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législation cynégétique

1916 Permis commercial

2.2.3 Le contrôle des armes et des munitions

2.2.3.1 La législation sur les armes

Dès le début du XXéme° siècle, la législation va différencier trois grandes catégories d'armes, les armes traditionnelles (arc, arbalète, sagaie, couteau de jet) fabriquées localement avec des matériaux disponibles sur place et, parmi les armes à feu, les armes de traite et les armes perfectionnées. Les références précises des principaux textes législatifs et réglementaires portant sur les armes et les munitions sont rassemblées en annexe n° 3.

Les armes de traite sont définies dans le décret de 1913 (article 3) ; il s'agit des fusils à pierre et des fusils à piston, sans hausse, ni rayures, ainsi que leurs accessoires : poudre noire, capsules à fulminate et pierres à fusil. Le décret de 1915 reprend cette définition et précise (article 3) que toutes les autres armes à feu relèvent de la catégorie des armes perfectionnées.

Nous allons étudier successivement les dispositions générales en matière d'armes à feu, puis, plus spécifiquement, celles concernant les armes perfectionnées, les armes de traite et, enfin, les armes de fabrication locale.

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2.2.3.1.1 Dispositions générales

La Conférence de Berlin de 1885 pose le principe de la liberté du commerce dans le bassin du Congo, mais, dès 1890, l'Acte Général de la Conférence de Bruxelles, initialement consacrée à la lutte contre l'esclavage dans cette région, prévoit, également, l'établissement de droits d'entrée de 10 % sur les marchandises importées et un régime particulier pour les armes et les spiritueux.

Selon ce régime, les armes à feu et les munitions doivent être déposées, lors de leur importation, dans des entrepôts spéciaux et ne peuvent en sortir que sur autorisation du Gouverneur Général. Les armes à feu perfectionnées et leurs munitions ne sont autorisées qu’aux personnes qui offrent la garantie qu'elles ne seront ensuite ni données, ni vendues, ni cédées à des tiers. La sortie d'entrepôt des armes et munitions de traite n’est autorisée qu'à destination des districts où le transport et le trafic des armes sont permis ; les négociants qui bénéficient de ces autorisations doivent rendre compte régulièrement à l'autorité administrative du mouvement de ces armes (de Cuvelier, Droogmans et al. 1907).

Les décrets d'attribution des concessions, en 1899, interdisent formellement le commerce des armes à feu et des munitions aux concessionnaires et à leurs agents, sauf autorisation particulière du Gouverneur Général pour le commerce des armes de traite uniquement et sous le contrôle des agents de la Colonie (de Dampierre 1967). Pour les armes perfectionnées, le permis de port d'armes est institué en 1899 et ses règles sont précisées dans un arrêté du 16 février 1901, qui définit trois catégories d'armes, dont les armes de chasse.

Cependant, au début du XXsiècle, l'A.E.F. importe environ 20 000 fusils de traite et 200 t de poudre par an (Coquery-Vidrovitch 1972). Le décret du 21 août 1903, relatif à l’introduction des armes à feu et des munitions dans le Congo français, précise donc la réglementation : l'introduction et la vente des armes sont interdites, sauf celles destinées à l'armée et à la police ou sur autorisation individuelle exceptionnelle. Toutes les armes perfectionnées et leurs munitions doivent être enregistrées et seules peuvent être autorisées, par le Gouverneur Général, l'importation, la vente, le transport et la détention des fusils de traite (fusils à pierre ou à capsules, à canons non rayés) et de la poudre noire.

Le Protocole signé à Bruxelles, le 22 juillet 1908, vise à prohiber définitivement « l'importation, la vente et la détention d'armes destinées à l'usage des indigènes ». Seuls les Européens ou assimilés peuvent alors importer des armes uniquement pour leur usage personnel. Ces dispositions entraînent un trafic illicite important et, également, posent problème pour le ravitaillement en protéines des populations locales et pour la commercialisation de l'ivoire, alors que ce commerce est important pour les compagnies concessionnaires et, également, pour le Trésor Public, par le biais des taxes à l'exportation.

Ce protocole est donc dénoncé par le Gouvernement français, à compter du 15 février 1913, comme contraire aux intérêts des populations. Le décret du 7 septembre 1915, réglementant l'importation, la vente, les transports et la détention des armes à feu et des munitions en A.E.F., maintient, dans son article 1, le principe de l'interdiction de ces opérations pour, ensuite, développer l'ensemble des dérogations permettant de s'adapter à la réalité des situations locales. Tout d'abord, l'article 2 exclut du champ de ce texte le ravitaillement en armes de l'armée et de la police. L'importation, puis la détention des armes perfectionnées et de leurs munitions sont soumises à une autorisation individuelle et exceptionnelle du Gouverneur Général et il n'est pas possible au propriétaire d'en disposer (don, prêt, vente) sans un accord administratif (article 3). En ce qui concerne les armes de traite, les chefs de Territoire déterminent par arrêté les régions pacifiées dans lesquelles il est possible d'en délivrer aux Africains, sur autorisation spéciale individuelle (article 4). Les modalités de délivrance et de contrôle de ces différentes autorisations (armes perfectionnées, armes de traite, munitions) sont fixées par arrêté du Gouverneur Général.

