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T ROUBLES DU DEVELOPPEMENT DU LANGAGE

4.4 A CQUISITION DE NOUVEAUX MOTS

Les enfants dysphasiques ont des difficultés à apprendre des mots nouveaux (Ellis Weismer & L. Hesketh, 1993, 1996, 1998, Gray, 2003, 2004, 2005, Horohov & Oetting, 2004, Kiernan & Gray, 1998, M. Nash & Donaldson, 2005, Rice, Buhr & Oetting, 1992, Rice et al., 1994). Ces

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difficultés sont plus accentuées pour la classe des verbes que pour celles des noms (Windfuhr et al., 2002). Elles affectent la compréhension orale et écrite (Alt et al., 2004). Elles seraient liées à la création et au stockage des représentations phonologiques et sémantiques des nouveaux  mots  et  l’établissement des liens entre ces représentations (Gray, 2005, McGregor et al., 2002).

Le processus de « fast mapping » se définit comme étant la phase initiale  de  l’apprentissage   du   vocabulaire,   de   la   signification   partielle   d’un   mot,   que   l’enfant   construit   par   une   représentation phonologique, sémantique et syntaxique, voire des informations non linguistiques (contextuelles) suite à une exposition au mot (Gray & Brinkley, 2011). Les études   s’intéressant   à   ce   phénomène   présentent   des   résultats   contradictoires. En effet, alors que  certaines  recherches  montrent  qu’il  n’y  a  pas  de  différence  significative  de  capacités  de   fast mapping des enfants dysphasiques et des enfants tout-venant (Dollaghan, 1987, Gray, 2003, 2004, 2005),   d’autres indiquent   qu’il   y   a   une   différence   par   un   ralentissement   du   processus (Rice et al., 1992, Rice et al., 1994).  L’acquisition   de   nouveaux   mots   serait   plus   lente et moins efficace pour les enfants dysphasiques (Oetting et al., 1995, Rice et al., 1990) que pour les enfants tout-venant de même âge chronologique ou de même niveau linguistique (mesuré en fonction du MLU). Ils  auraient  besoin  de  plus  de  temps  d’exposition  à  un  nouveau   mot pour pouvoir le comprendre et ils  devraient  donc  faire  davantage  l’usage  d’un  mot  pour   l’utiliser  que  les  enfants sans troubles du langage (Rice et al., 1992, 1994).

Toutefois, les difficultés lexicales des enfants dysphasiques en compréhension et en production ne sont pas toujours   avérées.   D’autres   données   ne   montrent   pas   de   différences   significatives en compréhension et en production entre les deux populations (Dollaghan, 1987, Kiernan & Gray, 1998, Gray, 200315). En revanche, Dollaghan (1987) note que les enfants dysphasiques ont des difficultés à produire les phonèmes de mots nouveaux.

Ces résultats contradictoires découlent des différences méthodologiques employées par les études (Dollaghan, 1987, Gray, 2003), telles que les caractéristiques des tâches à effectuer (Kan & Windsor, 2010). En effet, Rice et ses collaborateurs utilisent le modèle QUIL (quick

15 Gray (2003) trouve des résultats différents à ceux des tests de fast-mapping dans  le  cadre  d’un  autre contexte à

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incidental learning ; Oetting et al., 1995, Rice, 1990)  à  savoir  un  ‘apprentissage  incidentiel’   où  le  mot  n’est  pas  présenté  comme  l’objectif  et  apparaît  dans  un  support  vidéo  en  l’absence   de  toute  sollicitation  à  l’apprentissage  de  la  part  d’un  adulte.  En  revanche,  Dollaghan (1987) et Gray (2003) ont recours aux tests de fast-mapping qui   suscitent   la   production   d’un   mot   nouveau suite à une exposition brève de celui-ci (cf. Figure 4). Le test du fast-mapping a un support   minimal   (‘there is [target]’)   alors   que   le   modèle   QUIL   donne   des   informations   contextuelles en plus. Par ailleurs, Gray et ses collaborateurs ont mené parallèlement des expérimentations   de   support   enrichi   pour   l’acquisition   de   nouveaux   mots   qui   montrent   des   résultats intéressants (cf. Chapitre III, paragraphe 3.1.1).

