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d'approvisionnement des villes en venaison sont soumises à des contraintes fortes qu

1.2 Le cadre conceptuel

1.2.3 Les apports de la géographie

1.2.3.2 La dimension spatiale

Par définition, le géographe conçoit ses objets de recherche dans l'espace en trois dimensions ; il va ainsi particulièrement s’intéresser aux paysages, à la localisation des activités humaines, par exemple à partir de lieux centraux, au cœur d'aires d'influence et de marché, dans un espace polarisé et il prend toujours en compte la distance, quelle que soit la façon dont elle est vécue par l'homme32(Sautter 2003).

Dans toutes les sociétés, les personnes ont besoin de s'orienter pour se localiser dans l’espace et exploiter les milieux dans lesquels elles vivent ; de plus, pour assurer les échanges qui lui sont indispensables, tant sur le plan matériel que spirituel, l'homme doit dominer l'obstacle de la distance. Sous des formes qui peuvent être différentes, chaque société sécrète donc des savoirs géographiques qui contribuent, en plus des aspects pratiques, à donner un sens à sa présence dans ce monde (Claval 1998).

Les réflexions des géographes sur l'organisation de l'espace sont particulièrement intéressantes pour l'analyse des paysages et pour l'étude des phénomènes économiques.

1.2.3.2.1 La biogéographie et le paysage

Au sein des sciences naturelles, la géographie et l'écologie s'intéressent à un même objet : le paysage, mais elles l’examinent à des échelles d'analyse différentes. L’écologie travaille à grande échelle, ce qui permet d’étudier les mécanismes de fonctionnement des écosystèmes et d’atteindre le niveau explicatif. La géographie s’intéresse au spatial et, donc, à la répartition et à la physionomie des éléments (superficie, formes des habitats, localisation dans l’espace, articulation avec les habitats voisins) ; elle est bien outillée pour décrire la distribution des espèces et les dynamiques spatiales de leur répartition (Godet 2010).

À l'origine, l'écologie analyse les paysages selon une maille très fine et essaie, dans une perspective réductionniste, issue de la vision newtonienne des sciences exactes, d'isoler et d'analyser l'influence de chaque paramètre (Courchamp 2009). À l'inverse, la géographie considère le paysage dans son ensemble, selon une approche globale. Écologie et géographie ont donc une même problématique : comprendre l'occupation de l'espace par les êtres vivants et, réciproquement, le rôle de l'espace dans le dynamisme et l'évolution de ces êtres vivants. Lorsque les deux sciences travaillent à des échelles comparables, on voit apparaître une nouvelle discipline : l'écologie du paysage (Cabanel 1999), dont les approches globales ont enrichi chacune des deux sciences : l'écologie a été amenée à mieux prendre en compte la complexité, tandis que la géographie a dû intégrer dans ses méthodes un certain nombre de concepts venus des sciences dures.

1.2.3.2.2 La géographie économique

La géographie économique s'intéresse à la distribution des ressources et des richesses, à la localisation des différentes productions, à l'intérieur des régions économiques, et à l'organisation des échanges (Géneau de Lamarlière and Staszak 2000). Fondamentalement, elle étudie l'impact de l'espace sur l'économie. En effet, pour comprendre comment fonctionne une économie, il ne suffit pas de décrire les installations productives et les éléments de l’activité humaine qui apparaissent dans le paysage ; il faut également analyser l’ensemble des flux de toute nature (énergie, matières premières, produits finis et semi-finis, flux financiers, déplacements humains, informations) qui sont en circulation sur le territoire et qui alimentent les différents marchés. Une partie de ces éléments sont de nature immatérielle et ne se voient pas dans les paysages.

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En matière géographique, on peut en effet distinguer deux grands types d'espaces :

d'une part, l'espace géométrique, euclidien, qui est isotrope dans toutes ses dimensions et se caractérise par son étendue ;

d'autre part, l'espace géographique à proprement parler, qui est en partie construit par les sociétés et qui est anisotrope. En effet, cet espace est hétérogène, du fait du milieu physique, qu'il s'agisse du relief, du réseau hydrographique ou du réseau de communication construit par l'homme ; donc, le franchissement de la distance a un coût qui n'est pas linéaire, mais extrêmement variable.

