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d'approvisionnement des villes en venaison sont soumises à des contraintes fortes qu

1.1 Définition et analyse du vocabulaire utilisé

1.1.3 Les contraintes et les régulations

1.1.3.4 Le marché et la concurrence

En étudiant, comme Lévi-Strauss9, les origines de la prohibition de l'inceste ou, comme Mauss10, l’importance du don et du contre-don, les anthropologues ont montré l’importance de l’échange dans la structuration des sociétés humaines. En économie, l’échange peut être ramené à trois formes fondamentales : la réciprocité, la redistribution et le marché (Géneau de Lamarlière and Staszak 2000).

La réciprocité est présente dans toutes les sociétés, même les plus développées ; c’est une relation d’échange personnalisé qui se présente en trois étapes successives obligatoires : donner, recevoir et rendre, qui cimentent le lien social. En effet, les rapports de réciprocité tendent plus à créer des liens entre les personnes qu’à multiplier la possession de biens matériels.

La redistribution apparaît lorsqu’une partie de la production est prélevée par une autorité centrale, pour être ensuite répartie entre les différentes strates de la société. Cette restitution peut prendre des formes très différentes, depuis le stockage collectif des réserves dans les sociétés villageoises jusqu’au financement de la sécurité assurée par les seigneurs dans la société féodale ou aux allocations et subventions de l’Etat-providence des sociétés occidentales.

Nous allons examiner plus en détail le marché.

1.1.3.4.1 Le marché

Le terme marché peut désigner trois éléments différents :

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Article « Inceste », in Encyclopedia Universalis

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C’est le lieu physique de la rencontre entre les acheteurs et les vendeurs ; il peut être plus ou moins aménagé, de la natte étendue au sol pour poser la marchandise aux équipements électroniques perfectionnés des marchés « au cadran » de la marée ou des grandes productions agricoles en France.

C’est également le rassemblement à but commercial de personnes vendeuses d’un bien et de personnes acheteuses. Sa périodicité peut être très variable, du marché quotidien et

permanent des productions vivrières de proximité dans les villes au marché hebdomadaire au village ou à la foire annuelle, comme les anciennes foires de Champagne du Moyen Age. Ce rassemblement peut être également plus ou moins spécialisé.

Pour les économistes, le Marché est le lieu virtuel de la rencontre de l’offre et de la demande d’un bien ou d’un service, qui permet d’en fixer le prix ; c’est alors une institution. On parlera du marché du travail ou du marché du pétrole. Le marché idéal est le lieu de rencontre, réel ou virtuel, des très nombreux agents engagés dans le processus de l’échange. D’après les économistes classiques du XVIIIéme° siècle, la confrontation des intérêts égoïstes de chacun et la « main invisible du Marché » d’Adam Smith permettraient un ajustement efficace de l’offre et de la demande.

Par opposition à la réciprocité et à la redistribution, et grâce à la médiation de la monnaie, le marché permet des échanges individualisés et anonymes, dans une relation de courte durée. Sur la base de la nature de la relation, anonyme ou personnalisée, et de sa durée, il est possible de distinguer plusieurs modes d’allocation des biens (Vatn 2007), qui sont résumés dans le Tableau 14 ci-dessous :

Tableau 14 : Les différents modes d'allocation des ressources.

Anonyme Personnalisé

A court terme Marché idéal (Trochet) Marché orienté

Durable Bureaucratie et redistribution Communauté et réciprocité

Les relations de type communautaire, durables et personnalisées, se rattachent à la réciprocité, alors que la bureaucratie relève de la redistribution. Le marché orienté privilégie une relation marchande, biaisée par des considérations sociales, par exemple ethniques ou religieuses, entre les partenaires. Lorsque la confiance dans la monnaie disparait, du fait de l’hyperinflation ou d’une crise politique majeure (Russie post-pérestroïka), sa fonction de médiation dans l’échange marchand est détruite et l’on échange alors directement un bien contre un autre bien, au niveau des particuliers comme à celui des Etats ; on entre ainsi dans une économie de troc.

Le circuit marchand est caractérisé par :

des rapports entre des inconnus ; l'échange n'est pas un don entre des commensaux et ne relève pas de la redistribution, car il n'y a pas de rapports de pouvoir ;

des rapports libres, sans obligation de réciprocité, des rapports entre égaux, par le biais de la monnaie,

des rapports équilibrés, où la valeur de l'objet échangé est objectivée par la médiation monétaire, sans tenir compte de la valeur du lien social (Géneau de Lamarlière and Staszak 2000).

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Fernand Braudel (Braudel 1985) a identifié trois formes successives dans les régimes de production et de répartition des biens et des services :

la vie matérielle primitive, caractérisée par des processus très locaux d’autosuffisance et d’autoconsommation, à l’échelle de l’individu, du groupe familial ou de la communauté villageoise,

l’économie de marché, avec une plus grande spécialisation de la production, une division du travail plus poussée et un horizon de l’échange beaucoup plus large et

le capitalisme, amorcé par les entreprises du commerce au long cours, initialement des épices et de la soie, qui se financiarise inéluctablement ; l’échange commercial n’est plus que le support de gains financiers.

