évasives sur les techniques d’intervention.  Par  ailleurs,  presque  toutes  les  études  se centrent sur le genre narratif. Or, les enfants  sont  confrontés  à  d’autres  genres  de  discours.  On  peut  alors  se  demander  pour  quelles   raisons   les   chercheurs   et   les   cliniciens   ne   se   focalisent   pas   sur   d’autres   genres,   tels   que   la   conversation,   le   récit   d’expériences personnelles, le discours injonctif, etc. Les récits étant très   structurés,   il   est   plus   facile   de   mesurer   l’évolution   des   enfants   dans   leur   production   (nombre  d’énoncés,  nombre  d’épisodes  produits,  structure  narrative  identifiée,  etc.)  alors  que les autres genres de discours demandent une réflexion plus spécifique sur les méthodes d’évaluation  de  l’évolution  des  compétences  pragmatico-discursives des enfants.

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