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d'approvisionnement des villes en venaison sont soumises à des contraintes fortes qu

1.1 Définition et analyse du vocabulaire utilisé

1.1.6 La durabilité et la viabilité

1.1.6.3 Résilience, systèmes complexes, chaos et viabilité

Les perturbations, qu'elles soient d'origine naturelle ou humaine, entraînent, dans les systèmes organisés, des réactions d'adaptation au changement. Selon l'amplitude de la perturbation, la réaction se basera sur la résistance ou sur la résilience.

Figure 8 : la résistance et la résilience des systèmes dynamiques

Repris de SNV (SNV 1997)

La résistance correspond à la capacité du système à tamponner les perturbations de faible amplitude ; la résilience du système est focalisée sur ses réactions aux fortes perturbations. Les systèmes fragiles ne supportent que des variations limitées et une perturbation peut produire rapidement l’effondrement de leurs fonctions environnementales ; par contre, les systèmes robustes ont des marges de résistance et de résilience larges.

Limite supérieure

Moyenne

Limite inférieure Résilience

Résistance Effondrement au-delà des

limites de résilience

Limites de variation / Résilience

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1.1.6.3.1 La résilience

La résilience est un terme particulièrement polysémique, selon que l’on travaille en résistance de matériaux, en écologie ou en socio-économie. Elle peut être définie comme le temps mis par un système pour retourner à l'équilibre après une perturbation. Cette caractéristique est basée sur les notions d'équilibre et de stabilité, dans des systèmes linéaires ou non-linéaires, mais au voisinage d'un équilibre stable où la linéarisation est valide. Cette définition est celle de la résilience "ingénieuriale" selon Pimm (Benson and Garmestani 2011). On peut également définir la résilience comme l'intensité maximale de la force qu’un système peut absorber sans changer de comportement, de fonctions et de processus de régulation ; il s'agit alors de la résilience écologique, au sens de Holling qui maintient le système entre certaines bornes plutôt qu'en un point stable (Martin 2005). L'enjeu est d'éviter de créer des situations d'irréversibilité, changeant la nature du système.

Il est possible de préciser certains attributs de la résilience (Walker, Carpenter et al. 2002; Gunnell 2009) :

la capacité d'adaptation correspond à la latitude dont dispose le système, entre des seuils d'élasticité au-delà desquels il perd son aptitude à retrouver son état initial ; la capacité adaptative traduit les qualités d’auto-organisation, d’apprentissage et de flexibilité pour expérimenter et pour adopter de nouvelles solutions, possédées par le système ;

la robustesse (ou la résistance) est l'aptitude du système à s'accommoder des perturbations, sans nécessiter d'adaptation supplémentaire pour se protéger du changement ; elle est décrite graphiquement à la Figure 8 ;

la précarité mesure la distance qui sépare le système de son seuil critique de changement. Lorsqu'on s'intéresse au volet écologique de la résilience des socio-écosystèmes, la diversité des réponses des espèces à l'intérieur d'un même groupe fonctionnel - ce que l'on appelle la redondance écologique - apparaît comme fondamentale pour maintenir les différentes fonctions écosystémiques d’un socio-écosystème, face aux changements (Elmqvist, Folke et al. 2003; Décamps 2007; Lévêque 2010). Cette redondance, dans certaines limites, est liée à la diversité spécifique et à l'hétérogénéité du paysage. Cependant, cela n'implique pas qu'une diversité spécifique élevée accroisse la résilience de l'écosystème ; en effet, si chaque espèce est spécialisée pour occuper une niche très étroite, sa réponse au changement peut être limitée et, par effet cumulatif, le groupe fonctionnel dont elle fait partie peut n'avoir qu'une capacité adaptative restreinte (Lévêque 2008). C'est, par exemple, le cas de certains systèmes insulaires, d'une grande biodiversité, mais très sensibles aux changements. Pour obtenir une forte résilience, il est préférable que des espèces différentes et variées, donc redondantes, interviennent dans chaque fonction de l'écosystème.