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Le texte de 1915 reste la base de la réglementation sur les armes jusqu'à l'Indépendance et différents arrêtés d'application précisent, en 1920, en 1943, puis en 1951, les conditions de stockage des armes et des munitions dans les poudrières publiques et privées. Ils confirment la nécessité de demander, annuellement, et de payer un permis de port d'armes, pour les armes perfectionnées comme pour les armes de traite, ces dernières étant poinçonnées pour permettre leur identification et leur inscription sur le permis de port d'armes.

Le nombre maximum d'armes à feu nouvelles, qu'il est possible de vendre aux Africains, est fixé annuellement par arrêté du Gouverneur Général, au niveau de chaque subdivision. Le nombre d'armes que peut posséder un indigène est limité à une arme de traite et une arme perfectionnée. En cas de décès du possesseur, la règle générale veut que les armes soient déposées au poste administratif le plus proche. Si l'héritier légitime remplit les conditions de détention d'une arme, elles lui sont remises ; sinon, elles sont vendues par l'administration au profit de la succession. Le nombre de cartouches ou de charges de poudre qu'il est possible d'acheter, par permis de port d'armes, est également limité (en règle générale, 100 cartouches ou charges par an) et, pour renouveler son stock de cartouches, le possesseur d'une arme perfectionnée doit présenter les douilles vides qui sont martelées.

En 1956, du fait de l'agitation locale liée à la guerre en Algérie et aux événements du Cameroun, les importations d'armes de chasse sont interdites dans l'ensemble de l'Afrique francophone, sauf dérogations individuelles accordées par le Ministre de la France d'outre-mer.

Après l'Indépendance, en 1961, la loi n° 61.213 reprend l'essentiel des dispositions du décret de 1915 ; elle soumet à autorisation l'introduction ou la détention des armes et elle impose un permis de port d'armes. Les dispositions concernant les modalités de transmission des armes par héritage sont reconduites : après le décès, dépôt des armes au poste administratif le plus proche, puis remise à l'héritier légal ou coutumier s'il remplit les conditions administratives, sinon vente au profit de la succession.

Le décret n° 65.070 va préciser la législation en répartissant les armes à feu en huit catégories : les armes de guerre, les armes de défense (pistolets et revolvers), les pistolets d'alarme, les armes rayées de calibre supérieur à 6 mm, les armes rayées de calibre inférieur ou égal à 6 mm, les armes de chasses lisses, les armes de salon non rayées et les armes de traite. Il maintient l'interdiction de la détention des armes de guerre.

Il est intéressant d'examiner, en fonction du type d'armes, le niveau hiérarchique qui peut en autoriser l'importation et la détention, au fil du temps ; ces éléments sont rassemblés dans le Tableau 32.

Tableau 32 : Niveau hiérarchique délivrant les autorisations d'importation des armes à feu

Carabine Fusil lisse Arme de traite Arrêtés du 31/07/1913 Gouverneur Gouverneur Chef de district

Arrêté du 18/01/1916 Gouverneur Gouverneur Chef de district

Arrêté du 1/12/1943 Européen Chef de région Chef de région

Africain Gouverneur Gouverneur Chef de région

Arrêté du 2/10/1951 Gouverneur Chef de région Chef de district

Loi du 4 mai 1961 Ministre de l’Intérieur Chef de district Chef de district

Décret du 18 mars 1965 Ministre de l’Intérieur Préfet Sous-préfet

Ordonnance du 17 mars 1984 Président de la République Président de la République Interdiction

On peut ainsi constater que, sauf pendant la période 1943-1951, l'autorisation d'achat d'une arme de traite par un Africain relève de la compétence du Chef de district ou du Sous-préfet, après l'Indépendance. En ce qui concerne les carabines, la compétence se situe au niveau du Gouverneur

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ou, ensuite, du Ministre de l'Intérieur. Pour les fusils de chasse, le niveau de responsabilité a été beaucoup plus variable, avec une tendance à la déconcentration.

La réglementation se durcit cependant, à partir de 1984, puisque toute introduction d'arme suppose théoriquement une autorisation présidentielle ; pour les armes perfectionnées, ce règlement ne sera jamais appliqué dans les faits et les quelques armes achetées par les locaux font l'objet d'une autorisation ministérielle. D'autre part, malgré les interdictions, la fabrication d'armes de chasse locale, dans les villages, devient une activité régulière pour tous les bons forgerons.

2.2.3.1.2 Les armes perfectionnées

D'après l'arrêté de 1916, la détention d'une arme perfectionnée par un Européen suppose la délivrance d'un permis de port d'armes, même pour les voyageurs qui doivent l'obtenir auprès du Gouverneur de leur lieu de débarquement (article 1). Ce type d'armes est réservé aux Européens et assimilés ou aux Africains ayant rendu des services exceptionnels ou faisant partie de l'Administration (article 2). Le permis de port d'armes est nominatif et il est attaché à une arme particulière et identifiée par son numéro de fabrication ; il est valable sur l'ensemble de l'A.E.F. (article 3). La cession de l'arme suppose l'autorisation de l'Administration, qui délivre à l'acheteur un nouveau permis de port d'armes (article 4). L'achat des munitions nécessite également une autorisation du Gouverneur, qui établit les quantités qu'il est possible d'acquérir (article 5).