Les mesures de distance peuvent ainsi être exprimées dans des unités totalement différentes dans des espaces, soit géométriques euclidiens, soit temporels (distance-temps) (Retaillé 2005), soit économiques (distance-coût).

Le but de la géographie économique est bien de comprendre les conséquences sur l'espace du comportement de l’homo aeconomicus rationnel, froid et calculateur et, réciproquement, l'impact de l'espace sur ce comportement. Plusieurs modèles ont été proposés pour expliciter ces impacts ; citons, parmi les plus connus (Aragrande 1997; Capt and Schmitt 2000) :

le modèle de Von Thünen (1826), qui décrit un schéma d'approvisionnement des villes en denrées agricoles, basé sur le coût de transport et sur la rentabilité relative de chaque culture. Les productions agricoles se répartissent alors selon des auréoles concentriques, structurées par le prix de la terre et la rente foncière, les coûts de transport et, enfin, le rendement financier de chaque culture.

Figure 12 : le modèle de Von Thünen

Le point noir représente la ville ;

1 (blanc) la zone de maraîchage et élevage laitier ; 2 (vert) la forêt pour le bois de chauffage ; 3 (jaune) céréales, cultures de plein champ ; 4 (rouge) élevage extensif.

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Le modèle de Hotelling (1929), qui explique, en situation de forte concurrence, la concentration spatiale des activités commerciales de même nature. Il démontre que la position centrale des activités est la seule qui soit stable pour tous les intervenants, tout éloignement de ce centre se traduisant par une perte de clientèle potentielle. Son

raisonnement explique que, lorsque les coûts relatifs de transport sont élevés, les points de commercialisation sont dispersés et que, à l'inverse, si ces coûts sont faibles, alors la commercialisation est spatialement concentrée. Ceci s’accorde avec les observations empiriques qui montrent, dans les zones urbaines, la concentration des commerces, quelle que soit leur nature (produits de grand luxe sur quelques avenues de renom à Paris ou étals de viande de chasse au PK 12, à Bangui).

Le modèle de Christaller (1932) et la théorie des lieux centraux. Cette thèse est fondée sur un modèle de hiérarchisation du réseau des agglomérations en fonction des services et des commerces qui se trouvent dans chacune. Elle est basée sur trois paramètres principaux : la portée du bien, qui correspond à l'aire maximale de distribution, compte tenu des coûts de transport, le seuil minimal de production, qui permet des économies d'échelle et le seuil de demande, qui est fonction de la rareté du produit. Selon une trame hexagonale de maille croissante, le réseau urbain est hiérarchisé des bourgs qui proposent les biens les plus demandés et les plus concurrentiels aux grandes villes qui offrent les biens rares et les services peu fréquents.

Figure 13 : Le modèle de Christaller

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Principe administratif

Le principe de marché résulte de la loi de l’offre et de la demande ; plus une ville offre de biens et de services, plus son « aire d’influence » en tant que lieu « central » est étendue.

Le principe de transport est basé sur la recherche de l’économie dans les déplacements entre les lieux centraux.

Le principe administratif découle d’une organisation spatiale pyramidale de lieux centraux secondaires autour d’un lieu central principal.

Ces différents modèles, adaptés à la situation centrafricaine et utilisés aux échelles pertinentes, peuvent participer à la compréhension des principaux éléments de la filière de commercialisation de la venaison (Aragrande and Argenti 1997).

De nos jours, l'utilisation des Systèmes d’Information Géographique (SIG), renseignés par un appareillage statistique de plus en plus précis, permet de modéliser, à différentes échelles, la structuration économique des territoires, mais il ne semble pas apparaître de théorie explicative globale de la répartition des activités économiques. Ces outils auraient été intéressants à utiliser pour suivre et pour comprendre les activités de chasse en forêt et leurs logiques. A l’époque des travaux de terrain, nous avons été limités par un frein technique important, pour le repérage en forêt, les GPS fonctionnant de façon imprécise et lente sous la canopée. Depuis 2008, donc, malheureusement à la clôture de nos travaux de terrain, une nouvelle génération d’antennes, sur les GPS de moyenne gamme, en particulier les Garmin, permet des relevés rapides et précis (de l’ordre de +/- 1 m) en grande forêt et change totalement les conditions expérimentales et l’intérêt de ces technologies informatiques et satellitaires.