En matière sociale, les réactions d'un SES aux événements extrêmes sont fortement liées aux droits à l'échange des individus et des groupes sociaux. Pour les systèmes sociaux, comme en matière d'écologie, une utilisation diversifiée des ressources, basée sur des activités et des styles de vie différents contribue à accroître la résilience du système, alors qu’une socio-économie très spécialisée sera probablement plus fragile. Il importe d’autre part que les anthroposystèmes mettent en place des procédures pour conserver la mémoire du passé, afin de pouvoir en tirer les leçons face à des événements extrêmes. Il faut se préparer au pire et avoir organisé, au préalable, des processus de décision fiables et adaptés (Décamps 2007).

Dans ce domaine, les systèmes de gestion communautaire des ressources naturelles renouvelables sont souvent présentés comme une solution particulièrement résiliente. En fait, les systèmes communautaires s'inscrivent dans une stratégie d'étalement du risque ; dans la pratique, au sein des communautés villageoises, ils sont souvent dominés par des familles patriciennes ou par des castes supérieures et leur souci n'est ni l'égalité, ni la démocratie, mais l'équité dans l'accès à une ressource précise, au sein d'un groupe d'ayants-droit. Les règles d'accès à la ressource, lorsqu’elles sont basées sur la résidence ou sur la parenté, peuvent contribuer à une exclusion sociale forte ; les

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règles de gestion doivent également prévoir un système de sanctions adaptées, les devoirs étant la contrepartie des droits octroyés (Gunnell 2009). Le fonctionnement des systèmes communautaires a été analysé en profondeur par E. Ostrom et ses travaux nous serviront de base pour rédiger le § 1.2.2. Face aux perturbations, fréquemment, le fonctionnement des socio-écosystèmes n'est pas linéaire ; il apparaît des effets de seuil, c’est-à-dire qu’il n’y a pas forcément de proportionnalité entre les causes et leurs conséquences. En fait, les SES forment généralement des systèmes complexes.

1.1.6.3.2 Les systèmes complexes et le chaos

Depuis la Renaissance, la connaissance scientifique s'est bâtie sur les préceptes de Descartes26, en particulier, le second (« diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de

parcelles qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre ») et le quatrième (« faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de rien omettre »). Ce principe de décomposition et de réduction au simple permet l'analyse des réalités

complexes, mais suppose des interactions limitées entre les parties élémentaires. Dans cette vision déterministe, l'univers peut être expliqué par un enchaînement plus ou moins évident de causes et d'effets. L'évolution des différents systèmes peut être décrite par des équations mathématiques et les conditions initiales d'un système sont la cause de son évolution ultérieure et la déterminent complètement (Ruelle 2000).

La précision des équations descriptives du système est un problème fondamental. En effet, dans beaucoup de cas, l'erreur potentielle va croître de façon exponentielle avec le temps ; ce phénomène de croissance rapide des erreurs de prédiction est appelé le « chaos mathématique » et il introduit le hasard dans la description d'un système physique, même s'il est basé sur des équations parfaitement déterministes.

Dans ce type de système, seule une précision infinie des données initiales permettrait de prévoir parfaitement son évolution ; cette sensibilité aux conditions initiales est appelée « l'effet papillon », à partir d'une métaphore du météorologue Ed Lorenz, en 1963, et permet de comprendre pourquoi, dans la pratique, les systèmes chaotiques sont imprévisibles, puisqu'une précision parfaite des conditions de départ est impossible (Dahan Dalmedico 2000; Mackenzie, Ball et al. 2000; Blandin and Bergandi 2003).

À partir des années 1970, la diffusion de l'informatique et l'accroissement de la puissance de calcul des ordinateurs ont multiplié les possibilités de modélisations mathématiques ; les biologistes travaillant sur la dynamique des populations sont alors passés d'une vision d'équilibre à long terme et de stabilité, basée sur le concept du climax, à la prise en compte des phénomènes chaotiques dans l'évolution des populations animales ou végétales. Du fait de la densité-dépendance, les variations sont souvent très sensibles aux conditions initiales et le niveau des populations a tendance à osciller, avec des explosions aux faibles densités et des effondrements aux densités élevées. Ces oscillations chaotiques se produisent entre des limites déterminées et la population est ainsi régulée dans un espace et une étendue définis. De plus, les systèmes biologiques sont généralement régis par des mécanismes non-linéaires et l'on sait qu'une dynamique très complexe peut apparaître dans un système formellement très simple. Il est par exemple possible d'observer un comportement chaotique dans un système non linéaire à trois degrés de liberté, c'est-à-dire basé sur seulement trois variables. En matière de biologie et d'écologie, on observe ainsi au moins aussi souvent des comportements chaotiques que des comportements cycliques ou stationnaires (May 1991; Dahan Dalmedico 2000).

