• Aucun résultat trouvé

d'approvisionnement des villes en venaison sont soumises à des contraintes fortes qu

1.2 Le cadre conceptuel

1.2.3 Les apports de la géographie

1.2.3.3 La dimension sociale et culturelle

Encore plus que les sciences exactes, les sciences humaines ne peuvent faire l'impasse sur une intégration du temps et de la durée dans leur réflexion. La géographie s'intéresse en priorité aux processus actuels ; elle doit d'abord les identifier, les décrire et les localiser dans le présent et c'est seulement dans un deuxième temps qu'elle peut rechercher dans le passé les explications causales sur ces observations. Même si elle ne doit pas négliger l'influence de la très longue durée sur les rapports entre les hommes et leur milieu, la géographie aborde le passé en sens inverse de l'histoire, en partant du présent (Claval 1998; Dunlop 2009).

Ce rapport au temps est également une différence entre la géographie et l'ethnologie ; en effet, cette dernière science est ancrée dans l'étude de la parenté, dont la composante temporelle est fondamentale. L'ethnologie travaille beaucoup sur les représentations et les mythes fondateurs des sociétés. Les ethnologues analysent l’ « idéel », par opposition au matériel (Godelier 1984) et, ainsi, identifient les manipulations du réel, par certains éléments de la société, à des fins de pouvoir et de compétition sociale. Le premier outil de l'ethnologue est la linguistique alors que le géographe va utiliser le paysage pour établir une médiation entre le réel et son appréhension par l'esprit humain (Sautter 2003).

122

On oppose parfois les sociétés géographiques, basées sur le lien territorial, l'appropriation de l'espace et de ses frontières aux sociétés d'ethnologues, où l'espace social est structuré par les rapports de personne à personne, organisés dans les relations de parenté. Dans ces dernières sociétés, généralement sans écriture, la transmission des savoirs et des techniques est basée sur l'imitation et sur la parole. Cependant, dans les deux cas, la méthode monographique est un instrument de recherche incontournable ; à partir d’un terrain de travail circonscrit et localisé, il est possible de réaliser une étude exhaustive d'un espace limité pour le géographe ou d'un groupe humain dont le nombre est restreint, pour l'ethnologue.

L'approche géographique, en matière humaine, est donc très généralement basée sur le concept de territoire, qui a été analysé au § 1.1.3.3. En Afrique intertropicale, les populations, caractérisées par l'animisme et le communautarisme, présentent une conception particulière de l'espace et du territoire, qui est parfois qualifié de « topocentrique ». L'espace est organisé autour de lieux particuliers, qui sont le siège des différents pouvoirs mystiques de la brousse. C'est dans ces lieux que se sont conclues les alliances entre les premiers arrivants et les divinités. La maîtrise de l'espace qui en découle pourrait être assimilée à un champ magnétique, s'exerçant à partir de chacun de ces lieux centraux, qui structurent l'espace de la communauté. Le territoire comprend alors une composante religieuse qui ne doit pas être négligée (Le Roy 1991).

En complément du territoire, les géographes différencient souvent (Vermeulen and Karsenty 2001; Roulet, Ngueremono et al. 2008) :

le terroir, situé en périphérie du village, en vue d’une mise en valeur agricole. Il comprend les parcelles annuelles, les espaces en jachère et les champs de cultures pérennes (café, cacao,…) ; cet espace est géré par la chefferie villageoise et les lignages, sur la base du droit de « première hache », qui réserve un accès privilégié aux descendants du premier

défricheur. Certaines parcelles, en particulier, les cultures pérennes, peuvent faire l’objet d’une appropriation individuelle ;

et le finage, c’est l’espace naturel (forêt et savanes) englobant, autour du village, sur lequel s’exercent les activités de cueillette, de chasse et de pêche de la collectivité villageoise. Les modalités d’accès et d’exploitation sont organisées sur une base collective. Le finage correspond à l’expression spatiale du territoire.

Sur son espace de vie, chaque société va s'adapter aux conditions naturelles et développer ce que Vidal de la Blache a appelé un « genre de vie » original. Considérant qu'un même milieu naturel offre aux hommes diverses possibilités, en fonction de leurs outillages et de leurs capacités techniques, le fondateur de l'école française de géographie a développé, à la fin du XIXéme siècle, le concept de « possibilisme », en opposition au déterminisme de l'école géographique allemande de Ratzel. Ce dernier considérait en effet que l'ensemble des caractéristiques techniques, sociales et culturelles d'un groupe humain étaient déterminées par les données naturelles de l'espace dans lequel il vit et, en particulier, par le climat (Renard 1997; Claval 2003; Gunnell 2009). De nos jours, il est admis que les systèmes naturels et sociaux co-évoluent par adaptation et ajustements, voire à travers des phases de crise, dans le cadre de socio-écosystèmes (ou anthroposystèmes).

L'analyse des genres de vie, des instruments que les sociétés utilisent, des paysages qu'elles modèlent a donné naissance à la géographie culturelle (Claval 2003).

Cette discipline, en liaison avec l'ethnologie, s'intéresse à la famille et aux systèmes de parenté, aux règles à respecter dans le choix du conjoint, au mode de filiation choisie (patrilinéaire si les enfants appartiennent à la lignée du père, matrilinéaire s'ils sont rattachés au clan maternel, éventuellement bilinéaire), au lieu de résidence des époux (patrilocale en cas de résidence chez les parents du mari, virilocale dans la parenté élargie du mari, matrilocale chez les parents de la femme, uxorilocale dans la parenté élargie de la femme ou néolocale lorsque le couple s'installe sur une implantation nouvelle). Les règles d'héritage des biens font également l'objet d'un intérêt particulier.

123

La géographie culturelle va également s'interroger sur l'origine de la cohésion sociale. En effet, la vie sociale implique que les partenaires aient le sentiment d'appartenir à un même ensemble où chacun se sent responsable et solidaire. Ce sentiment collectif peut être établi sur une base affective, souvent d'origine familiale, religieuse ou issue d'un idéal partagé, et l'on parle alors de communauté ; il peut également être fondé sur une base rationnelle, liée à la recherche de l'intérêt et de l'efficacité et on considère alors qu'il s'agit d'une société (Combemale 2005).

Le droit foncier, qui synthétise les rapports du groupe à son environnement, à travers différents techniques sociales, est également étudié pour son rôle fonctionnel, mais également religieux et symbolique. Les paysages, de leur côté, doivent également être lus selon trois grilles complémentaires, une grille fonctionnelle sociale, une autre fonctionnelle économique et une dernière grille symbolique.

Si les liaisons entre la géographie et l’écologie sont étroites dans l’étude des paysages, l’apport de la géographie humaine, surtout dans sa composante culturelle, est indispensable pour comprendre réellement le fonctionnement des sociétés. Ces différents aspects sont primordiaux dans notre cas d’étude, où la vie des hommes est basée sur l’exploitation directe des ressources naturelles renouvelables.