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d'approvisionnement des villes en venaison sont soumises à des contraintes fortes qu

1.2 Le cadre conceptuel

1.3.2 La boîte à outils disponibles

1.3.2.7 Les enquêtes par questionnaire

En s'inscrivant dans la durée, le projet a pu également réaliser un certain nombre d'enquêtes par questionnaire fermé, au niveau des villages, de la filière de commercialisation et des marchés et, enfin, auprès des consommateurs.

Au niveau du village, il s'agit principalement : du suivi des budgets d'un échantillon de ménages,

du relevé des retours de chasse de certains chasseurs volontaires et

d'une estimation des coûts de production et des bénéfices tirés de l'activité cynégétique. Les études filière ont porté sur :

le suivi biologique et économique des différents types de marché de venaison,

les relevés de valeurs mercuriales des différents types de protéines animales disponibles et l'étude de la formation des prix et des marges.

Enfin, différentes enquêtes de consommation de venaison ont été réalisées auprès des consommateurs urbains et des salariés des entreprises forestières.

Ces travaux sont bien sûr à la base de notre réflexion sur l'organisation de la chasse et sur la durabilité de la filière ; ils seront analysés dans le corps de l'exposé, avec, en particulier, pour chaque enquête, une présentation détaillée de la méthodologie utilisée.

1.3.3 L’analyse des données

Rappelons tout d'abord quelques éléments de base, en matière d'analyse des données, liés aux méthodes d'approche du secteur informel. Les différentes techniques proposées ci-dessus nécessitent des efforts

pour assurer la triangulation de l'information, avant sa validation,

pour assumer l'ignorance optimale, c'est-à-dire savoir définir ses priorités de recherche tout en étant capable de capter les informations importantes, même si, au départ, elles semblent anecdotiques,

et, enfin, pour prendre en compte effectivement, dans la réflexion, la qualité statistique des données recueillies et pour accepter leur imprécision effective.

Ce type de travail, sur une filière à la fois informelle et illégale, s'apparente plus à une entreprise de défrichement, afin de dégager les lignes directrices et les ordres de grandeur gouvernant la filière, qu'à un essai poussé de modélisation mathématique.

L'analyse des différents types d'entretien et des données qualitatives sera basée sur les techniques classiques d'analyse de contenu, qui permettent de dégager des grandes catégories d'attitude et de définir un certain nombre d’idéal-types, au sens de Weber, permettant de construire et de valider les hypothèses sur le fonctionnement de la filière.

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Les différentes enquêtes fournissent des données de type quantitatif, pouvant se prêter à une analyse statistique classique. Cependant, dans un milieu informel, il est extrêmement difficile de construire des plans d'expérimentation cohérents et, surtout, de les appliquer concrètement. En effet, les plans de sondages vont dépendre de la volonté ou du refus des ménages à collaborer ; la qualité de leur réponse peut être très variable, le biais de langage est toujours important tandis que la précision des mesures elles-mêmes, liée par exemple à la variabilité des unités de mesure en usage dans la filière, doit toujours être interrogée.

De ce fait, les analyses statistiques proposées s'appuieront uniquement sur des techniques basiques : calcul des moyennes et des paramètres de dispersion, comparaison des moyennes ou des pourcentages (test t de Student) ou analyses de variance, en gardant toujours à l'esprit, d'une part, les conditions expérimentales et leurs limites et, d'autre part, les conditions mathématiques d'application de ces méthodes.

1.4 Conclusions

Pour structurer notre réflexion et répondre à la question de recherche, nous avons entrepris, dans cette première partie, une déconstruction des principaux concepts mis en œuvre pour comprendre les activités cynégétiques en Afrique forestière.

Il apparaît ainsi un continuum des activités de chasse nourricière, qu’il s’agisse de la chasse active ou du piégeage, entre la chasse de subsistance, la chasse commerciale et la chasse erratique, toutes dominées par la satisfaction des besoins matériels (venaison ou argent) du chasseur ; la chasse sportive, qui est une activité purement de loisir, excluant toute notion de rentabilité pour le chasseur, s’inscrit au contraire dans une rupture par rapport à l’approche traditionnelle. C’est cependant cette dernière approche qui est la vision dominante dans l’opinion mondiale et pour les autorités nationales, structurant la politique officielle de gestion de la faune et rejetant dans l’archaïsme toute perception différente, surtout si elle est issue des populations rurales.

En matière de biologie, la faune sauvage peut être séparée en deux grandes catégories, aux stratégies démographiques opposées. Les espèces de type r sont des pionnières, qui occupent très rapidement les niches écologiques et les espaces vides, avec une dynamique de reproduction élevée et une espérance de vie limitée. A l’opposé, les espèces K cherchent plutôt à diminuer la mortalité qu’à stimuler la natalité ; elles investissent donc dans l’élevage de juvéniles peu nombreux, mais sevrés tardivement et bénéficiant d’une longue espérance de vie et elles sont ainsi adaptées à des milieux biotiques stables, proches de l’équilibre climacique. Ces caractéristiques permettent aux espèces r de bien supporter des pressions de chasse élevées, alors que les prélèvements sur les espèces K doivent être très limités, sous peine d’un effondrement des populations, ce qui justifie, sur le plan biologique, une politique de protection à leur endroit.

