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d'approvisionnement des villes en venaison sont soumises à des contraintes fortes qu

1.2 Le cadre conceptuel

1.2.1 Une approche biologique : les stratégies démographiques

Au § 1.1.5, nous avons évoqué la différence qui est faite actuellement entre la biodiversité « remarquable », à laquelle la société attribue une valeur intrinsèque, fondée principalement sur des approches non économiques, et la biodiversité « ordinaire », abondante, contribuant au fonctionnement des écosystèmes et à la production des services nécessaires à la société, qu'il est donc possible, sur ces bases, d'évaluer économiquement (Chevassus-Au-Louis, Salles et al. 2009). Cette différenciation, basée principalement sur la sociologie et l'économie, peut être rapprochée des travaux de biologie sur les stratégies démographiques dans le monde vivant, initiés, en 1967, par Mac Arthur et Wilson (Mac Arthur and Wilson 1967).

À la suite de cette première approche, Pianka (Pianka 1970) ,dans un article fondateur, a défini clairement deux grandes stratégies démographiques opposées, la stratégie r et la stratégie K, qui sont caractéristiques de milieux naturels très différents et dont le nom se réfère directement aux paramètres de la loi logistique.

Dans les environnements instables et très variables dans le temps, une espèce n'a aucun intérêt à être bien adaptée à une situation particulière, qui peut disparaître très rapidement. Il est beaucoup plus profitable de développer une capacité à se multiplier très rapidement, lorsque le milieu présente des caractéristiques favorables. Si, au contraire, le milieu est stable (ou facilement prévisible), il est plus efficace d'exploiter au mieux les ressources disponibles, qui, de toute manière, sont limitées, plutôt que de chercher à se reproduire rapidement. Dans cet environnement naturel saturé, la demande en ressources est, en permanence, proche de la disponibilité du milieu ; la sélection naturelle est alors densité-dépendante et va plutôt favoriser les espèces à croissance lente et à reproduction tardive. Au contraire, après un cataclysme, quelles que soient son origine et son étendue, les ressources excèdent largement la demande ; dans ce cas, la compétition est limitée et la sélection est densité-indépendante ; elle favorise les espèces à croissance rapide, à reproduction précoce et à faible durée de vie.

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Figure 10 : La loi logistique et les stratégies r et K

Les espèces r s'implantent dans les milieux instables et imprévisibles et produisent donc un grand nombre de jeunes, le plus tôt possible, mais avec une mortalité élevée. Les K-stratèges évoluent dans les environnements stables, qui favorisent des durées de vie longues et une reproduction plus rare et plus tardive.

En fonction du milieu, la sélection naturelle ajuste l'allocation du temps et des ressources disponibles dans l'environnement, en fonction des demandes conflictuelles entre les différents besoins de l'organisme. En particulier, la matière et l'énergie disponibles doivent être réparties entre les tissus et les activités somatiques, d'une part, et reproducteurs, d'autre part. La stratégie r favorise ainsi la reproduction et une productivité élevée dans un environnement peu concurrentiel ; à l'inverse, la stratégie K va concentrer les ressources disponibles dans l'entretien des individus. L'activité reproductrice est limitée à un nombre faible de descendants, ce nombre étant contraint par la capacité de charge du milieu. La stratégie K privilégie donc l'efficacité dans l'utilisation de ressources limitées.

Le Tableau 21 résume les principales propriétés de ces deux stratégies démographiques. Les courbes de survie sont issues des travaux de Deevey (Deevey 1947) qui distingue trois types de courbes, présentés dans la Figure 11.

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Figure 11 : Les trois types de courbes de survie.

Le type I correspond à un taux de survie des jeunes élevé, alors que la mortalité s'accroît fortement en fin d'espérance de vie ; cette situation est typique de styles de vie très protégés.

Le type II présente une mortalité constante quel que soit l'âge, selon un processus de déclin progressif.

Le type III, qui est le plus courant, se caractérise par un très fort taux de mortalité des jeunes, alors que les individus âgés font preuve d'excellentes capacités de survie.

Dans la nature, on voit apparaître des corrélations positives entre la taille des organismes et leur espérance de vie et des corrélations négatives entre, d'une part, le taux d'accroissement potentiel de la population et la durée des générations et, d'autre part, la taille des individus. Également, l'âge à la première production (à la puberté) augmente généralement avec l'espérance de vie potentielle et, de même, l'effort reproducteur potentiel est une fonction inverse de la survie adulte (Pianka 1970; Ricklefs and Miller 2005).

Les espèces de type r présentent fréquemment des cycles successifs d'explosion, puis de régression, ce qui explique leurs qualificatifs d'espèces opportunistes ou d'espèces fugitives. Les populations de type K sont plus stables, dans des environnements plus constants et sont qualifiées d'espèces d'équilibre (Faurie, Ferra et al. 2011).

En fait, les espèces vivantes se répartissent dans un continuum de sélection entre des comportements r et K. De plus, dans le monde animal, de nombreuses espèces sont capables d'adapter leur stratégie de reproduction en fonction des caractéristiques du milieu ou des pressions qu'elles subissent. C'est cette capacité d'adaptation qui nous permettra de comprendre l'impact de la chasse sur la dynamique des populations animales.

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Tableau 21 : Caractéristiques des stratégies r et K

Stratégie

R

K

Milieu Hétérogène ; variable et/ou imprévisible = incertain Constant et prévisible

Mortalité Souvent catastrophique, non dirigée, densité-indépendante Plus dirigée, densité-dépendante

Mortalité au stade adulte Elevée Faible

Survie Type III Type I et II

Taille de la population

Variable dans le temps, non équilibrée, souvent très au dessous de la capacité de charge, communautés non saturées, vides écologiques et

recolonisation

A peu près constante dans le temps, à l’équilibre, proche de la capacité de charge du milieu, communautés saturées

Fluctuations des populations Fortes Faibles

Compétition inter et intra spécifique Variable, souvent limitée Souvent sévère

Croissance de la population Croissance rapide Croissance plus lente, adaptation à la compétition intraspécifique.

Age de première reproduction Reproduction précoce Puberté tardive

Taille des individus Petite taille Taille élevée

Fréquence des cycles reproductifs Peu de cycles reproductifs par génération Nombreux cycles reproductifs par génération

Espérance de vie Courte Longue

Mode de dispersion Variable, espèces mobiles, vagabondes, forte capacité de dispersion. Stabilité dans l’espace, espèces sédentaires. Dispersion limitée

Ecologie Espèces généralistes, spectre large de biotopes et de choix alimentaires Espèces plus spécialistes, à biotopes étroits.

Axe stratégique privilégié Productivité Efficacité D’après Pianka (Pianka 1970)

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1.2.2 Des approches socio-économiques : biens communs et