Deux types échanges marchands coexistent, « l’un terre à terre, concurrentiel puisque transparent » qui relève de l’économie de marché et « l’autre supérieur, sophistiqué, dominant » qui relève du capitalisme. Nous verrons que l’économie de la faune africaine, avec, d’une part, l’autoconsommation et le commerce de la venaison et, d’autre part, le négoce de l’ivoire ou la chasse sportive, relève bien de ces trois logiques complémentaires.

En économie du développement, quatre modes de transaction et de régulation des relations économiques ont été identifiées (Hugon 1999), selon le Tableau 15.

Tableau 15 : Quatre grands types d'économie.

Base sociale Logique Mode de coordination

Économie domestique Solidarité Réciprocité Coutume

Économie marchande Équivalence Échange Marché

Économie étatique Prestation Hiérarchie Réglementation

Économie capitaliste Apprentissage Accumulation Contrat

Les économies en développement (comme, probablement, les économies développées) connaissent une imbrication de ces quatre modèles et de leurs modes de fonctionnement et de régulation (Defalvard 1995).

1.1.3.4.2 La concurrence et la loi de l’offre et de la demande

L’ajustement de l’offre et de la demande suppose un comportement rationnel, au sens économique, de la part des acteurs ; selon M. Allais11, « un homme est réputé rationnel lorsque : a) il

poursuit des fins cohérentes entre elles-mêmes ; b) il emploie des moyens appropriés aux fins poursuivies. » La rationalité n’est donc pas limitée à la maximisation d’une seule utilité ou d’un profit,

mais, chaque individu vivant dans un monde social à plusieurs dimensions, il peut apparaître des conflits entre les diverses fins poursuivies par chaque acteur.

L’hypothèse de rationalité reste cependant très forte en économie, surtout pour une loi basique comme celle de l’offre et de la demande. Pour un grand nombre de biens, il est possible de calculer la courbe croissante de l’offre d’un bien ou d’un service en fonction de son prix ; à l’inverse, la courbe de la demande est une fonction décroissante. En reportant ces deux courbes sur un même graphe (Figure 1), on peut déterminer un point d’intersection qui maximise le nombre des échanges.

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Ce point d’équilibre permet d’ajuster l’offre et la demande et détermine le prix du marché, selon la théorie de l’équilibre partiel de Walras12

.

Figure 1 : Courbes de l'offre et de la demande en fonction du prix

La pente des courbes correspond à l’élasticité de l’offre ou de la demande du bien par rapport au prix. L’élasticité-prix représente le changement de la demande relative, en fonction de la variation du prix. Si une chute des prix de 1 % entraine une croissance de la consommation de 2 %, l’élasticité- prix de ce bien est de 2. Certains biens ont une demande élastique, c’est-à-dire fortement corrélée au prix, en particulier lorsqu’il est possible de se procurer des substituts meilleur marché ou qu’il s’agit d’une consommation de luxe. Par contre, certains biens de première nécessité et peu substituables ont une élasticité-prix très faible : une augmentation des prix ne réduit pas leur demande qui est inélastique ; c’est en particulier le cas des consommations alimentaires.

Lorsqu’on examine l’élasticité de la demande par rapport aux revenus, il est possible de définir plusieurs types de biens :

les biens normaux ; leur élasticité-revenu est supérieure à 0 et la demande de ces biens augmente régulièrement lorsque le pouvoir d’achat du consommateur s’accroît.

Les biens de luxe qui ont une élasticité-revenu supérieure à 1 ; l’accroissement de la demande est plus que proportionnel à la croissance des revenus.

Les biens inférieurs ; une croissance des revenus entraîne une diminution de leur consommation, par report sur des substituts de meilleure qualité ou mieux considérés.

Pour fonctionner correctement et ajuster production et demande, le marché idéal doit être placé en situation de concurrence pure et parfaite, dont les conditions ont été définies dès le XVIIIéme siècle par Adam Smith13. La concurrence pure suppose une atomicité du marché, avec un très grand nombre d’acheteurs et de vendeurs, excluant les situations de monopole ou d’oligopole, une homogénéité des produits, permettant de comparer l’offre et une information transparente, à la fois au niveau des vendeurs et des acheteurs. La concurrence sera parfaite si l’entrée et la sortie du marché

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Article « Offre et demande » in Encyclopedia Universalis

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sont libres, sans barrières physiques, juridiques, économiques ou sociales ; de plus, il importe que les facteurs de production et, en particulier, le travail puissent circuler librement, afin d’être affectés sans contraintes dans le secteur où leur rendement sera le meilleur.

Il va sans dire que, dans la réalité, ces conditions ne sont jamais remplies entièrement. La loi de l’offre et de la demande reste un modèle imparfait, mais bien utile pour comprendre le fonctionnement d’une filière économique.