Figure 4 - Test du fast-mapping extrait de Gray, 2003 (p.67)

Par ailleurs, un autre facteur, quantitatif, peut influencer les résultats : le nombre de mots ciblés. En effet, Dollaghan (1987) et Gray (2003)  n’observent pas de différence entre les deux populations et ils proposent moins de mots-cibles   à   acquérir   (3   mots   pour   l’étude   de   Dollaghan et 4 mots pour celle de Gray) que dans les recherches de Rice et ses collaborateurs (8 mots-cibles). On peut donc se demander si le nombre de mot-cible peut avoir une influence sur les performances des enfants dysphasiques.   Certains   chercheurs   font   l’hypothèse   d’une   capacité limitée de la mémoire de travail. Lorsque la tâche demandée dépasse les ressources disponibles, le traitement et le stockage des informations diminuent (Just & P. A. Carpenter, 1992, Ellis Weismer & L. Hesketh, 1993, 1996, 1998). Par ailleurs, les enfants présentant des troubles spécifiques  du  langage  ont  des  capacités  de  traitement  et  de  stockage  de  l’information   limitées (Gathercole & Baddeley, 1990, Bishop, 1992, Ellis Weismer & L. Hesketh, 1996). Il est alors important que les cliniciens prennent en considération ce fait dans le traitement proposé en situation de rééducation (Gray, 2003). Par exemple, Ellis Weismer (2000) indique qu’il  est  préférable  de  ne  pas  introduire  plusieurs  difficultés  dans  l’accomplissement  de  tâche   lors des séances de rééducation.

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4.5 LA DENOMINATION

De manière générale, les enfants dysphasiques acquièrent plus facilement les mots représentant des objets que les mots représentants des actions (Schwartz & Leonard, 1982, Schwartz et al., 1987, Rice et al., 1990, Oetting et al., 1995). Mais quelle que soit la catégorie, ces enfants présentent des difficultés de dénomination (McGregor, 1997, McGregor et al., 2002). En   effet,   ils   produisent   davantage   d’erreurs   de   dénomination   (d’objets   et   d’actions)   que   les   enfants   sans   troubles de langage de même âge chronologique (Lahey & Edwards, 1996, 1999, McGregor et al., 2002).   Par   ailleurs,   lorsqu’ils   dénomment   correctement  les  images  d’objets communs, ils mettent plus de temps à réaliser la tâche que leurs  pairs  d’âge  (Leonard et al., 1983, Katz, Curtiss & Tallal, 1992, Lahey & Edwards, 1996, 1999), mais ils le font plus rapidement que les enfants tout-venant de même niveau linguistique (Leonard et al., 1983). Une des hypothèses avancées pour expliquer ces difficultés est une lenteur généralisée dans le processus de traitement (Lahey & Edwards, 1996, Criddle & Durkin, 2001).

Les erreurs de dénomination des enfants dysphasiques sont le plus souvent des substitutions sémantiques, telles que souris pour kangourou, ou hameçon pour ancre16 et les réponses

épistémiques ou non-déterminées   de   type   ‘je   sais   pas’   (McGregor, 1997, McGregor et al., 2002). En revanche, les substitutions phonologiques telles que hanger pour anchor sont moins fréquentes que les substitutions sémantiques (Lahey & Edwards, 1999, McGregor & Appel, 2002),  même  s’ils produisent davantage de substitutions phonologiques en dénomination que leurs pairs de même âge (Lahey & Edwards, 1999). Ainsi, les erreurs les plus fréquentes sont celles  qui  entretiennent   une  relation  sémantique  avec  la  réponse  attendue.  Ce  type  d’erreurs   peut refléter des difficultés sémantiques et des représentations moins précises (McGregor, 1994, 1997, McGregor et al., 2002, McGregor & Appel, 2002). Toutefois, cela peut également illustrer des difficultés phonologiques (Schelstraete, 2011).   L’hypothèse   d’un   déficit  de  nature  phonologique  est  soutenue  par  le  fait  que  lorsqu’on  donne  des  informations   phonologiques à propos des mots cibles, les erreurs phonologiques disparaissent et les substitutions  sémantiques  diminuent,  comme  cela  a  été  montré  dans  le  cas  d’un  enfant  de  7  

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ans  présentant  des  troubles  sévères  de  l’évocation  lexicale  (Constable, Stackhouse & Wells, 1997).

En fonction de leurs difficultés en dénomination, Layeh & Edwards (1996) ont distingué deux sous-groupes  d’enfants  dysphasiques âgés entre 4 ans et 9;5 ans. Parmi ces enfants, certains présentent   des   difficultés   d’expression   mais   non   de   compréhension,   tandis   que   d’autres   ont   des difficultés langagières qui altèrent à la fois leurs compétences en production et en compréhension. La différence entre les deux groupes réside dans le fait que certains sont capables  d’identifier  un  item,  alors  que  pour  les  autres,  les  mots  cibles  ne  sont  pas  constitutifs   de leur lexique (Bragard & Schelstraete, 2007). Par ailleurs, certains enfants dysphasiques présentent   des   troubles   de   l’évocation   lexicale   ou   du   manque   de   mot   dans   des   tâches   de   dénomination et en discours (McGregor & Leonard, 1995, McGregor, 1997) tandis que d’autres  n’en  présentent  pas  (Messer & Dockrell, 2006).

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