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législation cynégétique

1916 Permis commercial

2.2.2.3 Les permis pour arme de traite et les permis indigènes

Pour des raisons de sécurité évidente, l'administration coloniale va chercher à contrôler l'accès des Africains aux armes de chasse et, en particulier, aux carabines de gros calibre. La législation sur les armes et les munitions sera détaillée ultérieurement, qu'il s'agisse des armes de traite ou des armes perfectionnées (§ 2.2.3).

En matière cynégétique, l'usage des méthodes traditionnelles a été présenté au § 2.2.1 ci- dessus. Nous allons étudier maintenant la législation concernant l'utilisation des armes de traite, l'accès au commerce de la viande de chasse et la collecte de l'ivoire ; nous analyserons donc, successivement, les dispositions concernant le permis de port d'armes de traite, puis le permis indigène de chasse à l'éléphant et ses évolutions jusqu'aux textes actuels.

2.2.2.3.1 Le permis de port d’arme de traite

L'article 15 du décret du 1er août 1916 prévoit qu’en dehors de la chasse à l'éléphant, le permis de port d'armes, délivré aux Africains disposant légalement d'une arme de traite, équivaut pour ces derniers à un permis de chasse. Comme pour les autres catégories de permis, ce texte ne prévoit pas de restriction particulière du volume de gibier abattu, sauf en ce qui concerne l'éléphant et les espèces protégées par l'arrêté du 29 décembre 1916 (autruche, rhinocéros blanc, chimpanzé,…). Dans la pratique, cependant, l'abattage de la grande faune restait limité relativement par la qualité et la puissance de ce type d'armes.

L'article 17 du décret de 1929 confirme l'équivalence, pour les indigènes, entre le permis de port d'armes de traite et le permis de chasse ; il limite cependant les prélèvements à la faune non protégée.

Le décret de 1936 prévoit également (article 12) que le permis de port d'armes (PPA) équivaut, pour les Africains, au permis de chasser, avec des armes non rayées et sans possibilité de tirer à balles, la faune non protégée. En AEF, ce PPA permet également d'abattre annuellement cinq buffles et cinq hippotragues. Le nombre de cartouches autorisé est limité annuellement à une centaine, sous le contrôle de l'Administrateur.

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En 1944, le décret du 27 mars, à l'article 12, confirme les dispositions concernant cette autorisation de chasse, pour les villageois, avec les armes de traite, sans paiement d’un permis de chasse. Le PPA d'armes de traite correspond, pour les Africains, au permis sportif ordinaire des résidents, c'est-à-dire au permis de petite chasse, permettant de prélever la faune non protégée. Il leur permet, en plus, de tuer annuellement cinq buffles, cinq hippotragues et les singes colobes sans limitation, mais, comme les titulaires de permis sportif, ils ne peuvent pas abattre le même jour plus de deux animaux d'une même espèce, ni, durant la même semaine, un total de plus de 10 animaux, toutes espèces confondues. Ces dispositions sont maintenues dans le décret de 1947 (article 20).

À partir de 1953 (arrêté 2314, article 14), puis, en 1955 (arrêté 2928 bis/CH, article 9c), le quota de grand gibier est réduit à cinq buffles ou cinq hippotragues, puis il disparaît et les prélèvements ne sont autorisés que sur la faune non protégée.

Après l'indépendance, la loi n° 60.141 du 9 septembre 1960 exclut de l'exercice des droits d'usage la possibilité d'utiliser une arme à feu artisanale ou perfectionnée (article 14). Dans ces conditions, le privilège attaché au permis de port d'armes de traite n'a plus lieu d'être. En 1972, l'ordonnance n° 72/078 va interdire la détention des armes de traite et la vente de poudre de chasse et, en 1981, l'ordonnance n° 81/036 interdira la fabrication, la détention et l'utilisation des armes à feu d'origine artisanale. Ces dispositions sont confirmées dans l'article 61 du code de la faune de 1984. C'est donc officiellement la fin des dispositions concernant les armes de traite et les armes artisanales. Nous verrons, dans la suite de ce travail, la réalité observée sur le terrain.

Le Tableau 27 permet de suivre l'évolution, depuis le début du XXème siècle, du prix du permis de port d'arme de traite.

