• Aucun résultat trouvé

M ODES D ’ INTERVENTION ORTHOPHONIQUE DANS LE CAS DES

2.2 T RAITEMENT DES TROUBLES GRAMMATICAU

Nous présentons  deux  méthodes  s’intéressant  au  traitement  des  troubles  grammaticaux  dans   une   perspective   instrumentale.   D’une   part,   un   programme   d’intervention mis en place par

~ 160 ~

Tallal et ses collaborateurs qui se fonde sur un modèle des causes des déficits linguistiques des enfants dysphasiques (cf. 3.1, Fast For Word, Tallal, 2000) et, d’autre  part,  les  méthodes d’intervention   métalinguistiques   ou   explicites   qui   présentent   des   règles   grammaticales   aux   enfants pour les aider à les acquérir (cf. 3.2) 27.

2.2.1 MÉTHODE D’INTERVENTION INDIRECT:FAST FOR WORD (TALLAL,2000) Tallal et ses collaborateurs ont proposé un   programme   d’intervention   pour   des   enfants   présentant  des  troubles  de  l’expression  et  de  la  compréhension  du  langage  (Tallal, 2000) : le ‘Fast  For  Word®’  (FFW).  Ce  programme  se  base  sur  l’hypothèse  selon  laquelle  les  enfants   dysphasiques auraient un déficit de la perception  auditive  séquentielle  rapide  à  l’origine  de   leurs difficultés linguistiques (cf.  Chapitre  II,  paragraphe  2.2.1).  Ainsi,  une  manière  d’étayer   cette   hypothèse   est   d’aider   le   système   de   perception   auditive   en   utilisant  des   modifications   acoustiques   au   signal   de   parole   et   d’évaluer   les   effets   indirects   sur   les   compétences   des   enfants.

Tallal et al. (1996)   ont   observé   l’évolution   des   compétences   en   discrimination   et   en   compréhension   d’un   groupe   de   sept   enfants   présentant   des   troubles   du   développement   du   langage.  Ils  ont  proposé  pendant  4  semaines  une  série  d’exercices  (répétitions de syllabes, de mots, de phrases, exécution de consignes, écouter des histoires) sur un ordinateur avec un signal   de   parole   modifié   (par   l’augmentation   de   50%   de   la   durée   et   l’augmentation   des   éléments transitoires de 20 dB) à des enfants présentant des TDL (de 1 à 3 ans de retard par rapport  à  la  moyenne  de  leur  âge).  Les  résultats  montrent  qu’il  y  a  un  effet  de  ce  traitement   sur les performances en discrimination et en compréhension. Une autre étude a été menée avec le même traitement (Merzenich et al., 1996).   Deux   groupes   d’enfants   d’âge   chronologique moyen de 7;4 ans (un âge linguistique moyen de 4,9 ans) ont été constitués : le groupe A reçoit le traitement constitué par un signal de parole modifié alors que le groupe B reçoit le même traitement mais sans modification du signal de parole. Même si des effets positifs ont été observés quel que soit le traitement, les résultats indiquent que les enfants du groupe A ont davantage amélioré leurs performances en discrimination et en compréhension que  ceux  du  groupe  B.  Toutefois,  les  compétences  en  production  et  l’effet  sur  l’utilisation  du

27 Pour   une   revue   de   la   littérature   et   des   données   probantes   sur   les   méthodes   d’intervention   au   niveau  

~ 161 ~

langage   en   interaction   n’ont   pas   été   évalués.   De   plus,   des   résultats   contradictoires   avec   d’autres   recherches   ont   été   observés.   Par   exemple,   Bishop,   Adams   &   Rosen   (2006) ont évalué  l’évolution  des  performances  d’enfants  présentant  des  troubles  du  développement  du   langage (avec des difficultés réceptives) âgés entre 8 et 13 ans en relation avec un traitement (20 sessions de 15 minutes)  où  le  signal  de  parole  était  modifié.  Trois  groupes  d’enfants  ont   été constitués : un groupe S (slow, N=12) où le signal de parole était modifié en introduisant des pauses avant les mots importants, un groupe M (modified, N=12) où le signal de parole est modifié   comme   dans   l’approche   de   Tallal   et   ses   collaborateurs   (FFW)   et   un   groupe   contrôle sans traitement (N=9). Il faut cependant noter que les exercices proposés sont différents   de   ceux   donnés   par   le   FFW.   Peu   d’effets   (quelques   améliorations   des   structures ciblées)  sur  les  performances  grammaticales  des  enfants  ont  été  observés.  Et  il  n’y  a  pas  de   différences significatives entre les enfants ayant eu un traitement et les autres. Les auteurs en concluent   qu’il   n’y   a   pas   d’éléments   probants   pour   dire   que   la modification acoustique du signal  a  un  effet  sur  la  compréhension.  D’autres  recherches  obtiennent  des  résultats  similaires   (Pokorni, Worthington & Jamison, 2004, W. Cohen et al., 2005)   et   s’interrogent   alors   sur   l’efficacité réelle du programme FFW. De nombreuses critiques (Cirrin & R. B. Gillam, 2008, Strong et al., 2011) ont été faites sur le FFW en mettant en évidence notamment les limites  méthodologiques  (population,   absence  d’effets   statistiques  fiables, par exemple) des deux études princeps de Tallal et ses collaborateurs (Merzenich et al., 1996, Tallal et al., 1996) et   l’absence   de   preuves   de   l’efficacité   de   cette   méthode sur le développement des compétences langagières des enfants.

