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C OMPARAISON DES DIFFERENTES METHODES DITES IMPLICITES

M ODES D ’ INTERVENTION ORTHOPHONIQUE DANS LE CAS DES

3.1 L ES METHODES DITES IMPLICITES : IMITATION SUR DEMANDE , MODELAGE ET RECAST

3.1.4 C OMPARAISON DES DIFFERENTES METHODES DITES IMPLICITES

Ces modes d’intervention sont considérés comme des méthodes implicites par opposition aux méthodes explicites où les règles grammaticales de la langue sont clairement exposées et données  aux  enfants.  Les  recherches  s’intéressant  aux  méthodes  implicites  ont  principalement   comparé les effets de ces méthodes dans le but de voir laquelle était la plus efficace. Par exemple, Keith E. Nelson et al. (1996)  montrent  que  la  méthode  de  l’imitation  sur  demande   est  plus  efficace  que  l’absence  de  traitement, celle des recasts étant elle-même plus efficace que   celle   de   l’imitation   sur   demande,   que   les   enfants   présentent   ou   non   des   troubles   du   langage.

Imitation sollicitée vs. modelage

La comparaison de ces deux modes d’intervention dans la littérature ne permet pas de dire quelle méthode est la plus efficace. Des résultats contradictoires sont observés.

Connell & Stone (1992) montrent que la méthode de modelage a   moins   d’effets   sur   les   compétences des enfants dysphasiques que   la   méthode   d’imitation   sur   demande   seule   ou   l’association  du  modelage  et  de  l’imitation  sur  demande.  En  revanche, pour les enfants tout- venant,  il  n’y  a  pas  de  différence  significative  des  effets  des  deux  méthodes  d’intervention.   En revanche, J. A. Courtwright & I. C. Courtwright (1976) ont observé des améliorations plus importantes suite à un traitement de type modelage que suite à un traitement de type imitation. Toutefois, les deux études ne portaient pas spécifiquement sur les mêmes formes. En  effet,  dans  l’étude  de  Connell  &  Stone  (1992),  il  s’agissait  de  l’acquisition  d’un  nouveau   morphème dérivationnel tandis que dans celle de J. A. Courtwright & I. C. Courtwright (1976),   il   s’agissait   de   la   maîtrise   d’une   nouvelle   structure   morphosyntaxique.   Ainsi,   il   se   peut  que  l’efficacité de  méthodes  d’intervention  varie  en  fonction  des  formes et des structures morphosyntaxiques  ciblées.  C’est  notamment  ce  que  note  Leonard  (1975) dans sa revue de la littérature :   ce   n’est   pas   parce   qu’une   méthode   est   efficace   pour   l’acquisition   et   la   maîtrise   d’une  forme  ou  d’une  structure  syntaxique  donnée  qu’elle  est  la  plus  efficace  pour  l’ensemble   des formes ou des structures syntaxiques. Par ailleurs, les résultats contradictoires peuvent

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également être dus à des différences méthodologiques et plus précisément à la mise en pratique  des  techniques  d’intervention  (Proctor-Williams, 2009). La technique du modelage doit  seulement  présenter  la  forme  ou  la  structure  ciblée  à  l’enfant.  Or  Connell  &  Stone  (1992) demandent également aux enfants de produire la cible alors que J. A. Courtwright & I. C. Courtwright (1976)  ont  laissé  moins  d’opportunité  aux  enfants  de  répéter  la  forme  cible.   Ces   deux   recherches   comparant   les   techniques   de   l’imitation   sur   demande   et   du   modelage présentent donc des résultats contradictoires mais les formes ciblées ne sont pas les mêmes et les  techniques  d’intervention  n’ont  pas  été  proposées  strictement  de  la  même  façon.  

