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d'approvisionnement des villes en venaison sont soumises à des contraintes fortes qu

1.1 Définition et analyse du vocabulaire utilisé

1.1.3 Les contraintes et les régulations

1.1.3.3 Le territoire et la frontière

Le terme « territoire » est utilisé dans de nombreuses disciplines, de l'écologie ou de la géographie à l'économie ou aux sciences juridiques. Son sens peut varier, mais il comprend toujours une dimension spatiale et renvoie à la définition de relations entre une population, une communauté et un espace.

1.1.3.3.1 Le territoire

En écologie, le territoire d'un individu ou d'un groupe d'individus d'une espèce donnée s'entend comme la portion de nature où il va trouver les ressources nécessaires à sa survie et à sa reproduction (Requier-Desjardins 2009). Plus précisément, en éthologie, le territoire est l'espace défendu par l'individu, notamment en période de reproduction, et qu'il ne quitte alors qu’en cas de force majeure. Il est inclus dans le domaine vital7, qui est l'espace nécessaire à l'ensemble des activités d'un individu ou d'un groupe structuré, qu'il soit défendu ou non contre l'utilisation par les congénères (Guiraud and Havet 1983; Benhamou 1998). La territorialisation est une stratégie spatiale qui permet de limiter la densité démographique, dans un habitat donné, en fonction de l'abondance et de la répartition des ressources, en écartant de la reproduction le surplus des individus qui ne peuvent pas individualiser un territoire (Gunnell 2009).

En économie, la réflexion sur le territoire a été remise à l'ordre du jour, depuis une trentaine d'années, avec l'analyse de la réussite économique de certaines régions italiennes et la redécouverte des travaux sur les districts industriels de l'économiste britannique Marshall, à la fin du XIXéme siècle. À cette époque, Marshall constate, à côté des grandes entreprises intégrées et profitant à plein des économies d'échelle, liées à la production de masse, l'existence de regroupements de petites et moyennes entreprises, engagées sur un même secteur et profitant d'externalités positives. Celles-ci sont liées à la coopération et à la division du travail entre établissements, qui sont favorisées par la proximité géographique, organisationnelle (basée sur une logique d'appartenance à une même organisation) et institutionnelle, avec une similitude des représentations, des valeurs et des règles (Fauré and Labazée 2005) (Colletis and Gilly 1999). Le territoire, dans ce cas, est assimilé à une

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forme d'organisation productive, marquée par des règles partagées par tous les acteurs et par l'existence d'une frontière spatiale de cette organisation en réseau. Il favorise l'apparition de milieux innovateurs et d'une spécialisation flexible (Requier-Desjardins 2009). Le district industriel ou son expression française, le système productif localisé, font apparaître deux types de coordination des acteurs, utilisés simultanément : le marché et la réciprocité, qui constituent deux systèmes d'échange imbriqués (Pecqueur 2006).

En matière juridique et pour les sciences politiques, le territoire est un espace délimité, sur lequel s'exerce la « violence légitime » d'une autorité politique (Requier-Desjardins 2009). Il est fréquemment fait référence, dans ce cas, à l'État. Le territoire sert à lier le Pouvoir et sa capacité de création de droits à un espace défini. C'est « l'assise spatiale sur laquelle une autorité dispose de compétences particulières » ( Poirat, in (Barrière 2008)). La nature juridique du territoire permet de définir la destination et l'affectation d'un espace à un groupe ou à une personne physique. Ce rapport à l'espace, qui va déterminer la propriété, est de nature privative (une personne), communautaire (plusieurs personnes) ou publique (toutes les personnes) (Barrière 2008).

Les géographes ont également beaucoup travaillé sur le territoire, qui est, dans sa dimension spatiale, une notion essentielle de la géographie humaine. Par exemple, pour Di Méo (Di Méo 1994), le territoire réunit l'espace de vie, lié aux pratiques, l'espace vécu, lié aux représentations de ces pratiques et l'espace social, lié à l'imbrication des lieux et des rapports sociaux.

