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T ROUBLES DU DEVELOPPEMENT DU LANGAGE

3.2 C OMPETENCES MORPHOSYNTAXIQUES : VERSANT DE L ’ EXPRESSION

3.2.2 L ES PRONOMS CLITIQUES SUJET ET OBJET

Les pronoms clitiques sont souvent problématiques pour les enfants dysphasiques principalement en italien (Chilosi & Cipriani, 1991, Leonard et al., 1992b) et en français (Hamann et al., 2003, Jakubowicz, 2003). Les erreurs commises sont le plus souvent l’omission  du  pronom  clitique dans le discours des enfants.

Les études ont porté de manière générale sur les pronoms clitiques en position sujet et ceux en position objet.

En français, Plaza & Le Normand (1996) ont observé le système des pronoms personnes de 1ère, 2ème et 3ème personne  dans  le  discours  d’enfants   dysphasiques âgés de 3 à 6 ans et des enfants tout-venant de même niveau linguistique (même MLU) dans des interactions mère- enfant en situation de jeu symbolique.  Elles  ont  remarqué  que  l’emploi  du  pronom  personnel   de 3ème personne  du  singulier  ‘il’  ou  ‘elle’  était  problématique pour les enfants dysphasiques. Ces derniers emploient moins fréquemment de pronoms, particulièrement de troisième personne, que les enfants tout-venant de même niveau linguistique (MLU).

Comme dans le développement typique du langage (Clark, 1998, Jakubowicz & Rigaut, 2000, Hamann, 2002), les pronoms clitiques objet apparaissent plus tardivement dans le discours des enfants dysphasiques que les pronoms clitiques sujets et les pronoms clitiques réfléchis (Jakubowicz et al., 1998, lors de tâches induites). La production de pronoms clitiques en position  objet  a  fait  l’objet  d’un  nombre  plus  important  d’études.  Celles-ci ont montré que les enfants dysphasiques francophones présentaient des difficultés importantes à produire les pronoms clitiques objets aussi bien en contexte dit « spontané »12 (Hamann et al., 2003)  qu’en  

12 Les auteurs parlent de « spontaneous speech »   mais   n’indiquent   pas   de   quelle   manière   ce   langage   a   été  

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production induite (Jakubowicz, 2003, Jakubowicz et al., 1998, Tuller et al., 2011). De plus, ces difficultés perdurent dans le temps. Elles ont été notamment observées dans le discours de 37 adolescents âgés entre 11 et 20 ans (14,8 ans en moyenne) (Tuller et al., 2011). Les difficultés  rencontrées  par  les  enfants  dysphasiques  quant  à  l’usage  des  pronoms  clitiques  en   position objet sont ainsi considérées comme un marqueur linguistique potentiel de dysphasie en français (Paradis, Crago & Genesee, 2003 ; Tuller et al., 2011).13.

Parallèlement, certaines études montrent que les enfants dysphasiques emploient préférentiellement des syntagmes nominaux en position objet (vs. pronom, Schelletter & Leinonen, 2003, Salazar Orvig & de Weck, 2013).   Ces   usages   peuvent   s’expliquer   par   les   difficultés  qu’ont  les  enfants  dysphasiques  à  employer  les  pronoms  clitiques objets. Toutefois, il est important de considérer de manière conjointe les aspects pragmatiques et morphosyntaxiques   puisque   l’emploi   de   ces   syntagmes   nominaux   par   les   enfants   dysphasiques est réalisé dans des contextes pragmatiques appropriés (Salazar Orvig & de Weck, 2013).

Les   données   comparant   les   productions   d’enfants   monolingues   et   bilingues   se   sont   avérées   importantes également. Paradis et al. (2003) ont analysé les productions de 7 enfants dysphasiques bilingues anglais-français âgés de 7;3 ans (et ayant une longueur moyenne des énoncés équivalente à 3,57) et de 9 enfants contrôles bilingues âgés de 3;3 ans (et ayant une LME équivalente  à  3,7)  en  interaction  avec  un  adulte.  Tout  d’abord,  les  auteurs  ont   noté  la   production d’un   nombre   plus   important   de   pronoms   clitiques   en   position   objet   dans   les   productions anglaises que françaises. Ensuite, ils ont remarqué que les enfants dysphasiques omettaient aussi fréquemment les pronoms clitiques objet que les enfants tout-venant de même niveau linguistique. Enfin, les enfants bilingues produisent plus de clitiques objet en français que les enfants monolingues (70% contre 47%). Pour les auteurs, ces résultats indiquent  qu’il  y  a  une  spécificité  de  la  langue  française.  Selon  eux,  ce  serait la position pré-