Imitation sollicitée vs. recast/reformulation

Les  deux  méthodes  sont  efficaces  puisqu’elles  amènent  les  enfants  avec  ou  sans  troubles du développement du langage à produire spontanément les formes morphosyntaxiques ciblées et traitées lors des séances (telles que le passif, le gérondif, la 3ème personne du singulier, le passé régulier et irrégulier, les déterminants, etc., M. S. Camarata & Keith E. Nelson, 1992, M. S. Camarata et al., 1994, Keith E. Nelson et al., 1996). Toutefois, la méthode employant des reformulations semble plus efficace que celle  de  l’imitation  sollicitée. Ces études notent que  lorsque  l’imitation  est  sollicitée,  les  enfants  ont  besoin  de  moins  de  séances  pour  produire   la   forme   cible   que   lorsqu’il   y   a   des   reformulations.   Mais,   la   technique   proposant des reformulations aux enfants leur permet de produire spontanément les formes et une généralisation sur des formes non ciblées. Par ailleurs, les enfants ayant des troubles du développement du langage âgés entre 4;7 ans et 6;7 ans acquièrent de nouveaux morphèmes (comme les auxiliaires ou les flexions verbales du passé) de manière similaire aux enfants tout-venant de même niveau linguistique (âgés entre 2;2 et 4;2 ans) quand les adultes offrent des reformulations (Keith E. Nelson et al., 1996). Les recasts sont donc favorables pour l’acquisition  et  la  maîtrise  des  morphèmes  grammaticaux  par  les  enfants  dysphasiques.

Cependant, les reformulations ne sont, pas toujours bénéfiques pour les enfants dans certaines conditions. En effet, selon le niveau linguistique des enfants, si elles sont trop complexes, l’effet   inverse   peut   être   provoqué.   Les   interventions   doivent   donc   se   situer   dans   la   Zone Proximale de Développement de  l’enfant (cf. Chapitre I, paragraphe 1.3) en considérant les ressources langagières dont il a déjà à disposition et en soutenant les compétences en cours d’acquisition.  

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Prenons  en  exemple  une  étude  explorant  l’effet  des reformulations sous forme interrogative. Selon  l’hypothèse  de  clarification  de  l’auxiliaire  (hypothèse  ACH), les questions fermées en oui/non  faciliteraient  l’acquisition  et  la  maîtrise  des  auxiliaires  par  les  enfants, en anglais. La position  initiale  de  l’auxiliaire  serait  alors  plus  saillante  et  permettrait  aux  enfants  de  mieux  le   percevoir. Selon Fey & Loeb (2002), les cliniciens recommandent aux parents et aux enseignants de poser fréquemment des questions contenant des auxiliaires en position initiale et tout particulièrement quand celles-ci proposent une reformulation (Fey et al., 1993, Keith E. Nelson et al., 1996, Fey et al., 1997).  Pourtant,  l’étude  de  Fey  &  Loeb  (2002) montre que les questions fermées (en oui/non)   avec   l’auxiliaire   (is ou will) en position initiale n’améliorent   pas   l’acquisition   des   auxiliaires   en   anglais   pour   les   enfants   présentant   des   troubles du développement du langage (N=16) âgés de 3 ans. Il semblerait que les interrogatives   totales   constituées   d’une   reformulation   soient   trop   complexes   pour   eux.   Par   ailleurs, dans la littérature, certains chercheurs ont montré que les reformulations complexes (vs. simples) étaient plus bénéfiques aux   enfants   à   partir   d’un   certain   niveau   de   développement langagier (Conti-Ramsden, 1990, Keith E. Nelson et al., 1995). Le degré de complexité  des  recasts  doit  donc  s’ajuster  aux  compétences  langagières  des  enfants.