1.1.3.3.2 La frontière

Certains chercheurs se sont plus particulièrement intéressés aux problèmes de délimitation des territoires. Pour les Etats, la frontière linéaire « westphalienne », telle qu'elle est conçue de nos jours, est apparue au XVIIéme siècle, lors des négociations de la paix de Westphalie (1648), qui a vu la libération des États allemands du joug autrichien et une redéfinition des frontières, présentées comme des tracés immatériels, liés à la souveraineté. Cette évolution est directement liée aux progrès des mathématiques et de la cartographie. La limite d’un territoire est alors d’autant plus lisible et facile à contrôler qu’elle repose sur un obstacle physique, donnant naissance au concept de frontière naturelle8.

Antérieurement, la frontière était représentée par un espace privilégié, la ville-frontière, qui marquait la limite d'une souveraineté (Piermay 2005). Au Moyen Âge, la société était organisée sur la base des relations personnelles, d'homme à homme, entre suzerains et vassaux. La frontière entre Etats est alors définie par le concept de marches-frontières, avec des espaces de souveraineté floue, matérialisés par la présence de forêts ou de zones désertiques ou inhabitées (Renard 1997). Ces limites floues se retrouvent en Afrique tropicale : par exemple, en Guinée forestière, dans un environnement assez densément peuplé, les dernières forêts naturelles sont situées sur les pentes montagneuses et délimitent les territoires de chaque grande ethnie (forêts de Ziama, de Diecke ou de Fon) ; également, en RCA, le territoire des préfectures et des sous-préfectures n'est pas cartographié précisément, mais correspond à une liste de villages, rattachés administrativement à cette unité, sans que le terroir physique de ces villages ait fait l'objet d'une délimitation officielle.

En reprenant la métaphore éthologique et la distinction entre domaine vital et territoire animal, on pourrait considérer que les confins, les marches du domaine vital humain se réduisent avec l’augmentation de la densité de population et l’intensification de l’utilisation de l’espace qui en découle ; avec la croissance démographique, les domaines vitaux des collectivités et leurs marges utilisées de façon extensive se contracteraient progressivement dans des territoires, bien délimités et fortement appropriés.

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1.1.3.3.3 Une définition opérationnelle

Pour les sociologues et les anthropologues, le territoire est lié à l'identité culturelle des populations habitant un espace et ayant une emprise sur sa gestion. Godelier définit ainsi le territoire comme « une portion de la nature et donc de l’espace sur laquelle une société déterminée revendique

et garantit à tout ou partie de ses membres des droits stables d’accès, de contrôle et d’usage portant sur tout ou partie des ressources qui s’y trouvent et qu’elle est désireuse et capable d’exploiter »

(Godelier 1984).

Dans la suite de ce travail et en essayant de synthétiser les différentes approches présentées ci-dessus, nous définirons le territoire comme un concept à trois dimensions, synthétisant :

un espace, délimité de façon plus ou moins précise,

des institutions de gestion, dont la nature peut être très variable et doit être analysée et des règles de gestion, plus ou moins contraignantes, mais définissant au minimum les conditions d'accès aux ressources.

Dans le cadre présent, nous entendons l’institution au sens classique comme une structure sociale, définie par la loi ou la coutume et participant à l’organisation de la société.

Le territoire comme la communauté sont des institutions basées sur la confiance. Ce facteur naît de racines culturelles communes et du partage de l'expérience productive qui appelle le respect des contrats et de la parole donnée et la loyauté dans des relations de partenariat. Il est favorisé par des contacts interpersonnels répétés et réguliers (Benko 2000). Dans cet environnement structuré par la confiance, le capital social est l'ensemble des normes et des réseaux qui facilitent l'action collective. Il se manifeste par des droits et des obligations, par la capacité à faire circuler l'information et par l'existence de règles et de sanctions qui s'imposent à tous les membres de la communauté.