L E ROLE DES INTERACTIONS SOCIALES DANS LE DEVELOPPEMENT DU LANGAGE
1.1 « L A LOI GENERALE DU DEVELOPPEMENT CULTUREL »
2.3 E FFETS DU LAE SUR LE DEVELOPPEMENT DU LANGAGE DES ENFANTS
De nombreuses études portant sur le LAE se sont intéressées à l’effet des ajustements parentaux sur le développement langagier des enfants (Barnes et al., 1983, Furrow et al., 1979, Hoff-Ginsberg, 1986, Hoff-Ginsberg, 1990, Hoff-Ginsberg & Shatz, 1982 ; Newport et al., 1977 ; Yoder & Kaiser, 1989). Les formes d’ajustement sont considérées le plus souvent comme facilitant l’acquisition du langage. Mais, il n’est pas toujours simple d’établir une corrélation entre le LAE et le développement langagier des enfants et des résultats controversés ont été observés (Furrow et al., 1979, Newport et al., 1977). Certains ne trouvent que très peu de liens entre l’ajustement des mères, comme la simplicité syntaxique, et le développement linguistique des enfants (Barnes et al., 1983, Cross, 1977, Newport et al., 1977, J. G. de Villiers & P. A. de Villiers, 1973, Scarborough & Wyckoff, 1986). Même si d’autres recherches ont mis en évidence des effets positifs.
Certaines études ont un regard d’ensemble sur le LAE et ses effets en observant une seule mesure générale soit le MLU soit la quantité de parole (Murray, Johnson & J. Peters,. 1990) ; d’autres se sont focalisées sur des structures particulières comme les auxiliaires en position initiale dans les questions, les énoncés nominaux ou la production de cadres syntaxiques (Cameron-Faulkner et al., 2003), par exemple. Pour évaluer l’effet du LAE, ils évaluent également le langage des enfants au même moment et à un temps t+1 pour appréhender l’évolution des compétences des enfants.
Pour mettre en relation le LAE et les productions verbales des enfants, différents facteurs ont été considérés notamment celui de la fréquence. Ce facteur met en relation des constructions ou des formes produites dans le discours des adultes avec la production de ces mêmes constructions et formes dans le discours des enfants. Par exemple, les premiers verbes employés par les enfants et les constructions associées sont ceux employés le plus fréquemment par les mères (Naigles & Hoff-Ginsberg, 1998, Theakson et al., 2001). De même, l’acquisition de certains morphèmes grammaticaux (-ing, -ed) est liée à la fréquence et à la façon dont les mères utilisent ces morphèmes en discours selon Farrar (1990). Rowland & Pine (2000) ont montré que les enfants parviennent à produire correctement l’inversion sujet- auxiliaire dans les questions lorsque ce type de structure est fréquent dans le langage de leur entourage, alors que lorsqu’il est produit rarement, les enfants ne produisent pas l’inversion.
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Un autre cas considéré dans la littérature est celui des constructions complexes. La production par des enfants de 4 ans de phrases complexes est très variable d’un enfant à un autre et elle est fortement corrélée par l’usage que font les adultes de ce type de construction (Huttenlocher et al., 2002).
La saillance des éléments produits, telle que les accentuations prosodiques ou la position des éléments dans un énoncé, peut également avoir un effet sur le développement langagier. En effet, Schmerse, Lieven & Tomasello (2013) ont observé une relation entre la production des questions partielles par des enfants allemands âgés entre 2 et 3 ans et le discours maternel. Les enfants omettent plus souvent le pronom interrogatif was (‘quoi’) que d’autres pronoms tels que wo (‘où’), or, l’analyse acoustique des productions de six types de questions partielles pendant la troisième année d’un des enfants (entre l’âge de 2;;1 et 2;;5 ans) montre que le pronom was est bien moins accentué que wo dans le discours maternel. Les résultats suggèrent donc qu’il y a une influence des facteurs prosodiques sur la production des pronoms interrogatifs.
D’autres chercheurs ont trouvé une corrélation positive entre la diversité lexicale et la quantité d’input sur le développement lexical des enfants (Bornstein, O. M. Haynes, Painter, 1998, Huttenlocher et al., 1991, Pan et al., 2005, Song, Spier & Tamis-LeMonda, 2013).
Furrow, Katherine Nelson & Benedict (1979) observent une corrélation entre la production de questions fermées à 1;;6 ans et la production d’auxiliaires par l’enfant à 2;;3 ans. Toutefois, Newport et al. (1977) ne relèvent pas de corrélation entre le développement des auxiliaires dans le langage des enfants et la fréquence d’apparition dans le langage des mères. En revanche, elle est visible lorsque les auteurs mettent en relation le développement des auxiliaires et leur apparition en position initiale dans le discours des mères. Les enfants ne traiteraient donc pas de la même manière l’ensemble du matériel linguistique offert. Il faut que celui-ci soit perçu par eux pour qu’ils puissent le traiter. Ce n’est pas sans rappeler la théorie du « rare event » de Keith E. Nelson et ses collaborateurs (Keith E. Nelson et al., 1984, Keith E. Nelson et al., 2001). En regardant la façon dont les enfants reprennent le discours des adultes et dont ils s’approprient les structures et les formes offertes, le facteur « quantité » ne s’est pas avéré être pertinent. En effet, selon eux, c’est la façon dont une structure ou une forme est offerte à l’enfant, adaptée à son niveau linguistique et à l’activité, qui est primordiale pour qu’il puisse la traiter et l’acquérir. La fréquence de cette même
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structure ou forme n’a pas un effet direct sur son appropriation par l’enfant. En ce sens, il ne suffit pas de lui fournir et de l’exposer à des modèles. Le langage offert doit être ajusté à son niveau linguistique et s’inscrire dans un cadre où les intentions communicatives des locuteurs soient comprises par tous. Les enfants ont la capacité de s’approprier des formes linguistiques de manière relativement rapide mais cela dépend de la façon dont ces formes sont introduites en discours.
Les caractéristiques spécifiques du langage modulé tendent à soutenir le développement langagier des enfants. Ils s’inscrivent dans un processus dynamique car ce qui est étayant à un moment donné de son développement, peut ne plus l’être à un autre moment. Certains aspects peuvent ne pas avoir d’effets à partir d’un certain stade de développement langagier (Bohannon & Hirsh-Pasek, 1984). L’étayage offert par les adultes aide l’enfant à acquérir des connaissances en maturation ou potentielles en tenant compte de l’activité, du niveau linguistique de l’enfant, des structures langagières offertes aux enfants, par exemple.