Par ailleurs, les « recasts » ne semblent pas avoir toujours les mêmes effets sur les enfants dysphasiques. En effet, trois principales observations ont conduit Proctor-Williams & Fey (2007)   à   s’interroger   sur   le   paradoxe des recasts. Premièrement, en tant que méthode d’intervention   employée   par   les   cliniciens,   les   recasts   ont   un   effet   positif   sur   le   développement langagier des enfants dysphasiques. Deuxièmement, les parents des enfants dysphasiques produisent autant de reformulations que ceux des enfants tout-venant de même âge linguistique, notamment sur les verbes copules et les déterminants. Enfin, troisièmement, alors  qu’une  corrélation  est  observée  entre  les  recasts  portant  sur  les  verbes  copules  et  l’usage   par les enfants tout-venant  de  ces  verbes  par  la  suite,  aucune  corrélation  n’est  constatée  pour   les enfants dysphasiques. On peut alors se demander pour quelles raisons  les  recasts  n’ont  pas   les  mêmes  effets  sur  l’acquisition  de  nouveaux  morphèmes  par  les  enfants  dysphasiques  selon   le contexte (clinique vs. familial). Le taux de reformulation étant plus élevé dans les interactions avec un clinicien que dans celles avec les parents, la question de la « densité » des recasts a alors été envisagée.

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Proctor-Williams & Fey (2007) ont ainsi évalué l’effet   de   la   densité   de   présentation   des   recasts. Ils ont exposé des enfants dysphasiques (N=13) âgés entre 7 et 8 ans (M=7,10 ans) et des enfants tout-venant (N=13) de même âge linguistique (M=5;6 ans) à deux degrés de densité   de   recasts   lors   de   cinq   séances   d’intervention : une densité faible comme en conversation (0,2 par minute) et une densité forte comme en intervention clinique (0,5 par minute). Dans la condition à forte densité, les recasts ont été produits seulement lors des sessions   4   et   5.   Lors   des   trois   premières   sessions,   aucun   recast   n’a   été   fourni   mais   des   modèles des formes cibles ont été offerts aux enfants. Dans les deux autres sessions (session 4 et 5) ainsi que dans les sessions à faible densité (au nombre de cinq), des recasts et des modèles ont été fournis aux enfants. Ainsi, suite à la session 3, une comparaison entre l’exposition   à   des   recasts   et   des   modèles   et   l’exposition à des modèles. Les formes cibles portent  sur  l’acquisition  de  nouveaux  verbes  irréguliers  au  passé  (past-tense), tels que dake – doke ou twink – twanke (proches des verbes anglais : breake-broke et drink-drank). Dans la condition à densité faible de recasts, les enfants tout-venant produisent plus fidèlement les verbes  cibles  reformulés  que  ceux  qui  n’ont  pas  été  l’objet  de  reformulation.  Ainsi,  pour  ces   enfants,  l’exposition  aux  recasts  améliore  leurs  performances.  En  revanche,  ce  constat  n’a  pas   été fait pour les enfants dysphasiques :   à  un  taux  de  densité  faible,  les  recasts  n’ont   pas  eu   d’effets  sur  la  production  des  verbes  ciblés.  Dans  la  condition  à  forte  densité  de  recasts,  les   performances des enfants dysphasiques ne sont pas améliorées et sont similaires à celles évaluées dans la condition à faible densité. Par ailleurs, et contrairement à ce qui était attendu, les performances des enfants tout-venant sont plus faibles dans la condition à forte densité  que  dans  la  condition  à  faible  densité.  L’étude montre donc que les recasts facilitent davantage   l’acquisition   de   nouveaux   verbes   au   passé   que   la   présentation   de   modèles   mais   seulement pour les enfants tout-venant   et   une   forte   densité   de   recasts   n’améliore   pas   cette   acquisition.

Recast/reformulation vs. modelage

La comparaison entre ces deux modes d’intervention a surtout mis en évidence des différences selon que les enfants présentent ou non des troubles du développement du langage (Proctor-Williams, 2009). Par exemple, les recasts (à  faible  densité)  n’ont  pas  plus   d’effets  que  la  présentation  de  modèles  sur  l’acquisition  des  formes  irrégulières  du  passé  pour   de nouveaux verbes chez les enfants dysphasiques (Proctor-Williams & Fey, 2007), alors que

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pour les enfants tout-venant de même niveau linguistique, les recasts (à faible densité) ont plus   d’effets   que   la   présentation   de   modèles   sur   la   production   de   ces   formes.   Ce   résultat   confirme ainsi les diverses études déjà menées en acquisition du langage (Saxton, 1997).

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