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T ROUBLES DU DEVELOPPEMENT DU LANGAGE

1.2 E TIOLOGIE DES TROUBLES DU DEVELOPPEMENT DU LANGAGE

A   l’heure   actuelle,   il   n’y   a   pas   de   consensus   quant   aux   causes de la dysphasie. Différentes hypothèses sont évoquées dans la littérature (voir Bishop, 1992, Tallal & Benasich, 2002 pour une synthèse). Les études se centrent principalement sur les facteurs génétiques et neurologiques.

Les facteurs environnementaux ne sont pas mis en cause dans les troubles du développement du langage. Certaines études se sont intéressées au langage adressé aux enfants dysphasiques et à ses  éventuelles  spécificités  en  s’interrogeant  sur  les  causes  de  celles-ci : les spécificités du langage adressé sont-elles influencées par les troubles des enfants ? ou est-ce  que  l’input est la cause des troubles ? (Leonard, 1998b). Les études montrent que les interlocuteurs de ses enfants  s’ajustent  à  leurs  compétences  langagières.  Il  ne  semble  donc  pas  y  avoir  de  relation  

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entre   le   langage   adressé   à   l’enfant   par   son   entourage,   le   niveau   socio-économique et les troubles langagiers des enfants dysphasiques. Il est nécessaire, par ailleurs, de différencier les enfants dysphasiques des enfants qui ont eu des expériences langagières limitées issus le plus souvent de milieux socio-économiques défavorisés (language disadvantage, Roy & Chiat, 2013).

Des facteurs génétiques ont été mis en avant par certains chercheurs en se basant sur certains faits tels que :   l’augmentation   du   risque   de   dysphasie   en   cas   d’antécédents   familiaux   de   troubles langagiers (Leonard, 1998a), la dysphasie touche plus de garçons que de filles (Leonard, 1998a, Tallal, R. Ross & Curtiss 1989),  les  risques  sont  plus  élevés  d’une  atteinte   partagée  d’un  trouble  du  développement  du  langage  pour  les  jumeaux  monozygotes  que  pour   les dizygotes (Bishop, North & Donlan, 1995). Par ailleurs, la découverte du gène FOXP2, qualifié dans un premier temps du gène de la parole, suite à la description de trois générations de la famille KE dont 16 membres présentaient des troubles de la communication (Hurst et al., 1990),   a   mis   en   relation   la   mutation   d’un   gène   et   la   présence   d’un   trouble   du   langage.   Toutefois, cette relation a été remise en cause par la suite par le fait que certains sujets dysphasiques ne présentaient pas de mutation de ce gène (Newbury et al., 2002). Le FOXP2 n’est  plusconsidéré à lui seul comme affectant le langage ni comme le gène de la parole (pour une synthèse voir Marcus & Fisher, 2003). Les facteurs génétiques ne sont pas confirmés et les recherches se poursuivent à ce niveau.

Des facteurs neurologiques ont également été mis en avant. Des particularités morphologiques du cortex frontal ont été observées, principalement dans la région frontale inférieure gauche et en particulier dans  l’aire  de  Broca,  chez  certaines  personnes  présentant   une dysphasie (M. Cohen, Campbell & Yaghmai, 1989, Gauger, Lombardino & Leonard, 1997, Herbert et al., 2005, M. Cohen et al., 1989).   Les   IRM   cérébrales   d’enfants   dysphasiques ont   également   montré   un   taux   élevé   d’anomalies   pouvant   témoigner   d’une   souffrance cérébrale à la période anté et périnatale (Trauner et al., 2000). Cependant, ces anomalies  ne  s’observent  pas  dans  le  cerveau  de  tous  les  enfants  dysphasiques et certaines ont pu être constatées dans celui de personnes ne présentant pas de troubles langagiers.