13 Tuller et al. (2011) considèrent que la production des pronoms clitiques est problématique quel que soit le

développement   atypique   en   français   et   qu’il   s’agit   d’un   marqueur   de   troubles   langagiers   non   spécifique   aux   sujets   atteints   d’une   dysphasie.   Ces   auteurs   ont   observé   également   des   difficultés   pour   des   adolescents   présentant une déficience auditive légère ou moyenne, ou une déficience auditive sévère et des adolescents présentant une épilepsie rolandique (Tuller & Jakubowicz, 2004, Delage & Tuller, 2007).

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verbale (non saillante et non canonique) en français (vs. post-verbale en anglais) qui accentuerait les difficultés des enfants dysphasiques francophones.

3.2.3 LES DETERMINANTS

Les enfants dysphasiques présentent des difficultés pour la catégorie des déterminants tant en anglais (Leonard, 1998a)   que   dans   d’autres   langues   comme   l’italien   (Junyent, Levorato & Denes, 2010, Bortolini et al., 2002, Leonard et al., 1992b, Leonard et al., 1993, Leonard et al., 1992b, Leonard et al., 1988) ou  l’espagnol  (Simon-Cereijido & Guitérrez-Clellen, 2007). S’agissant   des   enfants   dysphasiques francophones, Le Normand, Leonard & McGregor (1993)   n’observent   pas   de   différence   significative   dans   les   usages   des   déterminants   par   rapport   à   un   groupe   d’enfants   tout-venant appariés selon le niveau linguistique (MLU). Aucune déviance  quant  à  l’usage  des  déterminants  ne  serait  observée.  Ainsi,  les  difficultés  à   maîtriser le paradigme des déterminants ne semblent pas être une spécificité des enfants francophones présentant des troubles du développement du langage (Jakubowicz et al., 1998, Le Normand et al., 1993, Paradis & Crago, 2004, Paradis, Crago & Genesee, 2007, Crago, Paradis & Menn, 2010). Ces résultats contrastent avec ceux obtenus en italien ou en anglais. Une des explications envisagées par Le Normand et al. (1993) est que le déterminant en français serait plus saillant que dans les autres langues.

Cependant,  des  difficultés  d’accord  sont observées notamment en genre entre le déterminant et   le   nom   lors   de   tâches   expérimentales   de   dénomination   d’images   (Roulet, 2007) et ces difficultés   sont   d’autant   plus   importantes   lorsqu’un   adjectif   est   présent   devant   le   nom   (vs. post-nominal, Roulet-Amiot & Jakubowicz, 2006). Mais les enfants dysphasiques, âgés entre 6;;10  et  12;;6  ans,  semblent  sensibles  à  la  violation  d’accord  dans  le  syntagme  nominal  lors  de   tâches de la perception   d’accord   sur   le   genre   (Roulet-Amiot & Jakubowicz, 2006, Roulet, 2007)   même   s’ils   produisent   plus   d’erreurs   que   les   enfants   tout-venant âgés de 6;6 ans. En revanche,   lors   de   l’analyse   d’interaction   adulte-enfant dysphasique en situation de jeu, des erreurs  d’accord  sont  rarement  observées  (Le Normand et al., 1993, Thordadottir & Namazi, 2007, Royle et al., 2010).

Jakubowicz et al. (1998) ont observé la production des déterminants et des pronoms clitiques objets  homophones  ‘le’ par des enfants dysphasiques (N=13) âgés entre 5;7 et 13 ans et des

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enfants tout-venant de 5;6 ans dans des tâches de production induite. Même si les formes sont homophones,   les   enfants   dysphasiques   n’ont   pas   de   difficulté   à   produire   le   déterminant   attendu (90% et 100% pour les enfants tout-venant)  alors  qu’ils  produisent  moins  de  pronoms   clitiques objets (25,2% contre 78,7% pour les enfants tout-venant). Les morphèmes grammaticaux sont acquis différemment selon leurs fonctions et leur position canonique ou non  canonique  dans  l’énoncé.

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