Tableau 27 : évolution du prix du permis de port d'arme de traite (PPA)

Date Montant Monnaie courante 2011 1913 Fusil à pierre 2 F 6.50 € Fusil à piston 3 F 10 € 1916 Fusil à pierre 5 F 12 € Fusil à piston 7 F 17 € 1918 Fusil à pierre 5 F 8 € Fusil à piston 7 F 11 € 1919 Fusil à pierre 5 F 6 € Fusil à piston 7 F 9 € 1927 7 F 4 € 1934 10 F 7 € 1943 5 F 1 € 1951 250 F CFA 12 € 1956 350 F CFA 14 €

1988 Arme moderne 8000 F CFA 37 €

1994 Arme moderne 8000 F CFA 16 €

On peut retenir, comme ordre de grandeur, que le prix de ce permis, destiné essentiellement aux notables locaux, est à peu près l'équivalent de l'impôt de capitation. Il permet donc un approvisionnement en protéines à coût relativement réduit.

2.2.2.3.2 Le permis indigène de chasse à l’éléphant et ses évolutions

Le décret de 1916 (article 15) prévoit que, pour chasser l'éléphant, les Africains doivent, s'ils chassent pour leur propre compte, se faire délivrer un permis indigène de chasse à l'éléphant, qui les

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autorise uniquement à utiliser des armes de traite. Le tarif de ce permis pour éléphants va régulièrement augmenter, en valeur courante comme en valeur constante, ce qui semble logique en fonction de la croissance du prix de l'ivoire. Les montants, exprimés en francs courants et en euros2011, sont rappelés dans le Tableau 28 ci-dessous :

Tableau 28 : tarif actualisé des permis indigènes pour éléphants.

Année Montant

Francs courants Euros2011

1916 50 F 122

1925 200 F 162

1927 1000 F 593

Le décret du 28 août 1929, réglementant la chasse en Afrique équatoriale française, va modifier cette situation, en prenant en compte le statut de la faune protégée. L'article 18 prévoit la possibilité de délivrer aux Africains des « permis indigènes » de chasse leur permettant de chasser, pour leur propre compte, les animaux partiellement protégés, figurant à l'annexe II du décret. Les quotas autorisés sont ceux prévus pour les permis sportifs de grande chasse, délivrés aux Européens (article 19). Les Africains ont de plus l'obligation de livrer l'ivoire des éléphants ou la corne des rhinocéros qu'ils abattent directement à l'Administration, qui les leur achète comptant à la moitié de la valeur mercuriale, en compensation de la modicité du prix du permis. Le nombre de charges de poudre ou de cartouches que chaque titulaire de permis peut acheter est limité à une centaine par an (article 20).

L'arrêté du 17 décembre 1934 précise certaines dispositions précédentes. Il rappelle que le permis est strictement personnel, qu’il ne peut pas être renouvelé dans l'année (article 1) et que la tenue d'un carnet de prélèvement, donnant au jour le jour tous les renseignements sur l'espèce, le sexe et le lieu de prélèvement du gibier, est obligatoire (article 2). Si le chasseur ne sait pas écrire, il doit déclarer ses prélèvements au poste administratif le plus proche. Un arrêté du Gouverneur Général doit préciser le nombre de ces permis qu’il est possible de délivrer par région (article 9) ; dans la pratique, du fait des contraintes administratives, ce type de permis est réservé aux notables (article 3). Ne sont autorisés pour la chasse que les armes à feu, les sagaies, les arbalètes et les arcs, à l'exclusion, donc, de toute forme de piégeage (article 5).

L’évolution des quotas de chasse pour les permis indigènes de grande chasse commerciale, entre 1929 et 1935, est résumée dans le Tableau 29.

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Tableau 29 : quotas des permis indigènes de grande chasse.

1929 1931 1935 Eléphant 2 2 2 Hippopotame 2 2 2 Rhinocéros noir 1 Buffles 8 15 Girafe 1 1 1 Gorille 1 1 4 Chimpanzé 1 4 Grand koudou 2 1 1 Elan de Derby 1 1 Bongo 2 1 2 Antilope chevaline 3 12 Situtonga 2 2 2 Colobe 5 5 12 Parpassa 2 1 12 Autruche 1 1 2 Grue couronnée 2 2 2 Aigrette 10 10 12 Marabout 4 12

Au vu de cette liste, il est possible de présumer les motivations des chasseurs professionnels africains :

la collecte, pour le compte de l’Administration, de l'ivoire d'éléphant et, éventuellement, de l'ivoirine d'hippopotame (la collecte des cornes de rhinocéros doit être abandonnée, les deux espèces étant intégralement protégées à partir de 1931),

la récolte et la vente de la viande de chasse pour la consommation des populations concentrées, du fait des tonnages de venaison disponibles, et, peut-être, pour des usages rituels (abattage de gorille ou de chimpanzé),

la vente de divers sous-produits animaux comme les plumes de parure (autruche, aigrettes ou grue couronnée) ou les fourrures (parpassa, colobes) et,

peut-être, des captures d’animaux vivants pour l’exportation (grands primates).