Enfin, d’autres  facteurs ont été mis en évidence comme un déficit de la mémoire de travail (Botting & Conti-Ramsden, 2001, Gathercole & Baddeley, 1993, Montgomery, 2000b, 2003),

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un déficit en mémoire procédurale (Ullman & Pierpont, 2005)°, un déficit dans le traitement temporel auditif (Tallal, 2003), une limitation des capacités de traitement cognitif (Joanisse, 2007), un déficit grammatical général (M. Gopnik, 1990a, 1990b, M. Gopnik & Crago, 1991) ou sélectif (Rice & Wexler, 1996, Van der Lely, 1998), un déficit du processus non linguistique limitant les capacités de traitement (Bishop, 1994, Leonard et al., 1992b).

Toutefois,   ces   facteurs   ne   sont   jamais   observés   pour   l’ensemble   de   la   population   et   sont   probablement des composantes de l’hétérogénéité   clinique   des   sujets.   A   l’heure   actuelle,   la   recherche  ne   reste  qu’au  stade  des  hypothèses  sur  les  causes  de  la  dysphasie.  Selon   Bishop   (2006b), les troubles des enfants dysphasiques proviendraient   d’un   ensemble   de   facteurs   interagissant ensemble et créant un risque global.

1.3 CLASSIFICATIONS

L’hétérogénéité  des  troubles,  regroupée  sous  le  terme de dysphasie, a amené les chercheurs et les cliniciens à élaborer des classifications. Parallèlement aux classifications internationales (DSM-V, 2013 ; CIM-10, Misès & Quemada, 2002),   d’autres   ont   été   proposées   dans   la   littérature portant sur les troubles du développement du langage en se basant principalement sur la symptomatologie des troubles. Les déficits observés sous-tendent différents sous- groupes de troubles du développement du langage (Dodd & Bradford, 2000, Bradford & Dodd, 1996). De plus, les troubles ne sont pas figés dans le temps mais ils sont dynamiques. En effet, Conti-Ramsden et ses collaborateurs (Conti-Ramsden & Botting, 1999, Conti- Ramsden, Crutchley & Botting, 1997)   ont   montré   qu’entre   7   et   8   ans,   les   enfants   dysphasiques présentent des profils et des troubles différents et ils pourraient alors être classés différemment lors de la deuxième phase d’évaluation   un   an   après   la   première   (Botting & Conti-Ramsden, 2004).

Deux classifications sont le plus souvent utilisées dans les recherches portant sur les troubles du développement du langage : celle de Rapin & D. Allen (1983) dans les études anglo- saxonnes et celle de Gérard (1993, 2003) pour les études francophones. Ces deux classifications sont basées sur une démarche neuropsychologique cherchant à identifier les troubles dans le but de proposer la thérapie la plus ajustée (de Weck, 2010e).

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La classification de Rapin & D. Allen (1983) propose de considérer sept syndromes : syndrome phonologique-syntaxique,   syndrome   sévère   de   l’expression   avec   une   bonne   compréhension,  l’agnosie  auditivo-verbale,  le  syndrome  de  l’autisme  sans  langage  articulé,  le   syndrome  de  l’autisme  avec  écholalie,  le  syndrome  sémantique  pragmatique  sans  autisme,  le   syndrome syntaxique-pragmatique. Cette classification regroupe un spectre plus large de troubles en incluant certains cas  d’autisme.  

Gérard (1993, 2003) propose une autre classification qui recoupe en partie celle de Rapin & D. Allen (1983). Six formes de dysphasie sont distinguées : le trouble de production phonologique, le syndrome phonologique-syntaxique, les troubles expressifs sévères, la dysphasie réceptive (ou syndrome réceptif), la dysphasie lexicale syntaxique (ou syndrome lexical-syntaxique) et la dysphasie sémantique-pragmatique (ou syndrome sémantique- pragmatique).