La théorie mathématique du chaos se situe dans le cadre spécifique des systèmes dynamiques déterministes (la connaissance du présent suffit en principe à déterminer la connaissance

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du futur), mais, quand on observe des phénomènes physiques, économiques ou biologiques sans en connaître les équations différentielles et qu’on ne dispose que d’informations issues de mesures, cette condition n'est pas forcément respectée. En particulier, si le système « apprend » au cours du temps et change de nature, il ne relève plus de la formalisation de la théorie des systèmes dynamiques, mais il s'intègre dans la théorie des systèmes complexes (Dahan Dalmedico 2000).

Les propriétés principales des systèmes complexes peuvent être résumées de la manière suivante (Ramalingam and Jones 2008)27 :

interconnexion et interdépendance. Les liaisons entre les différents éléments constitutifs d'un système complexe peuvent être plus ou moins fortes et, si les éléments sont fortement couplés, un changement minime sur un facteur peut entraîner rapidement des effets

importants et imprédictibles sur l'ensemble du système. Au contraire, les systèmes faiblement couplés sont plus résilients aux chocs mais, en contrepartie, ils sont moins réactifs aux événements positifs ;

rétroactions. Sous la forme de cercles vicieux ou, en matière sociale, de prophéties autoréalisatrices, des processus de rétroaction peuvent augmenter les changements à l'intérieur du système. Les rétroactions peuvent également contribuer à inhiber ces changements, comme, par exemple, les phénomènes d'homéostasie, qui permettent à un système, grâce à une certaine consommation d'énergie, de conserver son équilibre de fonctionnement en dépit de contraintes extérieures et de maintenir certains facteurs à un niveau approprié ;

propriétés émergentes. L'émergence décrit comment le comportement d'un système évolue, de façon souvent imprévue, à partir des interactions entre les constituants du système. L'auto- organisation est une forme particulière de propriété émergente qui peut apparaître dans les systèmes d'agents adaptatifs. A l'intérieur d'un système complexe, les agents adaptatifs, lorsqu'ils existent, réagissent entre eux et avec le système, en orientant un certain nombre de phénomènes. La caractéristique de ces agents est leur capacité à percevoir leur propre état, celui des autres agents et l'état de leur environnement. Cette perception n'est pas toujours exacte, mais les agents adaptatifs sont ensuite capables d'agir sur leur environnement et d'interagir avec les autres agents ;

non-linéarité. La non-linéarité est une conséquence directe des interdépendances mutuelles entre les différentes dimensions d'un système complexe ; elles empêchent de trouver des relations causales claires, du fait des influences croisées et des phénomènes de rétroaction. Dans le cas d'un système linéaire, les effets sont proportionnels aux causes et le tout est la somme des parties. Un système complexe n'est pas forcément un système compliqué, mais c’est un système dans lequel il n'y a pas de variables indépendantes ; du fait des propriétés émergentes et des rétroactions, le tout ne correspond pas à la somme des parties. La non- linéarité se traduit fréquemment dans la pratique par l'apparition d'effets de seuil, à partir desquels la trajectoire du système peut être bouleversée ;

effets de seuil et sensibilité aux conditions initiales. Les systèmes complexes présentent souvent des trajectoires avec des bifurcations et des points de basculement, liés aux effets de seuil, qui peuvent entraîner des changements très importants dans l'évolution du système. Par exemple, au Zimbabwe, où le braconnage de l'éléphant est très limité, du Toit et al. ont mis en évidence que la densité d'éléphants au km2 restait constante autour d'un animal au km2 tant que la densité humaine était inférieure à 16 habitants au km2 ; au-delà de ce seuil, dans les conditions de mise en valeur agricole du Zimbabwe, la densité des éléphants s'effondre du fait de la fragmentation de leur habitat et les animaux se déplacent vers des zones moins anthropisées (du Toit, Walker et al. 2004; Du Toit 2011).