2.2.2 METHODES METALINGUISTIQUES OU EXPLICITES

Les méthodes métalinguistiques amènent les enfants à prendre conscience des règles grammaticales de la langue ou de les leur donner explicitement.

Certains outils, comme « la méthode des jetons » (de Becque & Blot, 1994), permettent de faire  travailler  l’enfant  de  manière  consciente  sur  les  éléments  constituant  un  énoncé.  Cette   méthode consiste à utiliser des jetons pour analyser un énoncé au niveau morphosyntaxique. Tout  d’abord,  tous  les  jetons  sont  identiques  et  ils  servent  seulement  à  segmenter  l’énoncé  en   mots.  L’enfant  doit  donc  segmenter  l’énoncé  de  manière  à  avoir  le  même  nombre  de  jetons   que  de  mots  dans  l’énoncé  entendu.  Au  début,   les  énoncés  donnés  à  l’enfant   sont  courts  et   simples, puis, progressivement, ils deviennent plus longs et plus complexes. Par la suite, à

~ 162 ~

chaque terme est associé une couleur et une forme correspondant à sa nature (nom, déterminant, verbe, etc.) et à sa fonction (sujet, objet, etc.). Par exemple, le déterminant sera associé à un triangle jaune, le nom à un rond bleu et le syntagme nominal sujet à un rectangle bleu.   L’enfant   pourra   ainsi   prendre   conscience   de   la   structuration   d’un   énoncé   et   voir,   par   exemple,   qu’un   nom   est   toujours   précédé   d’un   déterminant.   Les   études   francophones exposent cette   méthode   comme   un   outil   pédagogique,   mais   aucune   étude   n’a   réellement   prouvé son efficacité. Toutefois, une approche semblable a été expérimentée par une étude anglophone en proposant une méthode métasyntaxique utilisant un codage visuel par des formes et des couleurs (Ebbels & van der Lely, 2001, Ebbels, 2007) pour travailler des structures complexes, telles que les énoncés passifs et les  questions  partielles.  L’étude  porte   sur 4 enfants âgés entre 11 et 13 ans présentant des troubles sévères du langage tant en expression   qu’en   compréhension.   Les auteurs se sont intéressés aux phrases passives. L’intervention  mise  en  place  utilise  des  formes, des couleurs et des flèches pour exprimer les structures  et  les  relations  syntaxiques  au  sein  d’un  énoncé.  Ces outils mettent en relation la phrase active et la phrase passive en montrant explicitement les mouvements effectués par les éléments  constituants  l’énoncé  (cf.  Image 1).

Image 1- Représentation  d’une  phrase  active  et  d’une  phrase  passive  extraite de Ebbels & van der Lely, 2001 : 348

Cette visualisation est une aide pour la compréhension et la production des énoncés. Les enfants ont reçu entre 14 et 16 heures de traitement sur 20 semaines. Ce type de traitement a eu  un  effet  significatif  sur  la  compréhension  et  la  production  d’énoncés  à  la  voix  passive  lors   d’un  exercice  pour  trois  enfants  (sur  un  total  de  4  enfants).  S’agissant  des  questions  partielles,   une amélioration en compréhension et en production a été constatée  mais  ce  résultat  n’est  pas   significatif  pour  tous.  Les  résultats  tendent  à  montrer  que  ce  type  d’aide  visuelle  améliore  les   performances des enfants présentant des troubles sévères.

~ 163 ~

Outline

Documents relatifs