Les approches scientifiques de l’écologie se séparent entre une conception réductionniste et très cartésienne, de la biosphère et une vision qui cherche à comprendre le fonctionnement de l’écosystème de façon globale, dans une vision holistique, où le tout ne peut s’expliquer uniquement comme la somme des parties élémentaires. L’approche mécaniste cherche à mettre en évidence des lois générales, dont une des plus utilisées pour la gestion des ressources naturelles renouvelables est la loi logistique. Cette dernière devrait permettre de définir le niveau optimum d’exploitation des écosystèmes, dans une optique de durabilité, au sens proposé par la Conférence de Rio de 1992. En intégrant, de façon plus large, les actions et les besoins de l’Homme dans les concepts de socio- écosystème ou d’anthroposystème, la vision holistique considère ces notions comme des systèmes complexes, faisant apparaître des propriétés émergentes et des effets de seuil, avec des évolutions non linéaires, très sensibles aux conditions initiales, selon la théorie mathématique du chaos. Plutôt que de rechercher une solution optimale, intégrant les dimensions écologique, économique et sociale,

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dans une optique de durabilité réductionniste, il conviendrait, dans cette approche, d’identifier les différents états viables de la ressource. Par définition, dans l’approche de l’école de la viabilité, ils sont capables de satisfaire à long terme les principales contraintes d’exploitation et de survie du système ; cette logique s’accorde bien avec une stratégie de gestion adaptative.

En matière socio-économique, l’étude d’une filière totalement informelle et même illégale, comme le secteur de l’approvisionnement en venaison des marchés urbains, impose des approches largement basées sur les contacts humains personnalisés et durables, permettant d’identifier les différents acteurs et d’établir avec eux les relations de confiance nécessaires pour disposer d’informations fiables, même si elles restent souvent qualitatives. Cette filière relève cependant de la logique des systèmes d’approvisionnement et de distribution alimentaire, qui assurent le ravitaillement en nourriture des grandes cités africaines ; le cadre conceptuel mis au point pour l’étude de ces SADA peut donc être également mobilisé dans notre cas d’école, avec, en particulier, la valorisation du concept de filière de production. Les méthodologies développées sont également pleines d’enseignements, car ces filières, si elles ne sont pas illégales, relèvent également très souvent de l’économie informelle.

D’autre part, la venaison a souvent été vue comme une ressource naturelle en accès libre, relevant de la même logique de gestion que les pêcheries maritimes. Il apparaît cependant que la ressource faune est probablement appropriée par les communautés villageoises ; sa collecte relèverait de la logique de gouvernance des biens communs, décrite par E. Ostrom et son école de pensée. Au niveau de la consommation, également, il faut s’interroger sur la vision du produit venaison développée par le consommateur urbain : la viande de chasse est-elle un produit de luxe consommé exceptionnellement, est-ce un produit marquant une appartenance ethnique ou une nostalgie de la vie ancienne au village ou est-ce un produit de consommation courante, voire un produit de première nécessité pour les classes populaires ? Dans ce dernier cas, la viande de brousse, sur les marchés urbains, sera soumise à la concurrence des autres sources de protéines disponibles. Le Marché, comme institution, et sa « main invisible » seraient alors un modèle pertinent pour comprendre le fonctionnement de la filière venaison.

L’approche géographique de la chasse commerciale et de sa filière de commercialisation permet de développer le concept de territoire. Ses différentes dimensions semblent cohérentes avec une vision collective de la gestion d’une ressource renouvelable, dans le cadre du village traditionnel et de ses institutions. L’expression spatiale de cette activité pose cependant le problème de l’appréhension des limites et de la frontière, qui marque une opposition tranchée entre la vision moderne linéaire et géométrique et une approche plus ancienne, qui s’accommode de la figure de la marche-frontière, aux contours flous et dont la gestion relève du compromis entre les communautés ayant-droit.

Les représentations de la nature influent directement sur les modes de gestion des ressources naturelles et sur les visions de l’avenir développées par les sociétés humaines. Les approches biocentrées, actuellement développées par les philosophes de l’école de la « deep ecology », considèrent l’Homme comme une espèce animale parmi les autres, sans plus de droits (ni de devoirs ?) ; elles se rapprochent de la vision romantique de la nature apparue à la fin du XVIII° siècle, en réaction aux excès du rationalisme du siècle des Lumières. Elles s’opposent ainsi aux visions anthropocentrées, issues des religions du Livre (judaïsme, christianisme et islam), mais également de la tradition animiste africaine, et reprises par la vision moderne cartésienne de la Nature, considérant l’homme « comme maître et possesseur de la nature »33

. La vision biocentrée, actuellement prisée par les populations citadines des pays développés, va privilégier la figure de la « wilderness » comme image idéale de la nature, alors que l’approche anthropocentrée, présente chez les populations rurales et dans les pays en développement, est nettement utilitariste et met en avant la satisfaction des besoins de l’humanité ; elle valorise le concept d’anthroposystème et souligne l’influence positive

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de l’homme dans certains écosystèmes souvent perçus comme naturels. Cette opposition frontale des représentations de la Nature ne facilite pas le dialogue constructif entre les parties prenantes dans la gestion de la faune, surtout lorsqu’un des interlocuteurs dispose de la puissance financière et de la force des médias.

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GESTION DE LA FAUNE

ET CHASSE COMMERCIALE :