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Depuis plus de 50 ans, de très nombreux travaux scientifiques ont été consacrés à la recherche de modes d’exploitation durables des ressources naturelles renouvelables. Les écosystèmes qui les produisent sont analysés de nos jours comme des systèmes biologiques complexes et, lorsqu’on intègre les prélèvements humains, dans le cadre du développement durable, les socio-écosystèmes présentent toutes les caractéristiques détaillées ci-dessus. Les méthodes mathématiques utilisées pour modéliser ces systèmes ont évolué de l’approche logistique (§ 1.1.4.2.2) vers la théorie de la viabilité ; nous allons la présenter succinctement ci-dessous.

1.1.6.3.3 La théorie de la viabilité

Du fait, d'une part, de leur importance économique et nutritionnelle et, d'autre part, de leur situation de quasi-accès libre, les pêcheries maritimes ont fait l'objet de nombreux travaux de recherche, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, afin de comprendre leur fonctionnement biologique et de sécuriser la source majeure de protéines animales que constitue le poisson. Jusqu'à une date relativement récente, l'étendue des océans et les techniques de pêche utilisables ont conduit à considérer la pêche maritime comme une activité pérenne. Les premières difficultés apparues après-guerre, dans les pêcheries d'anchois du Pérou, de sardines dans le Pacifique ou, plus récemment, pour la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve, ont conduit à abandonner cette conception d'une ressource minière, gérée dans la logique de Hotelling et à promouvoir la notion de ressource naturelle renouvelable, avec la parution, en 1954, de deux articles fondateurs, l'un de Gordon (Gordon 1954) qui présente les éléments de la théorie bioéconomique des pêches, l'autre de Schaefer (Schaefer 1954) qui s'intéresse au rendement maximum soutenable (RMS). Ces travaux sont basés sur la loi logistique, présentée au § 1.1.4.2.2.

Qu’il s’agisse de la théorie bio-économique des pêches (§ 1.1.4.2.2) ou de l’estimation de la durabilité de la chasse (§ 0.1.2.2), cette approche se polarise principalement sur la durabilité biologique des populations animales, alors que la prise en compte des éléments économiques et sociaux (accès à la ressource, comportements opportunistes, information biaisée,…) complique terriblement les calculs, lorsque l'on s'intéresse également aux aspects humains. Ceci apparaît clairement dans la gestion des pêcheries maritimes, qui, malgré leur poids biologique, économique et social, au niveau mondial, présentent des signes persistants de surexploitation et même, dans certains cas, d'effondrement irréversible.

Les théories basées sur le Rendement Maximum Soutenable et sur l'utilisation de la loi logistique cherchent toutes à définir une situation optimale, correspondant à un équilibre stable. Elles sont de plus en plus remplacées, pour l'élaboration des politiques publiques, par des approches issues de l’école mathématique de la viabilité.

L'idée d'équilibre stable de l'écosystème est à la racine de l'écologie avec la notion de climax, le stade ultime et supposé idéal d'un écosystème non perturbé par l'homme. Les ressources du milieu y sont utilisées de façon optimale par les biocénoses en place (Lévêque 2010). Cet équilibre stable structure la vision de la nature comme « wilderness » (§ 1.1.5.1.1) et il est à la base des politiques de préservation (au sens de Muir). La conservation de la nature (le « wise use » au sens de Pinchot) est basée sur la conception des équilibres instables, dans une approche thermodynamique, liée à la réversibilité des processus, ou dans une approche dynamique, où l'équilibre est maintenu par des forces opposées ou entretenu par des flux d'énergie (Lévêque, Mounolou et al. 2010).