Il faut noter la disparition du buffle dans ces quotas au début des années 1930 ; nous reviendrons ultérieurement sur ce fait.

En 1934, le prix du permis indigène de grande chasse est porté à 500 F, soit l'équivalent de 340 € 2011, mais le système de quota, surtout pour l’éléphant, a sérieusement diminué la rentabilité de la chasse commerciale, pour les africains comme pour les chasseurs européens. Le nombre de titulaires du permis indigène de grande chasse est toujours resté faible, en comparaison à la superficie du pays, comme l’indique le Tableau 30 ci-dessous ; il est d’ailleurs du même ordre de grandeur que celui des chasseurs professionnels européens qui sera évoqué dans le Tableau 51.

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Tableau 30 : Nombre de permis indigènes de grande chasse en Oubangui-Chari

1935 1936 Haute-Sangha Mpoko 10 20 Oubangui Ouaka 10 10 Mbomou 15 15 Chari Bangoran 10 15 Ouham Pendé 5 5 TOTAL 50 65

Sources : arrêtés GG du 17 décembre 1934 et du 21 décembre 1935

Le décret du 13 octobre 1936, réglementant l'exercice de la chasse dans les principaux territoires africains relevant du Ministère des Colonies, modifié par le décret du 24 septembre 1937, va modifier sérieusement l'esprit de la législation. En particulier, il supprime l'ensemble des permis commerciaux, dont le permis indigène, mais autorise (article 12) les Africains à demander des permis sportifs de petite, moyenne et grande chasse, dans les mêmes conditions que les Européens, sous réserve de la légalité de la détention des armes et du paiement du permis de port d'armes correspondant.

Les Africains, possédant légalement une arme lisse perfectionnée, doivent obligatoirement demander (article 13) un permis sportif de catégorie A (petite chasse). S'ils sont en possession d'armes rayées d'un calibre suffisant, ils doivent alors se procurer (article 14) un permis spécial de moyenne ou de grande chasse, mais, dans l’esprit de la loi, ils devraient abandonner toute recherche de profit lié à l’activité cynégétique.

L'arrêté n° 2.928 bis / CH, du 3 septembre 1955, va modifier ces dispositions dans les faits. Il crée un nouveau permis de chasser avec les armes de traite. En matière de prélèvements de faune, ce dernier équivaut au permis de moyenne chasse, même si son montant est réduit à celui du permis sportif de petite chasse.

Par arrêté rectificatif du 10 janvier 1956, ce permis prendra la dénomination de permis de moyenne chasse pour arme de traite. Le texte prévoit également la création, à l'article 9e, d'un permis spécial d’éléphant, pour les personnes déjà titulaires d'un permis pour arme de traite ou d'un permis de moyenne chasse, donnant le droit d'abattre un éléphant, après le paiement d'un droit fixe et d'une taxe d'abattage. On peut difficilement imaginer que le législateur ait pu croire que l’ivoire en serait conservé comme trophée et que la viande serait abandonnée en brousse sans valorisation.

Après l'indépendance, la loi n° 60.141 du 9 septembre 1960, confirme, dans l'article 35, la possibilité de se procurer un permis de moyenne chasse pour arme de traite. Il faut pour cela être résident centrafricain, âgé d'au moins 20 ans et que l'arme soit en règle. Il est alors possible de prélever la faune non protégée et les animaux partiellement protégés dans les mêmes limites et les mêmes conditions que celles du permis de moyenne chasse ordinaire. Le montant de la taxe pour ce permis est le même que celui pour le permis de petite chasse. Ce permis de moyenne chasse pour arme de traite est délivré par le Chef de District. Par contre, il n'est plus possible d'adosser à ce permis un permis complémentaire d'éléphant, puisque ce dernier nécessite la détention d'une arme rayée de calibre égal ou supérieur à 8 mm.

En 1972, l'ordonnance n° 72/078 va interdire la détention des armes de traite et la vente de poudre de chasse et, en 1981, l'ordonnance n° 81/036 interdira la fabrication, la détention et l'utilisation des armes à feu d'origine artisanale ; c’est la fin officielle de ce type d’armes et des chasses qui lui sont associées.