Au sein de ces deux classifications, les troubles affectent différents niveaux du fonctionnement langagier. Selon le syndrome, ces niveaux se combinent différemment (phonologie-syntaxe, sémantique-pragmatique, par exemple). Dans la classification de Rapin & D. Allen (1983), certains   syndromes   incluant   des   cas   d’autisme   se   définissent   par   des troubles langagiers et se différencient des troubles pragmatiques. Or, dans la littérature, certains auteurs, assimilent l’autisme   et les troubles pragmatiques (Gagnon, Mottron & Joanette, 1997),   alors   que   pour   d’autres   les   difficultés   communicatives   peuvent   ne   pas   se   restreindre au versant du langage et affecter aussi la communication non verbale par exemple, comme pour les troubles autistiques – vs. troubles pragmatiques – (Bishop, 2000, Bishop & Norbury, 2002, Botting, 2004). Selon, Bishop (2003a), il faut remettre en cause la vision traditionnelle   d’une   distinction   stricte   entre   les   troubles   du   développement du langage et l’autisme   et   les   représenter   sur   un   continuum   en   fonction   de   la   gravité   des   troubles.   Elle   distingue les enfants dysphasiques (SLI), de ceux présentant des troubles pragmatiques (Pragmatic Language Impairment, PLI), des enfants autistes selon que les troubles affectent : la  structure  du  langage,  l’utilisation  sociale  du  langage  et/  ou  le  langage  stéréotypé  (cf.  Figure 3). Dans le cas de troubles autistiques, les trois niveaux sont altérés contrairement aux cas des enfants SLI. Cependant, les frontières entre les différents syndromes sont parfois difficiles à établir comme  l’illustre  le  schéma ci-dessous (cf. Figure 3).

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Figure 3 – Relation entre les troubles pragmatiques, linguistiques et autistiques (extrait de Bishop 1989 : 887).

Dans la mesure où les enfants observés, dans notre étude, présentent un syndrome phonologique-syntaxique et un trouble réceptif, nous choisissons de présenter plus précisément ces deux syndromes.

Le syndrome phonologique syntaxique est la forme la plus fréquente des syndromes dysphasiques.  Malgré  une  volonté  et  une  capacité  de  communiquer  par  le  non  verbal,  l’enfant   présentant   ce   syndrome   produit   des   expressions   réduites   et   a   un   retard   d’acquisition   des   compétences phonétiques (qui ne sont pas améliorées par la répétition). Au niveau syntaxique, on  observe  un  agrammatisme  avec  une  difficulté  d’utilisation  des  déterminants,  des  pronoms,   des marqueurs morphologiques de temps, de genre, et de nombre. La compréhension verbale semble préservée, mais elle est parfois en décalage par rapport à des enfants tout-venant de même  âge  chronologique.  D’autres  domaines  que  le  langage  oral  sont  touchés : des difficultés de type symbolique, des difficultés dans les premiers dénombrements et des difficultés affectant  l’apprentissage du langage écrit.

Les enfants ayant une dysphasie réceptive ont des difficultés de compréhension verbale plus importantes (comparées au versant de la production). Ces difficultés relèvent du traitement de l’information.   Par   conséquent,   l’enfant   produit des répétitions très approximatives, de nombreux amalgames, et les constructions syntaxiques sont mémorisées comme un tout, constituants  des  pseudophrases,  qui  l’amènent  à  réaliser  des  formulations  dys-syntaxiques lors de discours narratifs ou de discours induits.

La diversité des troubles et des profils dysphasiques ainsi que la conception traditionnelle et structurale de la langue ont amené les   chercheurs   à   s’intéresser de manière distincte aux

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compétences linguistiques (phonologiques, morphosyntaxiques, lexicales, pragmatiques et discursives) des enfants sans  rendre  compte  de  l’intégralité  des  compétences  langagières  des   enfants dysphasiques. Ceci a fortement influencé notre présentation des caractéristiques linguistiques des productions verbales des enfants. Ainsi, nous proposons de décrire plus précisément les compétences langagières des enfants dysphasiques au niveau phonologique (cf. 2.0), morphosyntaxique (cf. 3.0), lexical (cf. 4.0), et pragmatique-discursif (cf. 5.0).

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