La théorie de la viabilité a été conçue spécialement pour la biologie et l’économie, dans le cadre des mathématiques de la décision, par Aubin et ses élèves (Aubin 2010). La viabilité de l’exploitation d’une ressource naturelle renouvelable doit assurer la reproduction, dans le temps, des éléments constitutifs de cette ressource et des fonctionnalités qui les structurent. Ce sont les produits exploités, les écosystèmes qui les accueillent et les éléments économiques, techniques et sociaux qui en dépendent. Les conditions de viabilité reflètent la capacité de l’exploitation et des ressources à

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faire face à des modifications de l’environnement au sens large et à produire des changements susceptibles d’assurer leur pérennité. La viabilité ne suppose pas nécessairement une reproduction à l’identique, mais prend en compte diverses possibilités d’évolution des écosystèmes et des sociétés (innovation technique ou sociale, adaptation des populations animales ou végétales).

La théorie de la viabilité s’intéresse à l’ensemble des évolutions envisageables à partir d’un état présent. Il s’agit en premier lieu de distinguer, parmi cet ensemble des possibles offerts à un instant donné, les évolutions viables de celles qui ne le sont pas, pour des contraintes et une dynamique données, puis, ensuite, de rechercher, à l’aide de règles de rétroaction, la manière de piloter le système pour sélectionner les évolutions dotées des propriétés souhaitées. Dans le cadre de la viabilité floue, plutôt que de rechercher une solution optimale unique, on cherche à caractériser des évolutions viables, c’est à dire qui satisfont à chaque instant les contraintes identifiées et l’on considère qu’il est plus important de prendre des décisions à temps que des décisions optimales, en partant du principe que l’on évalue plus facilement ce que l’on souhaite éviter que ce que l’on souhaite atteindre (Cury 2003; Durand, Martin et al. 2010). Il s’agit de définir des règles de gestion permettant d’atteindre tous les objectifs en même temps plutôt qu’une règle de gestion optimale favorisant un seul objectif en particulier. Par exemple, dans un système, pour éviter les crises, un certain nombre d’indicateurs pertinents doivent rester en permanence au dessus de seuils identifiés (Martinet 2010).

Figure 9 : Représentation schématique de la viabilité

Les contraintes de viabilité, dans un système biologique, regroupent l’ensemble des phénomènes qui contribuent à modifier l’environnement du système, en consommant des ressources et en produisant des déchets. Le système doit constamment s’adapter à de telles contraintes, sous peine de mourir et de disparaître en tant que tel, si elles sont violées. Une évolution du système est dite viable si elle respecte en permanence les contraintes de viabilité qui peuvent être physiques (elles sont alors impératives) ou normatives (elles sont alors éventuellement modifiables).

Un état initial est défini comme viable, s’il existe au moins une évolution qui permet de rester dans l’ensemble des contraintes de viabilité. Le noyau de viabilité est l’ensemble des états initiaux dont part au moins une évolution viable. C’est le sous-ensemble de l’espace des contraintes dans lequel le système peut évoluer indéfiniment.

Ce noyau est calculé numériquement (itérativement) grâce à la puissance de calcul des ordinateurs actuels, à partir des lois déterministes qui relient les contrôles et l’évolution des états. Dans certains cas très simples, il peut faire l’objet d’une description analytique, mais, généralement, il

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est défini par approximations numériques successives, soit à partir d’équations différentielles classiques, pour représenter les flux de matière, d’énergie ou de monnaie, soit à partir de modèles mathématiques de plus en plus fins et prenant en compte, par exemple, non seulement le temps, mais aussi l’espace et les interrelations (modèles individus-centrés) (Martin 2005; Alvarez and Martin 2010; Durand, Martin et al. 2010).

Alors que le développement durable est construit intellectuellement sur une vision d’équilibre naturel et sur la recherche d’un optimum, le développement viable, dans la logique de la théorie de la viabilité, nécessite :

de définir des objectifs à très long terme, d’ordre éthique et politique,

de prendre en compte, sur le plan humain, la socio-diversité, au même niveau que la biodiversité, en matière écologique,

d’intégrer que la viabilité des communautés humaines et celle des écosystèmes dont elles tirent leur subsistance sont liées mutuellement, mais ne peuvent être envisagées de façon