À partir de 1920, les Africains, présentant les garanties nécessaires et sur avis des Chefs de district, peuvent être autorisés par le Gouverneur à acheter un fusil lisse de calibre 12, tirant donc principalement du plomb (article 3), à l'exclusion des revolvers, des pistolets automatiques ou des armes rayées. Ces dernières ne sont autorisées qu’aux Africains faisant partie de l'Administration (article 7). Le Gouverneur fixe également le nombre de cartouches qu’un Africain peut acquérir annuellement, à condition de présenter les douilles usagées (article 8).

L’arrêté n° 2.431 du 1er

décembre 1943 reprend les grandes lignes des règlements antérieurs ; il précise que l'autorisation d'achat d'une arme perfectionnée est délivrée par le Chef de région pour les Européens et par le Gouverneur pour les Africains. Ensuite, le permis de port d'armes est délivré par le Chef de district et il est valable dans l'ensemble de l'A.E.F. Un Européen ne peut posséder qu'un nombre limité d'armes modernes : un pistolet ou revolver, deux armes rayées et deux armes lisses (ou trois rayées et une lisse) et une arme de salon non rayée. Par contre, un Africain ne peut posséder qu'une seule arme lisse.

Ces dispositions ne vont pas beaucoup évoluer jusqu'à l'Indépendance et, en 1965, le décret n° 65.070 portant application de la loi de 1961 supprime, bien sûr, les restrictions à l'égard des Africains dans l'accès aux armes perfectionnées. Cependant, il reprend ensuite les grandes lignes de la législation coloniale :

autorisation administrative d'achat, généralisation du permis de port d'armes,

stockage des armes et des munitions dans des poudrières contrôlées par l'administration, contrôle des importations et du transport.

Il introduit également une disposition intéressante pour faciliter la chasse sportive, en accordant, sur autorisation du Ministre de l'intérieur, la possibilité aux expatriés résidents de louer des armes de chasse, pour une durée maximum de deux mois, aux armuriers habilités.

Il a été signalé plus haut qu'en 1984, la législation tente de se durcir, même si la mise en pratique de l'ordonnance n° 84.021 peut laisser sceptique.

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2.2.3.1.3 Les armes de traite

Nous avons vu que le contrôle de la circulation des armes de traite a été un enjeu important, à la fin du XIXe siècle et au début du XX, pour la prise de possession effective du territoire. Les colonisateurs français, belges, allemands, anglais ou portugais ont ainsi signé une série d'accords pour limiter cette circulation dans leurs colonies respectives et pour éviter la contrebande.

L'interdiction totale des armes à feu était irréaliste sur le plan pratique et, d'autre part, entraînait des conséquences sociales et économiques lourdes, en limitant l'approvisionnement des Africains en protéines et en restreignant les volumes d'ivoire ou de cornes de rhinocéros, disponibles pour la commercialisation.

La réglementation va donc se construire selon la même logique que pour les armes perfectionnées :

interdiction de principe de la vente aux Africains des armes et des munitions de traite, établissement, par le Gouverneur, de la liste des régions soumises, dans lesquelles il est possible de délivrer des armes,

quota global, par régions, des armes à délivrer,

achat possible uniquement sur autorisation spéciale et personnelle du Chef de district, qui délivre un permis de port d'armes de traite, personnel et spécifique à une arme déterminée, contrôle par les Douanes de l'entrée, de la circulation et du stockage des armes,

délivrance de munitions, dans la limite des quantités correspondant à l'usage normal de l'arme, aux seules personnes titulaires du permis de port d'armes,

autorisations personnelles ; les cessions (don, vente, héritage) nécessitant l'accord de l'Administration.

Ces éléments généraux seront repris par la législation, avec, éventuellement, quelques modifications dans le niveau hiérarchique accordant les autorisations, jusqu'en 1972, lorsque l'ordonnance n° 72.078 interdit la détention des armes de traite et la vente de la poudre de chasse.

2.2.3.1.4 Les armes de fabrication locale

Les autorités successives ont toujours cherché à contrôler la circulation des armes à feu ; nous venons de voir les restrictions apportées à l'approvisionnement en armes et en munitions importées. Le premier texte interdisant la fabrication locale d'armes perfectionnées, d'armes de traite et de munitions, est publié en 1947 (décret n° 47.2258). Il sera confirmé, près de 35 ans plus tard, par l'ordonnance n° 81.036, interdisant la fabrication, la détention et l'utilisation des armes à feu d'origine artisanale et de leurs munitions.

Nous aurons l'occasion, dans la suite de l'exposé, de vérifier la totale inefficacité de ces dispositions.